CHAPITRE I
Cinq jours de vacances
« Où est la carte ? demanda François. Est-ce celle-là, Claude ? Bon. Où nous mettrons-nous pour l’étudier ?
— Sur le tapis, décida Annie. Une carte est toujours plus facile à lire par terre ! Poussons la table.
— Doucement ! dit Claude. Papa travaille dans son bureau. Vous savez bien qu’il se met en colère chaque fois que nous faisons du bruit ! »
Avec précaution, ils poussèrent la table dans un coin du salon et déplièrent la carte sur le tapis. Ensuite, ils s’installèrent tout autour, les uns à genoux, les autres à plat ventre. Dagobert les considéra d’un œil étonné ; il pensa qu’il s’agissait là d’un nouveau jeu et se mit à aboyer.
« Chut ! lui dit Mick. Tu as déjà eu des ennuis avec oncle Henri ce matin. As-tu fini de nous envoyer des coups de queue dans la figure ? Tu es assommant !
— Ouah ! fit Dagobert en se couchant tout de son long sur la carte.
— Relève-toi donc, animal ! s’écria Claude, impatientée. Nous sommes pressés. Nous devons étudier notre route jusqu’au Mont-Perdu.
— Que verrons-nous d’intéressant là-bas ? demanda Annie.
— Des grottes remarquables, paraît-il, et aussi une ancienne ferme où l’on fait maintenant l’élevage des papillons.
— Tiens, ce doit être curieux à voir, dit Claude.
— Certainement. Philippe Thomas, l’un de nos camarades de lycée, m’en a parlé. C’est lui qui nous a engagés à aller passer quelques jours de vacances au Mont-Perdu, expliqua François.
— Pourquoi élève-t-on des papillons ? demanda Annie.
— Pour obtenir de beaux spécimens et les vendre, répondit François.
— Je me suis souvent amusée à garder des chenilles pour observer leur métamorphose. C’est une chose tellement surprenante, dit Annie. Quand un joli papillon se dégage de la chrysalide, je trouve cela merveilleux !
— Philippe m’a assuré que les hommes qui dirigent cet élevage font volontiers visiter leur propriété, poursuivit François. Il paraît que le Mont-Perdu est un lieu où l’on trouve des papillons rares plus que partout ailleurs; c’est la raison pour laquelle ces gens s’y sont installés. Ils passent la moitié de leur temps à chasser les papillons !
— C’est une occupation originale, dit Mick. Pour ma part, je suis content de revoir Philippe, qui est si drôle; ses parents exploitent une ferme au pied du Mont-Perdu.
— Et moi, je suis ravie de voir notre cher Club des Cinq de nouveau réuni pour les vacances de la Pentecôte », dit Claude.
Les quatre enfants suivaient sur la carte les méandres de la route qu’ils allaient bientôt parcourir. Tout à coup, une voix sortit des profondeurs du bureau où travaillait M. Dorsel, le père de Claude.
« Qui a nettoyé mon bureau ? Où sont mes papiers ? Cécile ! Cécile ! »
La porte du bureau s’ouvrit sous une violente poussée, et M. Dorsel s’avança à grands pas dans le salon. Il ne vit pas les enfants sur le tapis et tomba sur eux. Dagobert, ravi, se mit à aboyer en gambadant. Il s’imaginait que, pour une fois, le père de Claude voulait bien jouer avec eux.
« Oh ! dit Claude, qui avait reçu le plus rude choc. Que se passe-t-il ?
— Oncle Henri, nous sommes navrés de t’avoir fait tomber, dit François lorsqu’il eut recouvré ses esprit. Tais-toi, Dagobert, il ne s’agit pas d’un jeu. »
Il aida son oncle à se relever et attendit l’explosion. M. Dorsel se rajusta, tout en le foudroyant du regard.
« Qu’est-ce que vous faites, vautrés par terre ? N’y a-t-il pas assez de chaises dans cette maison ?… Où est ta mère, Claude ? Allons, relève-toi ! Où est Maria ? Si elle s’est permis de nettoyer encore une fois mon bureau, je la mets à la porte »
Maria, la cuisinière, faisait justement son entrée dans le salon. Elle essuyait ses mains pleines de farine sur son tablier.
« Quel tapage ! Qu’y a-t-il donc ? » demanda-t-elle. Puis elle avisa M. Dorsel. « Oh! Excusez-moi, monsieur. Je ne savais pas que c’était vous qui…
— Maria ! Avez-vous oui ou non fait le ménage dans mon bureau ? rugit le père de Claude.
— Non, monsieur », répondit calmement la cuisinière, accoutumée depuis longtemps aux manières brusques de son patron. « Avez-vous perdu quelque chose ? Rangez cette carte, mes enfants, et remettez la table en place. Assez, Dagobert ! Claude, s’il te plaît, fais sortir le chien, sinon ton père va se fâcher ! »
Claude emmena Dagobert dans le jardin. Les autres enfants s’empressèrent de la suivre, François repliait sa carte en riant sous cape.
