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De l’autre côté de la paroi amovible, la main de Holly rencontra une sorte d’interrupteur. Malgré l’effroi qui l’avait saisie après avoir échappé d’un cheveu à la mort, la jeune fille éprouva une pointe de fierté. Elle commençait à connaître son Sulfurique sur le bout du doigt !
Logiquement, en appuyant sur l’interrupteur, elle avait dû stabiliser le sortilège d’illusion. Elle jeta un autre chapeau dans l’escalier. Cette fois, le chapeau ne disparut pas. Elle avança un pied dans le passage secret. Le sol était ferme. Elle avait bel et bien déjoué un nouveau piège !
Elle emprunta l’escalier qui descendait. Grenier ou pas, elle en avait assez de cette maison de fou. Mais les marches ne semblaient pas s’arrêter au rez-de-chaussée. Quand elle arriva en bas, elle se retrouva dans un long couloir rectiligne. Des globes de lumière avaient détecté sa présence et s’étaient allumés d’eux-mêmes.
Holly avait un bon sens de l’orientation. Elle s’en servit pour déterminer que le passage devait courir le long de la voie Bouillonnante pour déboucher dans l’usine de Sulfurique. Elle estima plus prudent de ne pas le vérifier. Inutile de se jeter dans la gueule du loup ! Elle qui croyait se diriger vers la sortie s’était précipitée dans une impasse.
Elle remonta… et ne résista pas à la tentation d’examiner le grenier. Une odeur de sang séché la prit à la gorge. Des lambeaux de chair étaient cloués par terre, formant un cercle près d’un triangle. Dans un coin, de l’encens brûlait dans un brasero ; non loin, une brassée d’ase fétide ; et, partout, des symboles mystérieux aux murs.
« Ça m’étonnerait que cette pièce soit protégée par un sortilège d’illusion, pensa-t-elle. D’abord, elle est assez bien protégée sans ça. Ensuite, elle est visiblement destinée à invoquer les démons, et la magie risquerait d’interférer avec les rituels. Et enfin… enfin, on va voir ça ! »
D’un pas décidé, elle se dirigea vers un placard, dont le tiroir n’était protégé que par un sort élémentaire – son attrape-sort suffit à le désactiver. À l’intérieur du meuble, l’équipement magique de base : baguettes de feu, calices de sang, pentacles(viii), talismans, mandragores, dagues aériennes… Un humuncule miniature se dirigea sur elle. Elle le repoussa pour s’emparer de deux livres.
Le plus petit était écrit de la main de Sulfurique. Holly n’en croyait pas ses yeux : c’était le journal du sorcier ! Elle le feuilleta et y repéra le nom qu’elle cherchait depuis qu’elle était entrée dans la maison : Pyrgus.
À cet instant, un son perçant lui vrilla les tympans. Elle se figea, le cœur battant à tout rompre. Avait-elle déclenché une alarme sans s’en rendre compte ? Avait-elle eu tort de croire que cette pièce était sans danger ? Elle hésitait encore sur la conduite à tenir quand elle comprit. Ce qu’elle entendait, c’était le sifflement suraigu de Kitterick. Quelqu’un approchait.
Holly Bleu prit les livres et s’enfuit.