51

— Ta mère est quoi ? s’exclama Charlie.

— Amoureuse d’Anaïs Ward, la secrétaire de Papa, dit Henry.

— Non ! Ta mère est lesbienne ?

Henry acquiesça. Sa copine s’écria :

— Wow ! C’est trop classe !

La pluie avait cessé. Les deux copains profitaient donc du jardin des Severs. La maman de Charlie leur avait préparé un goûter pantagruélique : saucisses, frites, pop-corn, gâteau rose vif, bonbons. Puis elle les avait laissés à leurs papotages ; et les enfants avaient dévoré ses plats, arrosés de deux bonnes bouteilles (de limonade).

Henry avait cru qu’il serait incapable d’avaler une bouchée. Il avait dévoré. Il détestait ce qui lui arrivait. Mais savoir l’avait soulagé. Et il avait englouti comme quatre Charlies.

— Tu penses que c’est classe d’avoir une mère lesbienne ? reprit-il, stupéfait.

— Ouais, trop classe. Pas toi ?

— Euh… Je n’y avais pas réfléchi sous cet angle, avoua Henry.

— Moi, si. À l’homosexualité, hein, pas à ta mère. Les filles en parlent souvent, à l’école.

— Non ?

— Y en a même qui se sont, euh… embrassées.

— Des filles de ton collège ?

— Ouaip !

— Sur la bouche ?

— Bien sûr ! Il paraît que c’est une phase par laquelle on passe.

— Toi aussi, tu…

Charlie éclata de rire :

— Non, merci, ce n’est pas mon truc. Tu ne l’as pas mal pris ?

— Pour ma mère ? Si, plutôt mal.

— Tu es réactionnaire, Henry. Hyper réac.

— M’en fiche. Mon père souffre à cause d’elle.

— Je le comprends, murmura Charlie.

Henry lui jeta un coup d’œil. Sa copine était petite ; elle avait de beaux cheveux et des yeux bleus. Sortie de l’école, elle ne portait que des jeans et des chemises de garçon. Souvent, Henry pensait qu’elle était folle. N’empêche, il savait qu’on pouvait parler de tout avec elle. Elle ne se braquait jamais. En plus, elle ne répétait rien à personne.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda-t-elle.

— Moi ? Qu’est-ce que je peux faire, d’après toi ?

— Je sais pas. Ils vont divorcer ?

— Ils disent que non, mais…

— Ils veulent rester ensemble un moment « pour le bien des enfants » ?

Henry opina.

— Tu sais, mes parents ont divorcé, dit Charlie.

— Non ! Ils se sont remis ensemble, alors ? ou Peter n’est pas ton vrai père ?

— Peter n’est pas mon vrai père, confirma la jeune fille. Ma mère a quitté mon père quand j’avais trois ans. Ou quatre. Bon, bref, lorsqu’il rentrait à la maison, le soir, il était ivre et il la battait. Elle ne voulait pas divorcer à cause de moi. Une nuit, pourtant, il lui a cassé le bras et m’a fait valdinguer au pied de mon lit. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Un an et demi plus tard, elle a rencontré Peter…

Henry la regardait, bouche bée :

— J’étais pas au courant…

— Quand Maman s’est remariée, Peter m’a adoptée, donc je porte son nom et celui de Maman.

— Wouah ! Et ton vrai père, tu l’as revu ?

— Non. Jamais. Pour quoi faire ? J’ai oublié à quoi il ressemblait. Maman a brûlé toutes ses photos. Elle dit que c’était un gros nul.

Soudain, Charlie se mit à sourire :

— Comme quoi, on peut survivre à la séparation de ses parents ! Si moi j’ai réussi, toi aussi, tu en es capable.

— J’espère, murmura Henry.

Il sentit les larmes lui monter aux yeux. Il tourna la tête. Trop tard. Charlie passa la main autour de son cou et l’attira contre elle. Il réussit à retrouver contenance plus vite qu’avec Anaïs.

Charlie lui caressa le visage :

— Tu as vécu une drôle de journée, hein ?

Un papillon passa devant les enfants, voletant çà et là. « Et encore, Charlie ! pensa Henry. Je ne t’en ai pas raconté le quart… »

La guerre des fées
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