CHAPITRE IV
 
Un bon coin pour camper

 

img11.png

PHILIPPE avait placé le matériel de camping dans une remise. Il y conduisit ses camarades, suivis de Jeannot et de son porcelet. Clairon marchait à côté de Dagobert. Les deux chiens s’amusaient parfois à se pousser l’un l’autre, comme des écoliers facétieux.

François et Mick examinèrent les deux tentes pliées, avec leurs cordes et leurs pieux de fixation.

« C’est parfait, mon vieux, conclut François. Tu as même pensé à nous prêter une casserole et une poêle à frire !

— Oui, c’est pour le cas où vous auriez envie de vous faire cuire un repas complet, dit Philippe. Voyez, cette casserole est très bien. Elle peut servir à différents usages… »

Il l’attrapa et en coiffa prestement son petit frère, qui se mit à pousser des cris épouvantables. Le porcelet s’enfuit, terrorisé.

Annie jeta un regard de reproche à Philippe et s’empressa d’enlever à Jeannot son étrange coiffure. Puis elle s’efforça de le calmer. Ce fut difficile.

« Dudule s’est encore sauvé ! » constata Jeannot entre deux sanglots. Il se jeta sur son frère, qui riait aux éclats, et le martela de ses petits poings. « Tu es méchant ! Je te déteste ! lui criait-il.

— Laisse-moi. Va vite chercher ton cochon », dit Philippe en repoussant l’enfant en colère. Jeannot s’éloigna en courant de toute la vitesse de ses petites jambes grassouillettes.

img12.jpg
Annie jeta un regard de reproche à Philippe.

 

« Nous voilà débarrassés de lui pour un moment, dit Philippe. J’espère n’avoir rien oublié pour vous. Avez-vous apporté des lampes de poche ? Des bougies ? Des allumettes ?

— Oui, répondit Mick. Et aussi des imperméables et des maillots de bain, pour faire face à tous les caprices du temps. Je vois que tu as prévu des couvertures…

— Il peut pleuvoir et faire froid, dit Philippe. Voulez-vous que je vous aide à fixer tout cela sur vos bicyclettes ?

— Volontiers », dit François.

Après quelques tentatives malheureuses pour empiler les tentes et le reste sur les bicyclettes, Philippe jugea plus pratique de leur prêter une charrette à bras, dans laquelle ils casèrent tout aisément.

« Nous reviendrons chercher nos bicyclettes plus tard, dit François.

— Laissez-les donc ici, conseilla Philippe. Elles sont à l’abri et en sécurité. Je vais chercher un paquet que maman a préparé pour vous : du jambon, des œufs frais, du pain et du beurre.

— C’est vraiment gentil de sa part, dit François avec reconnaissance. Nous t’attendons. Mick et moi, nous pousserons la charrette. Êtes-vous tous d’accord pour camper le plus haut possible, afin d’avoir une belle vue ?

— Oui », répondirent les autres.

Philippe revint avec un gros paquet. Son petit frère, peu rancunier, le suivait, un panier de fraises au bras.

« Je les ai cueillies pour vous, dit Jeannot, en tendant le panier à Annie.

— Qu’elles sont belles ! s’exclama Annie, très touchée par la gentillesse du petit garçon. Je te remercie beaucoup, Jeannot. »

Elle l’embrassa.

« Est-ce que je pourrai venir avec Dudule, quand vous serez installés ? demanda-t-il. Je voudrais lui montrer comme c’est drôle, une tente.

— Nous serons très heureux de votre visite à tous deux, assura Annie en riant.

— En route ! » lança François.

Avec l’aide de Mick, il poussa la charrette le long du chemin. Dagobert et Clairon ouvraient la marche, les autres suivaient. Jeannot accompagna le groupe sur une courte distance, puis Philippe le renvoya.

« Tu sais ce que maman a dit, Jeannot, lui rappela-t-il. Rentre à la ferme. Il sera tard quand je reviendrai avec Clairon. »

Les yeux de Jeannot s’embuèrent de larmes; mais il ne protesta pas. Il prit son compagnon dans ses bras et s’en retourna vers la maison.

« Jeannot est un charmant petit garçon, dit Annie. Je voudrais bien avoir un jeune frère comme lui.

— Il n’est pas désagréable, dit Philippe en se rengorgeant comme si, en réalité il en était très fier. Un peu pleurnichard, bien sûr. J’essaie de l’élever comme il faut. Je le taquine pour l’endurcir.

— Il ne manque pas de caractère, dit Mick en riant. Il fallait le voir te boxer des deux poings quand tu l’as coiffé de la casserole !

