CHAPITRE XX

Le bruit des portes de l'ascenseur réveilla en sursaut l'opérateur qui s'était endormi sur son fauteuil. Une heure du matin ! Qui pouvait lui rendre visite ? Aucune relève n'était prévue avant le lendemain. Il tressaillit en reconnaissant l'imposante silhouette du général Khov qui, contrairement à son habitude, arborait une mine souriante.

-Restez assis, Ferson.

Un ton paisible... peut-être un peu trop doux pour ceux qui le connaissait bien.

-Je passais dans le service. Rien de nouveau ?

-Le capitaine Mac Donald a signalé en fin d'après-midi qu'il arrivait en vue de son objectif.

-Pas de nouvelles de Stone ?

-Aucune, mon général !

Le revers de l'énorme main de Khov s'abattit sur le visage de l'opérateur avec un bruit sourd. Saisi par le devant de son uniforme, l'homme fut arraché de son fauteuil, soulevé dans les airs comme un mannequin désarticulé. Une vigoureuse poussée le jeta à terre cinq mètres plus loin, saignant de la bouche et du nez.

-Qui t'a payé pour censurer mes communications? Parle ou je t'écrase la tête comme un rat malfaisant que tu es !

La surprise autant que la douleur brisa toute résistance. C'est larmoyant qu'il murmura :

-Calden, Nick Calden... qu'il m'a dit s'appeler. Il est venu chez moi il y a huit jours. Il m'a donné dix mille dols, m'en promettant le triple si j'interceptais le message de Stone.

-Et pour les jours où tu n'étais pas de service ?

-Là, je ne sais rien ! J'ignore s'il a pris des engagements avec mes collègues...

Khov hocha la tête, se promettant d'élucider la question.

-File ! Si je te revois dans le service, tu prendras mon poing sur la figure !

Une perspective qui n'avait rien d'engageant !

***

Marc somnolait sur le siège du copilote. Son repas avalé, en dépit de sa fatigue, il ne s'était pas résolu à gagner sa cabine malgré les exhortations de Ray. Une impression de malaise l'empêchait de se détendre.

La sonnerie de la vidéo-radio le tira de sa léthargie. Le visage de Khov se dessina sur l'écran. Le général paraissait d'excellente humeur et un sourire ironique étira ses lèvres.

-Il m'est fort agréable de savoir que, pour une fois, je vous réveille. Une juste revanche !

-Je ne pense pas que vous appeliez pour cette seule satisfaction.

-Le colonel Still m'a tiré du lit pour me transmettre votre rapport. Il semble complet. Vous pouvez considérer votre mission comme terminée. J'aimerais cependant avoir les enregistrements de Ray. Rassurez-vous, ils ne seront pas censurés ! Je me trouve au centre des communications pour surveiller les opérations. Ensuite vous pourrez regagner la Terre.

Soudain, Marc s'exclama : -Puis-je prendre quelques jours de permission ? Sur le chemin du retour, j'aimerais rendre visite à une amie.

Le général hésita un instant avant de railler : -Vous avez envie de revoir une ancienne conquête? Ce que vous faites en dehors du service ne me regarde pas. Toutefois, soyez sur Terre dans dix jours. La commission désirera certainement vous entendre car votre rapport va déclencher un beau scandale. Enfin, ne comptez pas refiler à Ben-ton une note de frais pour ce détour. -Certainement pas ! Je m'estimerais très heureux s'il règle seulement une partie des frais du voyage. N'oubliez pas que j'ai utilisé huit missiles et deux Cisée.

-Nous verrons tout cela à votre retour. Bonne permission !

Un opérateur que la présence du général faisait sérieusement transpirer vint en ligne. -Prêt pour l'enregistrement en accéléré.

Dix minutes plus tard, Ray avait achevé la transmission. L'écran éteint, il se tourna vers Marc.

-Quelles coordonnées dois-je programmer ? Où veux-tu passer cette permission ?

Marc, resté immobile, les yeux clos, murmura, rêveur :

-Lors de notre discussion avec le kalkas géant, il a fait allusion à un congénère qui se serait installé sur la planète de notre amie l'entité végétale. -Et alors ? Elle est pratiquement déserte ! -Connaissant leur nature envahissante, je crains le pire, d'autant que je n'arrive plus à entrer en contact avec l'esprit de notre amie comme je le faisais auparavant. Donc, tu mets le cap sur sa planète ! Elle se trouve dans le système de référence LA 16.27.39.82.

-Merci ! J'ai encore une assez bonne mémoire, railla l'androïde qui s'installa devant l'ordinateur de vol.