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Ses narines rouges frétillent. L’air entre et sort. Ackbar a envie d’eau. Il possède une petite cuve ici – une cuve à bacta adaptée et remplie de l’eau qui possède la salinité et le pH de sa planète natale, Mon Calamari. Parfois, il se plonge dedans et… se laisse flotter. Mais il n’a pas le loisir de s’accorder ce genre de plaisir ces derniers temps.

Peut-être un jour. Mais pas aujourd’hui.

Le message du capitaine Antilles tourne en boucle dans la tête d’Ackbar. Il lui est parvenu via un canal impérial. Ackbar n’était pas le premier destinataire, mais on le lui a rapidement transmis. Wedge semblait mal en point, blessé. Son message était bref, avant qu’il ne s’écroule et que la communication ne soit interrompue. Trop bref. Une réunion au sommet entre Impériaux. Un blocus sur… Akiva. Palais de Myrra. Le moment est…

Et rien de plus.

Ackbar informe les autres – Agate, Madine, Mon Mothma, le sous-officier Deltura – qu’Antilles va bien. L’amiral pense savoir comment devait se terminer la déclaration du capitaine :

— Le moment est venu. Préparez une flotte raisonnable et prévoyez d’autres vaisseaux en réserve, lourdement armés. Agate, je veux que vous dirigiez l’assaut. Soyez prêts à tout. Si c’est l’Empire, vous pouvez être sûre qu’ils ne se laisseront pas prendre sans résistance. Et ils ont peut-être tendu un piège pour que nous fassions ce qu’ils souhaitent.

 

C’est comme renverser une pyramide et la porter, la pointe en bas, sur son dos. Le poids est insoutenable. Le sommet s’enfonce entre les omoplates. Des briques de responsabilité entassées les unes sur les autres. Un fardeau aussi massif qu’inconfortable.

C’est ce que ressent Sloane en ce moment.

Les autres sont poussés par la panique, la rage, l’opportunisme. Pandion tente de l’écraser, de l’éliminer. Shale, l’oiseau de mauvais augure, pense qu’ils doivent se rendre immédiatement sous peine de mourir bientôt. Tashu ressasse des paraboles ou des abstractions sur la sagesse du Côté Obscur, et si seulement ils suivaient ses enseignements et oh, Palpatine a dit ceci, les anciens écrits Sith disent cela. Crassus veut acheter une sortie de secours. Il agite métaphoriquement ses crédits, persuadé que l’Empire peut lui offrir, en échange de dessous-de-table, un sauf-conduit pour échapper à la persécution de la Nouvelle République. Bonne chance, se dit Rae.

Le satrape, au moins, se tait. Il est assis dans un coin et fixe ses mains. Les jeux sont faits pour lui. Il sait que l’Empire le lâchera. Qu’il restera seul dans une ville qui réclame sa tête au bout d’une pique pour la brandir en place publique.

Dans l’autre coin de la salle à manger – car ils n’ont jamais réussi à rejoindre la salle de réunion située près de leurs chambres en ce jour troublé – se trouve Adea, la jambe engoncée dans un plâtre en mousse imprimé par le droïde médical. L’assistante sautille jusqu’à elle et Rae se dit : Je dois la garder précieusement. Elle a fait preuve de plus de poigne que la plupart de ces soi-disant Impériaux.

— Le yacht ? lui demande Rae, en ignorant les cris au vitriol du reste de l’assistance.

— Il a dû s’arrêter pour faire le plein à un système d’ici. Mais il est en hyperespace à présent. Il va bientôt se poser. Il est attendu dans l’heure.

Rae se raidit.

— C’est plus tard que prévu. Je ne sais pas si je vais pouvoir garder ces animaux à distance jusque-là.

Ils risquent de me décapiter.

— Est-il possible que Crassus manœuvre dans notre dos pour retarder son arrivée ?

— C’est possible, mais je ne vois pas pour quelle raison. Il est impatient de partir. En réalité, ces grosses barges…

Adea esquisse une grimace de douleur et appuie son poids sur l’autre jambe.

— … engloutissent du carburant comme si c’était soirée gratuite à la cantine de l’Étoile de la Mort.

Sloane a passé pas mal de soirées à boire avec ses camarades. Elle ressent une pointe de nostalgie.

Rae se tourne vers le fond de la pièce et élève la voix plus fort que tous les autres.

— Shale, combien de temps avant l’arrivée de la Flotte Rebelle ?

L’intéressée plisse le front.

— Difficile à déterminer, amiral. Ils enverront probablement quelque chose bientôt. Il devrait s’agir d’une flotte de bonne envergure. Attendez-vous à ce qu’ils soient ici dans l’heure, s’ils sont agressifs. Trois, s’ils se montrent prudents.

C’est très proche.

— Nos Destroyers Stellaires. Il est temps de les rappeler. La ruse n’a plus lieu d’être.

— Amiral, si nous les faisons revenir, nous n’avons aucune garantie que ces trois Destroyers survivront au combat, objecte Shale.

— J’admire la prudence, pas la lâcheté. Même si notre régiment de TIE est un peu réduit, nos Destroyers Stellaires sont parfaitement capables de venir à bout de la Flotte Rebelle. Surtout si nous sommes prêts au combat. Je ne veux pas que nous fuyions dans l’espace, juste au moment où ces saletés de Rebelles sortent de l’hyperespace.

Sloane se tourne vers Adea :

— Faites-les revenir. Immédiatement.

— Bien, amiral.

Adea se penche pour ajouter :

— Vous avez un appel.

Sloane articule en silence : Qui ?

Adea incline son écran vers l’amiral pour que le reste de la pièce ne puisse le voir.

Rae reconnaît le visage, bien qu’il appartienne à quelqu’un qui ne lui a jamais été présenté.

C’est un gangster sullustéen, Surat Nuat.

Pour quelle raison ?