CHAPITRE XV
Enfermés dans la grotte
MICK, Claude et Annie se regardèrent. Quelqu’un avait dû les suivre et les attendre là dans l’ombre. Quelqu’un avait capturé Dago, l’avait emprisonné dans cette caverne et maintenant, à leur tour, les enfants étaient pris au piège ! François criait, Dago aboyait. Enfin, une voix s’éleva de l’autre côté de la porte, une voix curieuse qui avait même l’air amusée.
« Vous êtes arrivés à un mauvais moment, c’est tout, et vous resterez là jusqu’à demain.
— Qui êtes-vous ? demanda rudement François. Comment avez-vous l’audace de nous emprisonner ainsi ?
— Je crois que vous avez de quoi manger et boire. J’ai remarqué que vous portiez des sacs à dos ; ils devaient contenir des pique-niques, je suppose ; tant mieux pour vous ! Maintenant, soyez raisonnables, il vous faut payer votre curiosité.
— Laissez-nous sortir ! » cria François, que cette voix froide et impertinente agaçait.
Et il frappa la paroi de toute la force de ses poings. Il savait pourtant que sa fureur était vaine. Il n’y eut pas de réponse.
L’homme qui se trouvait de l’autre côté de la porte était parti.
« Ce bandit devait nous surveiller, il nous a sans doute suivis en chemin. C’est sûrement lui que tu avais entendu lorsque nous étions dans la tour, Annie. »
Dago aboya de nouveau en se rapprochant de la porte. Claude l’appela.
« Dago, cela ne sert à rien. Oh ! Mon Dieu ! Pourquoi t’avons-nous laissé passer le premier ? Si tu n’avais pas été pris, mon brave chien, tu aurais pu nous protéger.
— Qu’allons-nous faire maintenant ? demanda Annie, en essayant d’avoir l’air courageuse.
— Rien ! Nous ne pouvons rien faire ! répondit Claude. Nous sommes enfermés dans une cave à l’intérieur de la falaise, et il n’y a personne ici que notre geôlier ! Qui a une idée ?
— Attendons jusqu’à ce qu’il nous laisse sortir, suggéra sa cousine. J’espère que cet homme n’oubliera pas qu’il nous a enfermés là. Personne d’autre que lui ne sait où nous nous trouvons.
— C’est horrible ! Je suis sûr que Mme Penlan donnera l’alarme si elle ne nous voit pas rentrer, dit Mick.
— Et alors ? Même s’ils suivent nos traces jusqu’à la vieille tour, ils ignorent où se trouve l’entrée du passage secret !
— Eh bien, tâchons de voir la vie du bon côté, conclut François, et mangeons un peu. »
On déballa le pique-nique.
« J’ai rudement faim ! dit Annie toute surprise, il doit être tard ! »
Ils dégustèrent un bon repas et se réjouirent que Mme Penlan ait mis tant de provisions ; au moins ils ne mourraient pas de faim jusqu’au lendemain. Puis ils examinèrent les boîtes et les caisses qui se trouvaient dans la grotte. Certaines étaient très vieilles. Elles étaient toutes vides. Il y avait aussi un coffre ancien sur lequel quelques lettres étaient peintes. Ce coffre avait appartenu à un marin sans doute, on y lisait : Abraham Tréloff.
« C’était peut-être un marin de l’équipage d’un navire naufragé. C’est là que le propriétaire de la maison cachait le butin !
— Sûrement, dit François. C’est pourquoi la porte a un verrou. Quel travail affreux accomplissaient ces pirates ! Ce qui est ennuyeux, c’est que toutes ces caisses sont vides, ce n’est guère distrayant. »
On s’ennuyait fort dans cette grotte ! Les enfants ne se servaient que d’une lampe, afin de ne pas risquer de se retrouver dans le noir si les deux piles étaient usées. François avait examiné les murs, du sol jusqu’au plafond. Il n’y avait aucun moyen de s’échapper, aucune issue.
« Ce bandit a dît que nous étions venus à un mauvais moment, dit François en s’asseyant par terre. Pourquoi ? Est-ce qu’ils attendent quelques marchandises de contrebande cette nuit ? Les signaux ont fonctionné deux fois cette semaine. Le bateau qu’ils attendent n’est sans doute pas encore arrivé… Peut-être arrivera-t-il cette nuit ? Voilà donc pourquoi nous sommes de trop !
— Si seulement nous n’étions pas enfermés dans cet antre noir nous pourrions épier les bandits, les empêcher peut-être même d’agir et avertir la police.
— Eh bien, c’est impossible ! grogna Mick. Dago, tu as été idiot de te faire prendre. »
Dago baissa sa queue et regarda Mick avec des yeux pleins de tristesse. Lui non plus n’était pas content d’être enfermé là dans le noir. Pourquoi n’ouvraient-ils pas la porte ? Il s’en approcha, la renifla, gratta le sol avec ses pattes.
« Ne t’agite pas, Dago, cela ne sert à rien, dit Annie. Je crois qu’il a soif, Claude. »
Mais il n’y avait rien à lui donner à boire, pauvre Dago ! Excepté de la citronnade, et il n’avait pas l’air d’aimer cela.
« Ne la gaspille pas, s’il n’aime pas ça, dit François, nous serons bien contents de la boire demain matin. »
Mick regarda sa montre.
« Il est seulement deux heures et demie, gémit-il. Nous avons des heures et des heures à attendre. Si nous jouions à quelque chose ? »
Ils jouèrent aux portraits chinois et aux charades, ils se racontèrent toutes les histoires drôles qu’ils connaissaient. À cinq heures ils goûtèrent et s’inquiétèrent ensuite de ce que penserait Mme Penlan en ne les voyant pas rentrer ce soir.
