CHAPITRE XX
 
Un curieux message

 

img52.png

PHILIPPE courut jusqu’à l’étang, qui était assez profond en son milieu. Il pensait avec inquiétude que son petit frère ne savait pas nager. Mick et François prirent le chemin qui escaladait le Mont-Perdu, en criant à pleine voix :

« Jeannot ! Jeannot ! Où es-tu ? »

L’écho répétait leur appel à travers la colline.

« Ce marmot a l’esprit par trop aventureux ! Son cochon lui fournit de bons prétextes pour partir en exploration, dit Mick. J’espère que nous le trouverons là-haut. Aura-t-il découvert l’endroit où nous campons ? La route est longue et difficile pour ses petites jambes !

— Quelle journée! soupira François. Nul ne sait où sont Roland et son ami, et Jeannot disparaît par-dessus le marché ! Quelles drôles de vacances de la Pentecôte nous avons cette année ! Pourquoi sommes nous toujours mêlés à quelque étrange aventure ? »

Mick regarda son frère d’un air moqueur.

« Allons, François, tu n’es pas sincère, lui dit-il. S’il ne nous arrivait plus rien, tu t’ennuierais. Viens donc ! Appelons de nouveau ! »

Ils parvinrent à leur camp sans avoir trouvé trace de Jeannot ou de son porcelet. Annie et Claude étaient seules, avec Dagobert. En apprenant la disparition du petit garçon, Annie pâlit.

« Il faut le chercher partout ! dit-elle.

— C’est bien mon avis, mais si nous faisions rapidement quelques sandwiches ? proposa Mick qui mourait de faim. Nous les mangerions en continuant nos recherches. »

Tous furent d’accord sur ce point.

« Comment comptes-tu procéder, François ? demanda Claude en coupant de larges tranches de pain. Il me semble qu’il faut nous séparer pour fouiller toute la colline…

— Oui, dit François. Annie et toi, vous parcourrez le haut du Mont-Perdu, pendant que Mick et moi, nous descendrons dans des directions différentes. L’un de nous ira jusqu’à la ferme des Papillons, pour le cas où Jeannot se serait aventuré jusque-là.

Bientôt, la colline entière retentit d’appels répétés :

« Jeannot ! Jeannot ! »

Dagobert savait qu’il fallait retrouver le petit garçon perdu et il cherchait sa trace, mais en vain.

François alla jusqu’à la ferme des Papillons et n’y vit personne, pas même la vieille Jeanne. Quant aux deux éleveurs, ce fut Annie qui les rencontra; ils étaient très occupés à chasser les papillons. Elle les appela et leur demanda :

« Avez-vous vu un petit garçon d’environ cinq ans et un petit cochon ?

— Non, répondirent-ils. Nous n’avons vu ni enfant ni bête. »

Deux heures s’écoulèrent avant que Jeannot fût retrouvé. Le Club des Cinq venait de se regrouper, désolé de son échec, quand soudain Dagobert s’arrêta net et se mit à aboyer, d’une voix qui disait clairement : « J’ai entendu quelque chose d’intéressant ! »

« Va chercher, Dagobert, va chercher ! » ordonna Claude aussitôt.

Dagobert s’élança; de temps en temps il ralentissait, semblant écouter attentivement le bruit qui le guidait. Les enfants, derrière lui, tendaient aussi l’oreille, mais nul son ne leur parvenait. Le chien prit résolument le chemin des grottes d’Enfer.

« Par exemple ! s’écria François. Est-ce que Jeannot serait allé par là ? C’est loin de la ferme de ses parents, et très dangereux pour lui ! Hâtons-nous ! »

Un peu plus tard, de faibles gémissements devinrent distincts, puis une petite voix qui appelait désespérément :

« Dudule ! Où es-tu ? »

Dagobert arriva le premier auprès du petit garçon. Quand le groupe les rejoignit, le chien léchait gentiment les cheveux blonds de Jeannot, assis juste devant l’entrée des grottes.

« Enfin, te voilà! s’exclama Annie, en se penchant sur le fugitif qui cessa aussitôt de pleurer

img53.png

— Dudule s’est sauvé par là, dit Jeannot en lui désignant l’entrée des cavernes.

— Heureusement que tu ne l’as pas suivi, pour une fois ! dit Claude. Peut-être ne t’aurions-nous jamais retrouvé. Viens, nous allons te ramener chez toi. »

Elle voulut le prendre dans ses bras, mais l’enfant se débattit de toutes ses forces.

« Non ! Je ne veux pas partir sans Dudule ! cria-t-il.

— Mon chéri, il reviendra tout seul à la ferme quand il en aura assez de se promener dans les grottes, dit Annie. Ta maman te réclame, elle est très inquiète. Je suis sûre que tu as très faim.

— Oh! oui », dit Jeannot.

Il se laissa convaincre et emmener.

Quand Mme Thomas vit arriver le Club des Cinq, avec son jeune fils, elle poussa de joyeuses exclamations. Chacun était si heureux d’avoir retrouvé Jeannot qu’il en oubliait pour un moment les deux aviateurs.

