LE HONTEUX INTERNE
Voici déjà un certain temps que je m’observe sans rien dire, d’un œil méfiant.
Malheur à qui la joie vient qui n’était pas fait pour cela. Il m’arrive depuis quelque temps et plusieurs fois dans la journée, et dans les moments les plus détestables comme dans les autres, tout à coup une ineffable sérénité. Et cette sérénité fait un avec la joie, et tous deux font zéro de moi.
Là où je suis, la Joie n’est pas. Or donc, elle se substitue à moi, me rince de tous mes attributs et quand je ne suis plus qu’un gaz, qu’est-ce qu’un gaz peut faire ? Ni originalité ni lutte. Je suis livré à la joie. Elle me brise. Je me dégoûte.
Quand je redeviens libre, je sors, je sors rapidement avec ce visage des personnes qui viennent d’être violées. Si on me rencontre, j’explique brièvement que je me suis empoisonné avec une drogue que j’avais rapportée du Brésil, mais c’est faux.
J’étais autrefois si bien fermé !
Maintenant, toute ouverture, et le théâtre de la lécherie.
Ce ne serait qu’un demi-mal ; j’en ai déjà vu de toutes les sortes. Mais, combien de temps ça va-t-il encore durer ?
Il y a dans les traités d’anatomie une partie qu’on appelle le « honteux interne », un muscle je crois, je ne suis pas sûr.
Le « honteux interne », ce mot me poursuit. Je n’entends plus que ça. Le honteux interne, le honteux interne.