« Si M. Penlan est mêlé à cette affaire, et je suis sûr qu’il l’est, dit François, il ne sera pas très content d’avoir à téléphoner à la police pour demander qu’on nous recherche ! Justement cette nuit il ne faudrait pas que la police vienne dans ces parages.
— Je crois que tu te trompes, dit Claude, il sera enchanté de lancer les gendarmes sur une piste d’enfants perdus. Ils seront ainsi occupés à tout autre chose que de mettre leur nez dans ses propres affaires cette nuit.
— Possible. »
Le temps ne passait pas. Les enfants bavardaient, bâillaient, puis demeuraient de nouveau silencieux, ou bien encore jouaient avec Dago. Ils ne savaient plus que faire. Soudain, la lampe électrique de François s’éteignit, la pile était usée.
« Heureusement que nous avons apporté deux lampes », dit Annie.
Enfin, il fut neuf heures et demie. Ils avaient tous sommeil.
« Si nous essayions de dormir ? dit Mick. Il y a un endroit de la cave qui est recouvert de sable ; ce sera plus doux. »
Ils s’allongèrent tous sur le sable.
« C’est tout de même encore dur, gémit Claude. Oh ! Dago chéri, je t’en prie, ne souffle pas sur ma figure. Etends-toi entre Annie et moi ; essaie de dormir, toi aussi. »
Dagobert se coucha sur les jambes de Claude.
« J’espère qu’il se tiendra tranquille cette nuit, dit Annie. On ne va pas pouvoir fermer l’œil. »
Pourtant, quelques instants plus tard, les quatre enfants dormaient paisiblement. Dagobert en fit autant, mais il garda prudemment une oreille à l’écoute et un œil à moitié ouvert. Personne ne pourrait entrer dans la caverne sans qu’il l’entendît.
Il devait être environ onze heures, lorsque Dago se dressa sur ses pattes, il avait ouvert ses deux yeux. Claude s’était réveillée ; elle le caressait.
« Dago, couche-toi », murmura-t-elle.
Mais le chien n’obéit pas. Claude s’assit, complètement réveillée. Pourquoi Dago grognait-il ? Que se passait-il de l’autre côté de la porte ? Y avait-il quelqu’un ? La lumière s’était-elle allumée sur la mer ? Le bateau des contrebandiers s’était-il approché de la terre ?
La petite fille mit sa main sur le cou du chien fidèle.
« Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.
Dago secoua un peu la tête et, échappant à Claude, courut vers la porte.
« François, je crois qu’il y a quelqu’un à la porte. Regarde, Dago a découvert quelque chose. Réveille-toi ! Mais le chien n’aboyait pas. Il n’avait même pas l’air furieux ; il poussait de petits jappements sourds.
« Ce n’est pas notre ennemi qui est derrière la porte, sinon le chien aboierait.
— Ne parlons pas ! Ecoutons ! Nous n’avons pas l’ouïe aussi fine que le chien, mais peut-être allons-nous surprendre des voix, des paroles. »
Ils restèrent assis complètement immobiles à écouter. Ils retenaient leur respiration. François donna un coup de coude à Annie, il avait entendu un léger grattement contre la porte. Puis le bruit cessa. Dago n’aboyait toujours pas. Il était là, assis sur son derrière, la tête penchée d’un côté, les oreilles dressées ; enfin, il approcha son nez de la porte. Quelqu’un devait chuchoter derrière. Il bondit vers Claude, puis revint prendre sa place sur le seuil. Alors François se leva sans bruit. Il y avait sûrement quelqu’un de l’autre côté. Deux personnes parlaient peut-être entre-elles.
« Qui est là ? demanda-t-il, je vous entends. Qui êtes-vous ? »
Il y eut un profond silence, puis une petite voix familière répondit avec douceur, « C’est moi, Yan.
— Yan ? Mon Dieu ! C’est vraiment toi ?
— Oui. »
Les enfants se regardèrent avec stupéfaction. Yan ! Comment était-il arrivé là au milieu de la nuit ? Peut-être rêvaient-ils !
Dagobert était fou de joie en entendant la voix du petit berger. Il se jeta sur la porte en jappant de bonheur. François l’attrapa par son collier.
« Reste tranquille, nigaud, tu vas tout gâcher ! » Dagobert se tut, François parla à nouveau à Yan. « Yan, as-tu une lampe ?
— Non. Il fait sombre ici, puis-je venir vers vous ?
— Oui, bien sûr. Ecoute, Yan, est-ce que tu sais comment ouvrir la porte ? Est-ce que tu peux pousser un verrou ? »
François se demandait si cet enfant grandi dans les champs savait comment on clôt une porte. « Oui, dit Yan. Est-ce que vous êtes enfermés ?
— Oui. Mais la clef doit être dans la serrure, regarde. Touche les verrous aussi, tire-les vers la gauche et tourne la clef, s’il y en a une. »
Les quatre enfants dans la grotte retenaient leur respiration, tandis que les petites mains de Yan tâtonnant le long de la porte, trouvaient enfin le verrou et la clef.
« J’ai la clef, dit Yan, mais c’est tellement dur, je n’ai pas assez de force dans la main !
— Essaie avec les deux mains. »
Yan faisait de grands efforts, mais la clef ne tournait toujours pas.
« Zut ! dit Mick, ce n’est vraiment pas de chance ! »
Annie poussa Mick, elle avait une idée. Elle s’approcha contre la porte.
« Yan, écoute-moi bien ! Sors la clef de la serrure et glisse-la sous la porte, tu m’entends ?
— Oui, j’entends », dit Yan.
Il y eut un petit bruit aigu, et la clef glissa doucement à l’intérieur de la grotte. François la ramassa, la mit dans la serrure, de son côté, la tourna, enfin la porte s’ouvrit ! Quel succès !