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Pyrgus faisait une drôle de tête.
— J’ai un peu mal au crâne, expliqua-t-il en montant dans la Ford. Mais… oh ! y a pas de chevaux ?
— De chevaux ? répéta Henry.
Puis il comprit :
— C’est ton baptême de la route ! Tu n’as jamais pris d’auto, dans le Monde analogue, n’est-ce pas ? Les chevaux ne tirent plus les voitures, ici. Ils sont remplacés par une batterie et un moteur qui fournissent l’énergie et…
Henry rougit. Il connaissait beaucoup moins bien le principe de l’automobile qu’il l’avait cru au départ. Pyrgus ne parut pas s’en apercevoir. Il opina, admiratif devant cette technologie inédite chez lui.
Quelques instants plus tard, le trio arrivait en vue du collège.
— Au coin à droite, vous pourrez vous garer, signala Henry à Bernie, qui n’avait pas monologué depuis au moins trois minutes. Nous, nous sauterons le mur de derrière. Il est assez bas, et on peut se suspendre aux arbres.
— Une idée du temps qu’il vous faut ?
— Non.
— Aucune importance. Je vous attends. Hé, minute, papillon : t’as la liste ?
— Oui.
— Alors, je touche du bois, plaisanta Bernie en effleurant sa tête.
Henry avait parcouru la liste quand M. Fogarty la lui avait donnée. Il ne devait rapporter rien de très gros, rien de très compliqué. S’il parvenait à garder son calme, l’opération devrait rouler !
Pyrgus et lui n’eurent aucun mal à franchir le mur. À cet instant, une voiture passait dans les parages, mais Henry était presque sûr que ses occupants n’avaient pas pu les voir.
— Suis-moi ! chuchota-t-il à Pyrgus.
Devant eux se dressait un édifice gris, construit à la fin du XIXe siècle. Le toit était hérissé de cheminées. Elles ne servaient plus depuis que le chauffage central avait été installé, dans les années 1960. Le labo de physique était situé à l’écart, dans un petit bâtiment en bois de plain-pied, totalement incongru. On l’avait construit en 1999 : un ancien élève avait alors fait un don important à l’établissement, pour fêter sa réussite dans l’industrie de la saucisse.
— Comment on va rentrer, d’après toi ? murmura Henry.
Pyrgus grimaça.
— T’as mal ? demanda son ami.
— Un peu, derrière les yeux. Ça va passer.
Il se passa la main devant le visage puis contourna le bâtiment.
— La porte est trop solide, constata-t-il. Le toit est trop haut. Il ne reste plus qu’une solution : les fenêtres.
Il s’empara d’une grosse pierre et la lança contre une vitre, qui vola en éclats.