« Voici maman », dit Claude.
En effet, Mme Dorsel revenait du marché, avec son grand panier. François courut lui ouvrir la porte du jardin. Il aimait beaucoup sa tante, toujours patiente et gentille. Elle sourit à tous.
« Avez-vous décidé du lieu de vos vacances ? demanda-t-elle. Vous allez pouvoir camper, par ce temps magnifique. Quelle chance vous avez !
— Oui, dit François en prenant le panier de sa tante pour le porter dans la maison. Nous irons au Mont-Perdu. Notre ami Philippe a des parents qui sont fermiers là-bas. Il a promis de nous prêter deux tentes et du matériel de camping. Ainsi, nous n’aurons à emporter que nos sacs de couchage et quelques vêtements de rechange. Le strict minimum !
— C’est parfait ! dit la tante. En ce qui concerne la nourriture, vous comptez sans doute vous ravitailler à la ferme de votre ami ?
— Oui, Nous sommes d’accord avec lui. Nous lui achèterons des œufs, du lait, du beurre, du pain, etc. De plus, les fraises sont déjà mûres dans cette région, paraît-il. »
Tante Cécile sourit.
« Je vois qu’il est inutile de se faire du souci pour vous. Bien entendu, vous emmenez Dagobert, qui vous protégera des maraudeurs. N’est-ce pas, Dago ?
— Ouah ! fit Dagobert en agitant comiquement ses oreilles.
— Mon bon Dagobert ! dit Claude en caressant son chien. Je suis sûre que si tu n’étais pas là, nos parents ne nous laisseraient pas partir si souvent seuls ! »
Mick jugea préférable de prévenir sa tante : « Oncle Henri est de mauvaise humeur. Il veut savoir qui a fait le ménage dans son bureau.
— Je vais aller le voir tout de suite, dit tante Cécile. Il a dû oublier qu’il a essuyé lui-même son bureau hier soir. Peut-être a-t-il jeté quelques-uns de ses précieux papiers dans la corbeille ! »
Ils se mirent à rire, tandis que tante Cécile se hâtait vers le bureau de son terrible mari.
« Maintenant, préparons-nous, dit François. Nous n’avons pas grand-chose à emporter, mais il ne faut oublier ni les imperméables ni de bons lainages. Prenons nos maillots de bain, pour le cas où nous trouverions un lac. Il fait assez chaud pour se baigner. Pensons aussi à la carte routière !
— Il nous faut des bougies et des allumettes, ajouta Claude. Des bonbons, des gâteaux secs…
— Si nous emportions notre poste à transistors ? demanda Mick.
— C’est une bonne idée, dit Annie. Ainsi, nous pourrons écouter nos émissions préférées et les nouvelles. Nous n’achèterons sans doute pas de journaux là-bas.
— Je vais sortir les bicyclettes du garage, annonça François. Mick, va demander les sandwiches à Maria. Elle a voulu nous en préparer quelques-uns, car la route est longue. Sans provisions, nous risquerions d’avoir faim. Je pense que nous atteindrons le Mont-Perdu seulement vers quatre heures.
— Ouah! Ouah ! fit Dagobert.
— Il dit de penser à ses biscuits, traduisit Annie en riant. Je vais t’en chercher, mon bon toutou. Là-bas, tu partageras le repas des chiens de la ferme ! »
Maria leur remit un gros paquet contenant des sandwiches et des gâteaux, ainsi qu’une bouteille d’orangeade.
« Tenez, dit-elle, voilà de quoi calmer votre appétit. J’ai pensé aussi à Dagobert. Il y a pour lui des biscuits et un gros os !
— Merci, Maria ! s’écria Mick en lui sautant au cou. Comme vous êtes gentille !
— Dépêchons-nous, dit François. Les bicyclettes sont prêtes. Tout va bien, il n’y a aucun pneu crevé, pour une-fois. »
En quelques minutes, les provisions disparurent dans les sacoches, les vêtements furent ficelés sur les porte-bagages. Dagobert bondissait joyeusement autour du petit groupe. Le Club des Cinq était de nouveau réuni !
Mme Dorsel vint les regarder partir.
« Au revoir, mes chéris, leur dit-elle. François, toi qui es l’aîné, veille sur les autres. Et toi, Dagobert, veille sur eux tous ! »
L’oncle Henri apparut à sa fenêtre. « Qu’y a-t-il encore ? » s’écria-t-il, irrité de ne pouvoir travailler en paix. « Ils s’en vont ? Nous allons enfin avoir un peu de tranquillité. Au revoir ! Ne faites pas d’imprudences !
— Les grandes personnes disent toujours cela », remarqua Annie, tandis que le Club des Cinq s’éloignait à grands coups de pédales. « En route ! Nous voici entre nous une fois de plus. Comme c’est amusant ! N’est-ce pas, Dagobert ?
— Ouah! »