— Oui, il est très drôle. Et il a une vraie passion pour les animaux. Voilà deux ans de cela, un agneau le suivait partout. L’agneau est devenu un gros mouton très encombrant… L’année dernière, il s’était attaché à deux oisons. Les oisons sont devenus de grosses oies, qui continuaient à l’accompagner partout. Elles entraient dans la maison et montaient l’escalier pour le rejoindre dans sa chambre.

— Et cette année, il a choisi un petit cochon », ajoute Claude qui trouvait aussi le jeune garçon très amusant. « Le plus drôle, c’est que Dagobert semble adopter Dudule… »

Ils continuèrent à escalader la colline, en suivant un étroit sentier. La charrette butait contre les cailloux. Il fallut bientôt quatre ou cinq paires de bras pour la pousser.

« Comptez-vous monter encore plus haut ? demanda enfin Philippe qui n’en pouvait plus. J’espère que vous n’avez pas l’intention de camper au sommet ? Vous seriez trop exposés au vent. 

— Non, dit François. Nous voulons seulement nous installer assez haut pour avoir une vue suffisamment étendue. Si nous nous reposions tous un peu, avant de faire un dernier effort ? »

Ils s’assirent, heureux de pouvoir reprendre leur souffle. Le panorama était déjà splendide. Autour d’eux se dessinaient des collines entourées de pâturages verts, tout piquetés de boutons d’or. Des ruisseaux coulaient, semblables de loin à des fils d’argent. Les bois étalaient leurs taches sombres.

« Qu’y a-t-il là-bas ? demanda Claude en pointant son doigt vers l’ouest.

— C’est un champ d’aviation, répondit Philippe. Ultra-secret. On y essaie des prototypes. Je le sais, car mon cousin Robert est un aviateur attaché à cet aérodrome. Il vient nous voir de temps en temps et nous parle de son travail, qui le passionne.

— Que fait-il au juste ? demanda Annie.

— Des expériences avec de nouveaux modèles d’avions. Ce sont souvent des monoplaces. Ne soyez pas surpris d’entendre des détonations quand ils franchissent le mur du son, et toutes sortes de bruits bizarres…

— Je voudrais bien visiter ce champ d’aviation, dit Mick. Cela m’intéresse au plus haut point, car je pense devenir pilote quand je serai grand !

— Je te présenterai à mon cousin s’il vient nous voir ces jours-ci, promit Philippe. Peut-être consentira-t-il à te faire faire un petit tour dans l’un de ses appareils.

— Que je serais heureux de faire sa connaissance ! s’écria Mick enthousiasmé par cette perspective. François aussi, certainement ?

— Bien entendu, dit François. Remettons-nous en route, maintenant. Nous n’irons pas bien loin. La vue ne peut guère être plus belle qu’ici. »

Pendant que les trois garçons poussaient la charrette à bras, Claude et Annie partirent à la recherche d’un emplacement favorable au camping. Mais ce fut Dagobert qui le dénicha. Il cherchait un ruisseau pour se désaltérer; bientôt il découvrit une source qui jaillissait entre de grosses pierres et se perdait dans la verdure. Des joncs poussaient le long de son parcours, que Claude put ainsi reconnaître.

« François ! Viens voir l’endroit délicieux que Dago a découvert », cria-t-elle tout en observant son chien qui buvait l’eau claire à grandes lampées.

François lâcha la charrette pour aller la rejoindre.

« Idéal pour camper, déclara-t-il, enchanté. Une belle vue, de l’herbe tendre pour nous asseoir, des genêts pour nous abriter et de l’eau. »

Tout le monde approuva ce choix. On vida la charrette. Pourtant, les campeurs ne se décidèrent pas à monter les tentes ce soir-là.

Annie déballa les provisions. Il fallait installer une sorte de garde-manger, dans un coin bien frais. Elle se dirigea vers la source, écarta des pierres et de hautes herbes. Une cavité dans le roc lui parut convenir parfaitement. Annie, satisfaite de sa trouvaille, se mit en devoir de déposer dans ce réfrigérateur improvisé les bouteilles de lait et le reste. Claude vint voir ce qu’elle faisait et se mit à rire.

« Eh bien, dit Claude, tu devrais accrocher une serviette-éponge auprès de la source, car chaque fois que nous viendrons chercher des provisions, nous nous ferons arroser !

— Dis à ton chien qu’il retire sa tête de mon garde-manger. Naturellement, il est tout trempé. Est-ce que je suis mouillée, moi ? Allons, Dago, va te secouer plus loin », commanda Annie.

Philippe les quitta à regret. Il lui fallait regagner la ferme pour le dîner. « À demain, dit-il à ses amis. Si je le pouvais, je resterais ici, avec vous !»

Il s’éloigna avec Clairon.

« Il est gentil, dit Annie, mais comme c’est bon de se retrouver entre nous. Vive le Club des Cinq ! Jamais encore nous n’avons trouvé un petit coin aussi agréable pour camper ! »

 

img13.png