CHAPITRE VIII

La rumeur se répandit comme un feu de paille. On avait repéré un intrus près du Temple. Quelqu’un prétendit même qu’on l’avait vu à l’intérieur du Temple. Les élèves les plus jeunes étaient épouvantés, et même les Chevaliers s’inquiétaient. Le Temple était en état d’alerte maximale. Comment pouvait-on s’y introduire ? Était-il si vulnérable ?

— Notre surveillance est efficace, dit Qui-Gon à Tahl alors qu’ils parcouraient les allées, Deuji sur leurs talons. Mais peut-être avons-nous trop tendance à croire qu’il suffit de nous refermer comme une huître en cas de menace.

— Que veux-tu dire par là ?

— Que notre système de sécurité ne nous protège pas d’un ennemi intérieur ; quelqu’un qui ferait volontairement entrer un ou plusieurs intrus. Notre postulat de base est qu’un Jedi ne peut ouvrir les portes à une menace externe.

— Rampe, inclinaison de 15 degrés, à deux mètres droit devant, chantonna Deuji.

Un instant, le visage de Tahl refléta son irritation, mais elle revint à leur préoccupation du moment :

— Nous ne savons même pas si cet intrus existe, fit-elle. Impossible de retrouver la source de cette histoire ! Untel le tient d’Untel qui le tient d’Untel qui ne se souvient pas de qui il la tient…

— C’est dans la nature même d’une rumeur, releva Qui-Gon. Peut-être même que l’intrus en joue. Pour nous faire croire à une invasion.

Une voix calme et posée s’éleva des haut-parleurs :

— Code quatorze, code quatorze.

— Le signal de Yoda ! s’écria Tahl. Il s’est passé quelque chose.

Les deux Chevaliers Jedi changèrent de direction. Pour une fois, Tahl saisit le bras de Qui-Gon afin qu’ils puissent se déplacer plus rapidement.

— Maître Tahl ! fit Deuji de sa voix musicale. Veuillez ralentir ! Je dois vous assister !

— Va te faire voir, rétorqua Tahl par-dessus son épaule. Je suis pressée !

— Il m’est impossible d’aller me faire voir, répondit Deuji sur leurs pas. Je suis un droïde de navigation !

Qui-Gon et Tahl entrèrent dans la petite salle de conférence où ils étaient convenus de se retrouver pour échanger les dernières nouvelles. C’était la pièce la plus sûre du Temple, gardée en permanence par un scanner de surveillance.

Yoda les y attendait déjà.

— Fermeture de la porte dans deux secondes environ, annonça Deuji.

— Deuji… fit Tahl, agacée.

La porte se referma derrière eux. Yoda avait l’air sombre.

— De mauvaises nouvelles, je suis porteur, dit-il. Un autre vol, on a découvert. Cette fois, les cristaux de feu des guérisseurs, on a dérobé.

— Les cristaux ? répéta Qui-Gon éberlué. Ils sont pourtant sous bonne garde.

Tahl murmura :

— Qui est au courant ?

— Uniquement le Conseil, répondit Yoda. Mais que la nouvelle se répande, nous redoutons.

Chaque fois que Qui-Gon pensait que la situa-Gon ne pouvait empirer, elle s’aggravait. L’importance des larcins suivait une courbe ascendante. Ce qui était peut-être le but du jeu.

Voilà le point commun, se dit Qui-Gon. Tout cela n’est pas un hasard. Il y a là une volonté délibérée, un plan.

Ce coup-ci, le voleur avait frappé au cœur même du Temple. Les cristaux de feu et leurs pouvoirs de guérison étaient un trésor que les Jedi détenaient depuis des millénaires. Ils se trouvaient dans une chambre de méditation ouverte à tous les élèves. Ces gemmes étaient la seule source de chaleur et de lumière de la pièce. Une flamme immortelle était enchâssée au cœur de chaque pierre.

Lorsque les élèves apprendraient le cambriolage, ils douteraient de la prétendue invincibilité du Temple. Peut-être même de la puissance de la Force.

— Démasquer le coupable, il faut, leur enjoignit Yoda. Mais quelque chose de plus important, découvrir vous devez.

— Quoi donc, Yoda ?

— Le Pourquoi, répondit Yoda. Car c’est là, je crains, que le germe de notre destruction réside.

Et Yoda s’en alla. La porte se referma sur son passage.

— Par où commence-t-on ? demanda Tahl.

— Par mes quartiers, répondit Qui-Gon. Mes notes sont sur mon écran à données. Et à partir de maintenant, nous les garderons constamment sur nous. Si les cristaux de feu sont vulnérables, nous aussi.

Qui-Gon et Tahl entrèrent dans la chambre. Qui-Gon redoutait qu’on ne lui ait pris son écran à données, mais il se trouvait bien là où il l’avait laissé, dans le tiroir de sa table de nuit. Au Temple, il n’y avait ni coffre, ni serrure.

— Très bien, dit-il. Revenons à…

Il s’interrompit pour regarder Tahl. De toute évidence, elle ne l’écoutait pas. Elle se tenait là, au centre de la pièce, en pleine concentration. Qui-Gon attendit, ne voulant pas la déranger.

— Tu ne sens rien ? demanda-t-elle. Quelqu’un est entré ici, Qui-Gon. Je perçois ton odeur… plus une autre. Celle d’un intrus.

Qui-Gon parcourut la pièce des yeux. Rien n’avait été déplacé. Il activa son écran à données. Toutes ses notes étaient là : les entretiens avec les étudiants, les procédures de sécurité. Quelqu’un pouvait-il avoir brisé le code pour les consulter ? Cela n’avait que peu d’importance, d’ailleurs : il n’avait noté que des faits et non des spéculations. Mais ça ne changeait rien au fait qu’on s’était introduit chez lui.

Soudain, un frisson d’excitation parcourut Qui-Gon. Tahl sentit son changement d’humeur et se retourna. Maintenant qu’elle n’y voyait plus, ses dons de perception croissaient de façon extraordinaire.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.

— Tu viens de découvrir le moyen de démasquer notre voleur, répondit Qui-Gon.