On mit le petit garçon à table, où il mangea de fort bon appétit. Quand il fut rassasié, il se leva et annonça gravement :

« Maintenant, je vais chercher Dudule.

— Ah! non, s’écria la mère. Tu vas rester ici et m’aider à préparer un beau gâteau. Dudule reviendra bientôt, car lui aussi doit avoir faim. Un peu de patience. Si nous faisions une tarte aux fraises ? »

La gourmandise l’emporta encore une fois. « Je veux bien », dit Jeannot,

Une heure plus tard, tandis que François, Mick, Annie et Claude aidaient leur ami Philippe à des travaux divers, le petit cochon fit dans la cour de la ferme une entrée qui ne passa pas inaperçue.

Dagobert se précipita le premier vers Dudule et lui lécha une oreille. Le porcelet grogna; il cherchait Jeannot. Quand il passa près de François, celui-ci se mit à rire :

« Tiens, dit-il, on dirait que quelqu’un a tracé sur son dos des lettres noires ! »

Il attrapa l’animal, qui protesta éloquemment. Mick s’approcha, intéressé.

« Je ne peux pas déchiffrer ces lettres, dit François. Quelle idée d’écrire sur le dos d’un petit cochon ! C’est stupide ! Heureusement que ce sera facile à effacer ! » .

Il se baissait déjà pour essuyer les lettres avec l’un des chiffons qui se trouvaient à sa portée, quand Mick l’arrêta net.

« Attends un instant! Laisse-moi voir cela, dit-il. Regarde! Ne dirait-on pas un R et un T et, en dessous, J et D? »

Tous les enfants, vite rassemblés autour du porcelet vagabond, examinaient la curieuse inscription, fascinés.

img54.png

« R. T ! s’écria Philippe avec force. Ce sont les initiales de mon cousin, Roland Thomas ! Et J. D, celles de son ami, Jean Dufrêne. Qu’est-ce que cela signifie ? Qui a tracé ces lettres ?

— Il y en a d’autres, plus petites et presque effacées, dit François. Tiens bien le cochon, Mick. Ce qu’il est remuant ! Il faut absolument déchiffrer ce message, car je suis persuadé qu’il provient des deux aviateurs. Ce brave Dudule, dans son voyage d’exploration, a dû découvrir l’endroit où ils sont prisonniers ! »

Tous se penchèrent anxieusement sur les lettres mystérieuses, si brouillées qu’elles semblaient illisibles. Pourtant, Mick, qui avait l’esprit vif, parvint à les déchiffrer.

« Sept lettres… La première est un C, ou un G quelque peu effacé…, ici il y a deux T, ne croyez-vous pas ? J’y suis! C’est « grottes » s’écria-t-il triomphalement. Regardez bien ! Il ne peut s’agir que de ce mot. D’ailleurs, le porcelet sort effectivement des grottes d’Enfer !

— Eh bien, c’est donc là que Roland et Jean ont été transportés et abandonnés ! Tout à côté de nous, en somme. Et nous qui pensions qu’ils avaient été emmenés très loin d’ici ! Où est ton père, Philippe ?

— Je vais le chercher. »

Quand M. Thomas fut mis au courant de cette découverte et qu’il vit le dos du petit cochon, il resta un moment perplexe.

« Ainsi, dit-il enfin, Dudule est allé jusqu’aux grottes? C’est un phénomène ! Il faut qu’il fourre son nez partout. Je n’en reviens pas qu’il ait réussi à rejoindre mon neveu et son ami ! Tout de même, c’est bizarre que ceux-ci n’aient pas plutôt attaché un message à sa queue, ou autour de son cou. Ces lettres sont difficiles à lire !

— J’ai été sur le point de les effacer, pensant que quelqu’un avait fait une farce à Dudule, dit François. Pour un peu, nous n’aurions jamais retrouvé la trace des aviateurs. Qu’allons-nous faire maintenant, monsieur Thomas ? Nous rendre aux grottes, n’est-ce pas? C’est urgent !

— Il faut mettre les gendarmes au courant de cette découverte, car ils recherchent les aviateurs partout. D’autre part, vous allez tout de suite aux grottes d’Enfer, décida M. Thomas. Prenez donc un peloton de ficelle avec vous. Roland et Jean n’ont certainement pas été abandonnés dans l’un des tunnels pourvus d’une corde, où des visiteurs se promènent quelquefois. Il convient donc de chercher dans les autres passages. Si vous dévidez le peloton de ficelle en avançant, vous pourrez facilement revenir sur vos pas. Et emmenez votre chien ! Il vous sera utile.

— Sans aucun doute, dit François.

— Nous prendrons aussi avec nous le petit cochon, ajouta Claude. Dagobert le flairera et suivra les traces que Dudule aura laissées en se promenant dans les grottes. Cela nous épargnera de longues recherches. »

Le Club des Cinq se mit en route avec Philippe, plus impatient encore que ses amis.

« Roland, tiens bon ! s’écria-t-il, comme si son cousin pouvait l’entendre. Nous arrivons ! »

img55.png