INTERLUDE
 
TARIS

Dans l’obscurité, un sabre laser rouge jaillit de sa poignée.

La lame se balance doucement : voum, voum. Elle laisse des traînées rouges dans le noir. Non loin de là, une grosse araignée-assassin pend au bout de son fil. Sur son thorax luit un motif en forme de tête de mort phosphorescent. L’arachnide crache son venin en direction de la lame rouge qui approche. Puis le sabre se déplace à toute vitesse.

L’araignée est coupée en deux avec un petit cri et un grincement.

Les deux moitiés tombent par terre.

Une jeune fille à face de rat écarte la tenture noire qui obstruait la fenêtre et la lumière fait son retour dans la pièce.

Celui qui manipulait le sabre laser est un Kubaz à long museau. Ses yeux sont cachés derrière les verres dorés de lunettes de protection. Le reste de sa tête est protégé par des foulards en cuir rouge. Il rétracte la lame cramoisie dans la poignée.

Trois individus lui font face. Deux en robes noires, le visage masqué. Le troisième, à l’avant-plan, est une jeune femme. Pâle. Voûtée comme si sa colonne vertébrale refusait de la maintenir à la verticale. Elle fait pianoter ses doigts dans l’air – ils ressemblent aux pattes d’une araignée, qui tireraient sur des fils invisibles, qu’elle serait seule à percevoir.

Ils se trouvent dans un immeuble délabré sur Taris. Maintenant que le drap noir n’occulte plus la fenêtre, on constate que la pièce est un taudis : des oreillers infestés de tiques sont posés sur le sol, les murs sont couverts de graffitis (l’un d’eux est un pochoir du casque d’un Seigneur Sith bien connu, avec en dessous la phrase « VADOR EST VIVANT »). Des gravats et des décombres jonchent le sol. Et le décor n’est pas très différent dehors : les habitations délabrées sont entassées les unes au-dessus des autres. Certaines sont de simples conteneurs. D’autres des coques de vaisseaux hors d’état, empilées ou assemblées l’une contre l’autre en équilibre précaire. Une pollution nauséabonde flotte dans l’air, jaune comme la vase sablonneuse au fond d’une eau sale.

Le Kubaz couine dans sa langue natale :

— Vous avez les crédits ?

La fille à la face de rat traduit pour lui, elle répète ses mots en basic.

— C’est vraiment son sabre laser ? demande la jeune femme.

Sa voix est un murmure rauque, comme si sa gorge était nouée.

— C’est le sabre laser du Seigneur Sith, tout à fait.

— Je peux ?

Le Kubaz secoue son museau.

— Non. Pas tant que je ne vois pas l’argent. La maison ne fait pas crédit.

L’amie d’Ooblamon, la petite à face de rat, glousse en traduisant.

La femme au teint pâle regarde les deux individus en robes noires. Ils se concertent en murmurant. Ils ont presque l’air de se disputer.

Elle se retourne vers la fille.

— Comment est-ce qu’on peut savoir que c’est le sabre de Vador ?

— Vous n’en savez rien. Mais c’est un sabre laser, non ? Et il est rouge. Ce n’est pas la couleur que vous cherchiez ?

Nouveaux murmures, nouvelles disputes. Un chuchotement furieux. Enfin, une sorte de concession. Les deux silhouettes en robes tendent chacune une petite boîte marquée d’étranges symboles. Elle les secoue : Ooblamon reconnaît le bruit de crédits qu’on agite. Cela réchauffe son cœur de pierre.

Elle lui tend les boîtes. Il refuse de les toucher et c’est la fille à face de rat qui s’empresse de les prendre.

— Voici mon assistante et apprentie, Vermia.

Elle prend une boîte dans ses griffes, puis la suivante, et court dans le coin pour le décompte. Les crédits s’entrechoquent pendant qu’elle fait ses calculs.

La jeune femme tend une main pâle.

— Le… sabre laser, s’il vous plaît.

— Quand le compte sera bon, tranche Ooblamon.

Il incline la tête et les examine à travers ses lunettes de protection.

— Qu’est-ce que vous êtes ? Vous n’êtes pas des Jedi ?

— Nous sommes des partisans, siffle-t-elle. Des Acolytes de l’au-delà.

— Des fanatiques du Côté Obscur ? Ou des gamins qui veulent s’amuser avec un nouveau jouet ?

— Ne nous jugez pas, vous êtes un voleur.

Le Kubaz ricane en reniflant avec son long museau. Vermia accourt vers lui et annonce, ravie :

— Les crédits sont bien là.

Ooblamon s’approche de la jeune femme pâle pour lui confier l’arme, mais quand elle tend la main pour saisir le sabre, il le reprend, puis il écarte un pan de sa robe marron sale et montre le blaster dissimulé dessous.

— Si vous pensez faire un coup fourré et vous servir de ce sabre sur moi ou ma comparse, ça se terminera mal.

— Nous ne sommes pas violents. Pas encore.

Le Kubaz grommelle, puis leur donne le sabre laser.

Les trois inconnus se tournent pour être en face les uns des autres en tenant le sabre au centre du triangle qu’ils forment. En chuchotant entre eux. Ou au sabre laser.

La femme marmonne d’un air peu convaincu une expression de gratitude, puis ils se dirigent vers la porte d’un pas pressé. Ooblamon leur crie :

— Qu’est-ce que vous comptez faire avec ce truc ?

La femme répond simplement :

— Nous allons le détruire.

Il éclate de rire.

— Pourquoi voulez-vous faire une chose pareille ?

— Pour que le sabre retourne à son maître dans la mort.

Ils sortent. Soudain, les sons de Taris font irruption dans le taudis : un klaxon, quelqu’un qui crie, le moteur d’une moto speeder qui pétarade, un tir de blaster au loin.

— C’était vraiment l’arme de Vador ? demande Vermia.

Le Kubaz hausse les épaules.

— Qui sait. Et puis, dans le fond, on s’en fiche.