14

Une demi-heure après l’expulsion de la veuve, les employés de l’huissier avaient apporté ses affaires dans le bureau de Sulfurique. Il n’y avait pas grand-chose, mais Silas mettait un point d’honneur à s’emparer de tout pour se livrer au plaisir de détruire des objets personnels.

À première vue, les possessions de la jeune veuve n’avaient rien d’original. De pauvres habits ; des ustensiles de cuisine ; un ou deux bibelots bon marché. Mais il y avait un coffre en bois, avec des gonds de métal, qui semblait de meilleure qualité que le reste. Il était fermé à clé.

— Qu’est-ce que c’est ? avait demandé Sulfurique, suspicieux.

— Aucune idée, avait répondu l’un des employés.

Sulfurique avait observé la serrure avec un intérêt accru.

Une fois seul, il avait essayé de l’ouvrir. En vain. Les gonds n’étaient pas en fer, comme il l’avait supposé de prime abord. Le métal utilisé était plus résistant. Beaucoup plus résistant. De surcroît, une protection supplémentaire – de nature magique – paraissait empêcher l’ouverture du coffre.

Sulfurique avait commencé par la désamorcer. Désormais, il en était certain : le coffre contenait quelque chose de très, très précieux. Personne ne se donnerait autant de mal pour protéger de pauvres haillons ! Silas avait alors décidé d’employer la manière forte. Il avait fait fondre la serrure au chalumeau et avait dû attendre une demi-heure que l’ensemble refroidît.

L’attente avait attisé sa curiosité. Son cœur bondissait dans sa poitrine. Qu’avait donc caché la veuve ? De l’or ? Des bijoux ? Des secrets de famille ? Des œuvres d’art ?

Quand il avait soulevé le couvercle, il n’en avait pas cru ses yeux. Sur un lit de paille, reposait un livre, entouré d’un ruban couleur d’ambre. Bouleversé, Sulfurique avait lu le titre un peu effacé :

 

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Les mains tremblantes, Sulfurique avait inspiré et expiré à fond pour se calmer : peut-être était-ce un faux. Il en circulait des tas. Lui-même en avait acheté deux à des receleurs qui s’étaient révélés n’être que de vulgaires arnaqueurs.

Cependant, dès qu’il avait ôté le ruban et soulevé la couverture, il avait su que ce livre était le livre. Le vrai. L’unique.

Le temps avait roussi le parchemin. La calligraphie à l’ancienne était inimitable, et la couleur passée de l’encre impossible à contrefaire. Mais ce n’étaient là que des signes extérieurs ; le plus important restait le texte lui-même. Sulfurique était suffisamment calé en magie pour affirmer que le rituel décrit dans ce livre était authentique.

Il l’avait trouvé. Enfin.

ENFIN !

Durant trois jours et trois nuits, Sulfurique avait étudie le livre sans prendre le temps de manger. Pour la première fois, il avait délégué à Blafardos l’entière responsabilité de leurs affaires. Cet idiot serait incapable de perdre beaucoup d’argent en un laps de temps aussi court ; mais, quand bien même il y parviendrait, Sulfurique y remédierait sans tarder grâce au Livre de Beleth.

Car le grimoire ouvrait les portes de l’Enfer. Il donnait la clé des plus fabuleuses richesses. Celui qui possédait le Livre de Beleth avait tout l’or du monde dans les mains. Ou presque…

Comment la veuve avait-elle pu être aussi stupide ? Si elle avait eu conscience de l’importance de ce qu’elle conservait dans ce coffre, elle n’aurait eu aucun mal à payer son loyer ! C’est elle qui aurait expulsé Blafardos et Sulfurique – elle aurait même pu renverser l’Empereur pourpre en personne ! Mais à présent, le livre appartenait à Silas Sulfurique. Et lui saurait en faire bon usage…

La guerre des fées
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