CHAPITRE XVIII

Dans le poste de pilotage du vaisseau pirate, Calden sirotait un verre de whisky tandis que le commandant Ixan pianotait d'impatience sur l'accoudoir de son fauteuil. L'ordinateur de bord égrenait les secondes de sa voix métallique.

Avec amusement les deux hommes contemplaient l'écran vidéo. Les yeux fermés, le visage figé, Marc paraissait en proie à une souffrance intérieure.

-Ne vous tracassez pas, commandant, ironisa le blond. Il ne peut que céder. Aucun être sensé ne choisit la mort tant qu'il a un espoir de survivre. Dès que nous aurons obtenu qu'il enregistre un rapport bien anodin pour son général, vous le liquiderez. Ensuite, vous regagnerez Solan et encaisserez le solde de votre prime. Vous pouvez aussi vous emparer de son astronef, ce qui vous procurera un supplément non négligeable. -Le vaisseau est en état de défense automatique. -Cela ne constitue pas un gros obstacle. C'est un appareil civil et non un aviso du S.S.P.P. Je tiens le renseignement de source sûre. Il ne devrait pas être difficile de saturer son écran. De toutes les manières, cet engin doit disparaître sans laisser de traces, comme son occupant. -Dix... neuf..., annonça l'ordinateur.

Ixan allongea le bras en disant : -Votre type n'a pas pris la bonne décision. Il se dirige toujours vers son astronef. Tant pis pour lui!

La contrariété tordit les traits de Calden. La disparition de cet agent et l'envoi d'une nouvelle mission par Khov retarderait l'adjudication empêchant de débuter l'exploitation. Sans compter la nécessité de faire encore appel au pirate qui ne manquera pas de monnayer une intervention supplémentaire.

-Laissez-moi encore quelques secondes pour le convaincre.

Il bascula le contact de l'émetteur du son pour lancer :

-Capitaine Stone, vous...

Sa voix fut soudain couverte par la sonnerie stridente de danger imminent. Interrompant son compte à rebours, l'ordinateur annonça du même ton indifférent :

-Missile à huit heures. Très grande vitesse. Impact dans douze secondes.

Les réflexes du commandant Ixan, rodés par vingt années de piraterie, jouèrent aussitôt. Ses doigts puissants écrasèrent une série de touches, branchant l'écran protecteur à pleine puissance. Il n'était que temps ! L'explosion survint aussitôt après, secouant le bâtiment et ses passagers.

Calden se redressa avec peine, le front couvert de sueur. Il hoqueta d'une voix blanche :

-D'où vient cet engin ?

-Certainement du vaisseau de Stone, grogna Ixan qui surveillait le tableau de bord où plusieurs témoins d'avarie clignotaient.

-C'est impossible ! Un astronef civil de location n'est pas armé. De plus, il n'y a personne à bord. Stone est parti escorté seulement de son androïde. Nous en avons la certitude !

-En matière de missile, je ne crois pas à la génération spontanée !

Un nouveau cri échappa à Calden.

-Le module ! Il atteint le vaisseau ! Détruisez-le !

L'écran de visibilité extérieure montrait l'astronef avec le module tout proche. A l'instant où le commandant allait interrompre son champ protecteur pour diriger son tir, un nouveau missile jaillit du flanc du Mercure, s'élançant à grande vitesse vers l'appareil pirate.

-Qu'attendez-vous pour tirer ?

Ixan grinça des dents.

-Si je coupe mon écran, ce projectile nous pulvérisera. Je ne suis pas partisan d'un suicide collectif. Ils ont remarquablement manoeuvré et nous nous sommes laissé tromper. Il faut prendre de la distance.

D'un doigt rageur, il enclencha les propulseurs. L'accélération brutale cloua Calden sur son siège. Un poids immense écrasa son thorax. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'il puisse articuler :

-Vous devez détruire cet astronef ! Je vous l'ordonne ! Stone connaît mon nom et mon visage. Je suis certain que notre conversation a été enregistrée. Il ne faut à aucun prix qu'il puisse communiquer avec la Terre. Ce serait catastrophique pour nous tous.

Le second missile heurta le champ protecteur mais, cette fois, à bonne distance, n'entraînant qu'une baisse brève de l'intensité lumineuse.

Une ride soucieuse barrait le front du pirate. Un des éléments du générateur atomique donnait des signes de faiblesse. Il hésita un instant. La solution la plus raisonnable était de fuir et de plonger dans le subespace. La colère qui grondait en lui exigeait au contraire une vengeance rapide. L'appareil adverse était encore sur la même orbite mais le module n'était plus visible.

Résolument, Ixan pesa sur les commandes, infléchissant la trajectoire de son vaisseau.

-La surprise a joué en sa faveur, gronda-t-il. Maintenant, je vais lui montrer ce qu'est un vrai combat dans l'espace !

Avec soin, il programma une série de quatre missiles.