CHAPITRE XXIV
Le Mercure se posa en douceur sur la piste de l'astroport de New-York. Marc avait récupéré une forme acceptable, ayant passé la majorité du temps du voyage à dormir, à regarder des films tri-di et à flemmarder.
-Les vacances sont finies, soupira-t-il. Je n'ose imaginer le temps que vont me faire perdre tous ces administratifs. Je parie que j'attendrai longtemps ma permission !
Peu après, les deux amis prirent pied sur la piste au revêtement noirci par les fumées. Le soleil perçait difficilement la brume créée par les réacteurs de décollage. L'atmosphère était lourde, chaude, désagréable.
-Cela change des planètes primitives qui n'ont pas encore découvert la pollution. Ici, nous avons le privilège de voir ce que l'on respire. Va chercher le trans, Ray.
L'androïde hésita une seconde.
-Viens avec moi. Un peu de marche te fera le plus grand bien après un séjour confiné dans l'aviso.
Devant la mine étonnée de Marc, il ajouta : -J'ai beaucoup étudié cette affaire. Une société capable de mobiliser un pirate pour t'éliminer n'a guère de scrupules. Aussi, je préfère ne pas te quitter de vue pour l'instant.
Après avoir confié le Mercure à l'équipe d'entretien, ils gagnèrent le parking souterrain où était rangé le trans. Méfiant, Ray examina minutieusement le véhicule avant d'autoriser Marc à s'asseoir sur le siège.
Ils quittèrent l'astroport pour s'engager sur la grande route rectiligne qui menait à la métropole. En raison de l'importance de la circulation, une heure fut nécessaire pour atteindre l'immeuble luxueux où Marc avait son appartement. Dans l'ascenseur qui le propulsait à son étage, il soupira : -Cette fois, je ne suis pas mécontent de rentrer ! J'ai encore besoin de récupérer. Le régime végétarien des habitants de Nora n'en fera jamais un haut lieu de la gastronomie.
Ray ouvrit la porte de l'appartement et d'un geste machinal s'effaça pour laisser entrer Marc. Soudain, la lumière s'alluma tandis qu'une voix grasseyante lançait :
-Entrez, capitaine Stone, je vous attendais.
Un homme encore jeune, trapu, massif, les cheveux noirs descendant bas sur le front, était installé dans un fauteuil. Il tenait à la main un pistolaser d'un calibre impressionnant. -Inactivez votre androïde. -Et si je refuse ?
-Je vous descends tout de suite !
-Si j'obéis, cela n'arrivera pas ? ironisa Marc.
Le type haussa les épaules. -Nous ferons d'abord une petite promenade mais auparavant je dois récupérer les cristaux mémoriels de votre tas de ferraille.
-Je vous avertis que si vous tirez, Ray vous abattra sans hésiter.
L'homme émit un hennissement qui se voulait un rire.
-Je ne cours aucun risque. Les androïdes sont conditionnés pour ne jamais mettre une vie humaine en danger.
-Imbécile ! jeta Ray qui avança d'un pas rapide pour se placer entre Marc et l'arme.
Le voyou, surpris, appuya aussitôt sur la détente. Au contact du champ protecteur de l'androïde, le jet laser produisit un grésillement ridicule. L'homme n'eut pas le temps de tirer une seconde fois. La riposte vint, immédiate, précise. Un hurlement de douleur accompagna la chute de l'arme et... de trois doigts ! Ray avait actionné son laser digital.
Sidéré, le type regarda sa main mutilée, les yeux horrifiés.
-Vous... vous n'aviez pas le droit...
Une rage démente envahit son esprit. Il se rua vers Marc, les bras écartés, pour l'écraser, l'étouffer. C'était sans compter sur les réflexes de l'androïde. L'homme eut la brutale impression de heurter un mur. Tout aussitôt une vive douleur déchira son estomac. Le souffle coupé, il retomba dans le fauteuil qu'il venait de quitter. De la pointe de sa botte, Marc repoussa le pistolaser sur lequel un index livide était encore crispé. -Si vous me disiez maintenant pour qui vous travaillez.
Le brun hésita un instant, regardant alternativement les deux astronautes. -Mieux vaudrait parler, ricana Marc, sinon vous allez énerver mon ami. Il a horreur qu'on veuille me tuer et si je ne le retiens pas, il est capable de vous découper en tranches. -Vous n'oseriez pas ...
La main de Ray le toucha au visage avec la délicatesse d'un char d'assaut ! Sous le choc, les lèvres se fendirent.
-Je... je ne le connais pas. J'ai été contacté par vidéophone. J'ai reçu dix mille dols avec promesse du double si j'exécutais mon travail. -Quel était-il exactement ? -D'abord prendre les cristaux mémoriels puis vous emmener dans votre chalet de montagne.
Il s'interrompit, le regard fuyant. -Ensuite, insista Marc.
A l'instant où Ray levait à nouveau la main, il ajouta vite :
-Je devais vous assommer et mettre le feu à la baraque. Officiellement, votre mort aurait été un simple accident.
Marc réfléchit un moment puis fit un signe à Ray. Une solide tape sur le crâne endormit le visiteur indélicat.
-Que fait-on de lui ? J'ai une furieuse envie de le balancer par la fenêtre.
-Inutile d'être aussi expéditif. Maintenant, il est inoffensif. Contactons la Sécurité Galactique pour qu'elle nous en débarrasse.
Le colonel Still fut fort aimable.
-J'envoie une équipe chercher le colis. N'oubliez pas que la commission doit vous entendre dans deux jours et faites-moi parvenir les cristaux de Ray. Ils seront examinés par nos experts.