ÉPILOGUE
La nuit était tombée depuis longtemps. La deuxième nuit sur l’iceberg. Les pirates des couloirs n’avaient pas résisté longtemps. Et les pointus, lorsqu’ils étaient revenus, avaient compris qu’ils avaient affaire à trop forte partie. Deux s’étaient posés – on avait découvert qu’ils ne portaient des vivres que pour deux jours – trois autres avaient préféré tenter leur chance ailleurs, et Carvil s’était demandé si l’iceberg était la seule base des Hommes Libres.
Le vent allait encore souffler d’une manière désordonnée durant bien des mois, et la Dévoreuse continuerait encore à se trouver secouée de marées, de plus en plus faibles, il est vrai. Quant aux volcans, ils mettraient peut-être des cycles à se calmer. Mais les informations de Judd étaient correctes : les couloirs recelaient de quoi nourrir toute la communauté durant des mois. Et les pointus seraient plus efficaces que les lourdes plates-formes pour chasser les monstres qui se risquaient à la surface. La famine n’était donc pas pour tout de suite…
On creuserait de nouveaux tunnels, car pour l’instant, avec les gens des plates-formes trois fois plus nombreux que les pirates, la place manquait.
En ce moment, les adversaires en état de combattre se trouvaient enfermés dans une série de salles, mais c’était une situation qui ne pouvait durer éternellement. Et Carvil se prenait déjà à rêver au temps où les deux groupes pourraient se fondre comme les terriens et les aériens s’étaient fondus pour former un seul bloc, l’équipage de l’Extase, son équipage.
Mais il faudrait du temps…
Dans l’obscurité de plus en plus profonde, il fit le tour du vaisseau qui du haut de sa double quille dominait largement les autres. On avait dégonflé la plupart des ballonnets pour donner moins de prise au vent. C’était un triste spectacle, mais c’était nécessaire : ils ne s’étaient pas battus pour se voir contraints de quitter l’iceberg à la tempête suivante.
Il contemplait le navire, se sentant tout à coup inutile, quand une main se posa sur son épaule.
— Viens te reposer, Carvil, nous sommes arrivés, fit la voix de Myriam.
— Oui, nous sommes arrivés, répondit-il lentement.
Il la prit par la main pour retourner vers les corridors de glace.