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Et soudain, Norra est de retour.
Elle pousse un cri dans l’obscurité et la lumière revient. Tout semble électrique. Son corps est lumineux, trop lumineux, tout vibre et brûle. Elle tente de se relever et sent quelque chose sur son bras : elle tire dessus et sent quelque chose aussi dans son nez et dans sa bouche. À nouveau, elle tire dessus. Elle est prise de haut-le-cœur. Elle tousse. Tout à coup, il y a quelqu’un à ses côtés. Qui la tient. Qui lui immobilise les bras. Lâchez-moi, a-t-elle envie de hurler. Elle tente de parler, mais sa voix est un gargouillis inintelligible. Elle entend juste quelqu’un dire :
— Chut, maman. Chut. Tout va bien. Tout va bien.
Temmin. Oh, au nom de tous les dieux et de toutes les étoiles, c’est son fils. Il la serre contre lui. Elle le serre à son tour.
Elle voit tout à présent : elle est dans une pièce blanche. Dehors, le ciel est bleu. Un droïde médical se tient prêt à intervenir.
Temmin lui embrasse la joue. De ses lèvres gercées, elle pose un baiser sur son front.
Et pleure.
— Amiral ?
— J’ai une mission à vous confier, si vous l’acceptez.
— Je… je ne sais pas, amiral. Mon fils. Je…
— Écoutez ma proposition jusqu’au bout, si vous le voulez bien.
Elle acquiesce. Elle écoute.
Et à la fin, elle dit oui.
Akiva. Il y fait toujours chaud. Toujours étouffant. Un orage s’est déclaré la nuit précédente et la plate-forme d’atterrissage est jonchée de branches de palmiers, de larges feuilles grasses et de fleurs bleues fripées des asukas. Les pétales sont collés au sol, toujours jolis à leur façon, même s’ils ont l’air de se noyer.
Norra est là, un sac à l’épaule. Temmin est avec elle. Il porte un sac, lui aussi.
Un drapeau de la Nouvelle République flotte sur la plate-forme d’atterrissage et une corvette corellienne passe dans un grondement. Akiva : la première planète de la Bordure Extérieure à avoir officiellement prêté allégeance à la Nouvelle République. Les satrapes ont assisté à la trahison de l’Empire et… ont découvert la fureur des habitants de Myrra. Ils ont décidé que le seul moyen de sauver leur peau et leur règne était de céder le pouvoir, en partie, à la République. Et Norra remercie les étoiles que le premier point à l’ordre du jour ait été l’éradication de la corruption et de la criminalité. Surat s’est enfui, mais le reste de son gang est tombé. La plupart des membres sont derrière les barreaux. Les autres sont morts dans ce qu’ils considèrent sans doute comme un baroud d’honneur, mais ne sera jamais qu’une note en bas de page sanglante et brutale dans les livres d’histoire d’Akiva.
— Tu es sûr ? demande Norra.
— Ouais, je suis sûr.
— Tu peux rester ici. Je comprendrais.
— Je ne veux pas rester ici. Je croyais que j’y étais chez moi. Mais je me trompais.
Elle sourit.
— Ça pourrait à nouveau être chez toi.
— C’est toi, mon chez-moi. Je vivrai là où tu iras.
Elle l’attire vers elle.
— Tu crois qu’on retrouvera papa ? demande Temmin.
— C’est possible. Les datacubes que tu as volés à Surat contenaient une foule d’informations concernant les activités illégales de l’Empire.
C’est Jas qui a traduit leur contenu. Surat avait assemblé ces renseignements au cas où il aurait à marchander sa liberté avec la Nouvelle République. Une fois entre les mains de Temmin, ce butin a offert au gamin la possibilité de miser un gros coup. Les datacubes recèlent une mine d’informations permettant de relier l’Empire à plusieurs syndicats du crime à travers la galaxie.
— Les Hutts et d’autres syndicats géraient des prisons secrètes pour l’Empire. J’espère que nos voyages nous y emmèneront, maman.
Les holocrons détermineront en partie leur nouvelle mission.
— Je ne veux rien promettre, Temmin. Pas cette fois. Je ne sais pas ce qui va se passer là-bas. Tu dois être prévenu. Mais on essaiera, d’accord ? On essaiera.
— Je sais.
Il lève la tête vers le ciel.
— Voilà notre vaisseau.
Un appareil descend, ses moteurs jumeaux pivotent pour freiner la descente. C’est un vaisseau d’assaut SS-54. Sur son flanc, on distingue encore la peinture grattée d’une petite poupée tooka brandissant un couteau aiguisé. Les mots affichés au-dessus sont effacés, à part deux : « JOUE RÉGLO ».
L’engin se pose et, immédiatement, trois personnes en sortent. Jas est la première, elle se détend la nuque et fait craquer ses doigts. Sinjir la suit. Il a toujours cet air mal dégrossi. Il est plus débraillé que jamais. Même s’il dégage encore la même prestance impériale, qui s’accroche à lui comme un parasite résistant.
Le dernier est un homme dont les épais favoris sont reliés à une moustache bien fournie. Un bras dans le plâtre, un blaster à la taille, le casque à la main.
Il se dirige droit vers Norra, la main tendue.
— Norra Wexley, j’imagine ?
— Jom Barrel, répond-elle en lui serrant la main. Ravie d’enfin vous rencontrer. Je voudrais vous dire encore une fois à quel point j’apprécie le combat que vous avez mené sur Myrra. Je pensais que tous les membres de la SpecForce étaient morts ce jour-là. Je suis heureuse de m’être trompée. Merci d’avoir pris l’initiative que vous avez prise.
Temmin passe en marmonnant :
— Même si vous avez failli nous tuer.
— C’est votre fils ?
— Mon fils, oui.
Temmin serre Jas contre lui. Puis donne un petit coup de poing sur l’épaule de Sinjir.
— Temmin, je crois que tu oublies quelque chose, lui lance Norra.
— Oh ! Oui.
Il enfonce deux doigts dans sa bouche et siffle.
— Hé, Os ! On y va.
Au loin, Monsieur Os relève la tête. Le droïde leur fait signe. Temmin et Norra ont passé une semaine à le reconstruire à partir de pièces récupérées dans la cave d’Esmelle et Shirene. Un « projet familial », a-t-elle dit. Monsieur Os serre une fleur dans une main. Dans l’autre, un blaster.
— REÇU REÇU !
Le droïde de combat passe en courant, laissant de petits cratères sur le terrain d’atterrissage. Norra constate qu’ils ont encore quelques réglages à faire sur ses pneumatiques. Jas et Sinjir s’approchent d’elle.
— Alors, on va vraiment traquer des criminels de guerre impériaux ? demande Jas.
— J’imagine, fait Sinjir avec une moue de dédain. J’aime bien imaginer qu’on va chasser des proies dangereuses, mais nous allons beaucoup plus probablement interpeller des comptables impériaux grassouillets sur des planètes paumées.
— L’appel du devoir, conclut Norra. Je suis contente que vous y ayez tous répondu à mes côtés. Je ne croyais pas que vous accepteriez. Quand Ackbar a suggéré que nous travaillions à nouveau ensemble… je me suis dit qu’il était fou.
— La paie n’est pas mauvaise, déclare Jas en haussant les épaules.
— Et il y a à boire, renchérit Sinjir.
Jom fronce les sourcils.
— Oh, je sens qu’on va s’amuser. Allez. Le boulot nous attend.
Norra sourit.
Temmin se tient sur la rampe d’accès du vaisseau de Jas. Il lui fait au revoir. Elle agite à son tour la main et monte à bord, prête à voir où les mènera la prochaine aventure.