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Bang.

La pierre s’écrase avec violence sur le casque du stormtrooper. Le casque pivote et lui fait perdre sa visibilité. Jom Barrel fait le tour de l’impérial en armure et lui balance un violent coup de pied, en plein dans la main qui tient le blaster. L’arme échappe et tourbillonne dans les airs.

Jom s’en saisit et tire à trois reprises dans la poitrine du soldat.

Le corps s’effondre sur les trois autres troopers.

Le bras cassé de Jom pendouille toujours sur le côté.

Pas mal pour un oiseau avec une aile fichue.

Il commence à grimper à l’échelle qui mène à la tourelle turbolaser sol-orbite et se rend compte que c’est le plus dur. Il est obligé de s’adosser contre les barreaux. D’y aller doucement. De se hisser avec son bras indemne, le fusil blaster du stormtrooper accroché dans son dos.

C’est très pénible.

Beaucoup de grognements.

Il a l’impression que cela lui prend une plombe galactique, mais il parvient quand même au sommet et soulève l’écoutille. Il se glisse à l’intérieur…

— Ne bougez pas ! ordonne une voix.

Il est face à un jeune officier artilleur impérial, sous son chapeau d’officier. Il braque son petit blaster sur Jom. La main qui tient l’arme tremble légèrement.

Jom soupire. Il finit d’entrer – Doucement ! le prévient l’impérial – et met une main en l’air pour faire plaisir à son ennemi.

— Les deux mains, précise l’officier.

C’est un anonyme au teint frais. Des joues comme des marshmallows. Des yeux effrayés de bête qu’on mène à l’abattoir. Le gamin est debout devant le poste d’artillerie. Par la vitre, Jom aperçoit les turbolasers jumeaux pointés vers le ciel.

— J’ai un bras cassé, se justifie Jom.

— J’ai dit… les deux mains.

Jom pousse un grognement. Frag de gamin. Il lève son bras cassé en grimaçant. Une douleur atroce lui transperce les épaules. Il montre les dents et fixe l’officier de ses yeux mouillés.

— Voilà.

— Maintenant… à genoux.

— Vous êtes jeune.

— Qu… quoi ?

— Jeune. Comme un bébé whilk. Tu ne sais pas ce que c’est un whilk ? J’ai grandi dans une ferme. Des bestioles à longues pattes. Leur viande est filandreuse, mais leur lait est bon et leur peau fait du très bon cuir. Leurs petits sont maladroits, empotés. Ils ont les genoux cagneux et sont bêtes comme une boîte d’écrous. Tu es encore un bébé.

— Pas du tout, se défend l’officier en agitant son blaster.

— OK, OK. Laisse-moi deviner ton parcours. La plupart de tes supérieurs ne sont plus là. Beaucoup sont morts à bord de l’Étoile de la Mort ou au cours des batailles qui ont suivi. D’autres ont été vendus par des gouverneurs. Donc, il ne reste plus que des types comme toi parmi les officiers : des jeunes qui n’ont jamais été mis à l’épreuve ou des gars vraiment vieux qu’on ramène des pâturages parce qu’il n’y a personne d’autre.

— J’ai déjà été mis à l’épreuve.

— En effet, je suis en train de te mettre à l’épreuve. Voilà mon épreuve : tu peux t’enfuir ou mourir. Je ne t’en voudrai pas de prendre la fuite. Tu ne serais pas le premier Impérial à abandonner son poste. Certains d’entre vous ont enfin compris que la guerre est perdue et que vous vous raccrochez à des débris. C’est pas grave. Tu peux t’en aller, ils ne te retrouveront jamais.

Jom fait un pas de côté pour se rapprocher de l’officier et du poste d’artillerie derrière lui.

— Vas-y.

— Je…

— Personne ne te jugera, mon pote.

L’officier baisse son arme, fait un pas en avant prudemment, comme quelqu’un qui teste la surface d’un lac gelé.

Eh bien, ça s’est mieux passé que je ne l’attendais, se dit Jom.

Juste à ce moment-là, une expression passe sur le visage du jeune officier, un nouvel accès de frayeur, mais cette fois c’est différent. L’angoisse est plus grande. C’est la peur des siens et de ce qu’ils lui feront s’il s’enfuit.

L’officier prend une décision à ce moment-là. Il lève à nouveau son blaster – mais avant qu’il ne soit braqué sur Jom, ce dernier fonce déjà comme un taureau. Il s’encastre sans ménagement dans l’impérial, le soulève du sol et le projette contre le poste d’artillerie. L’Impérial s’immobilise et s’écroule sur le sol. Il se roule en boule en gémissant.

Jom lui arrache son pistolet blaster, ramasse le gamin et le pousse dans une malle vers le fond.

— T’as pris la mauvaise décision, gamin, déclare Jom en refermant le couvercle.

À l’intérieur, l’officier crie et sanglote.

Jom s’installe au poste d’artillerie en grimaçant.

Il consulte le radar : un vaisseau.

Qui s’approche.

Il clique dessus et des données défilent sur les trois écrans qui lui font face : c’est un yacht. Un paquebot-Vita Ryuni-Tantine. Luxueux, quoiqu’un peu vieux, réservé aux plus nantis de la galaxie, ceux que Jom et ses amis appelaient la « haute atmo », parce que sur sa planète, Juntar, les plus riches vivaient haut dans le ciel, à bord de villas flottantes, alors que le reste des habitants travaillaient à la sueur de leur front dans les fermes ou les villes crasseuses au sol. Le yacht date d’une autre époque, de la période de la Guerre des Clones. Une ère où l’on produisait encore des engins aussi luxueux.

Sa trajectoire file droit vers le palais.

Jom vérifie sa signature pour comprendre comment le yacht a franchi le blocus. Sans surprise, le code qui apparaît est impérial. Il s’agit donc d’un vaisseau de l’Empire.

Jom fait pivoter les canons en ricanant. Il active les contrôles manuels et incline les deux imposantes tourelles en direction du yacht. Le vaisseau émerge lentement des nuages. Son flanc brille au soleil. Jom sourit de toutes ses dents et ferme un œil.

— Au revoir, petit vaisseau.

Il tire sur les détentes jumelles.

Rien ne se produit.

Tire, tire, tire. Clic, clic, clic.

Rien !

— Frag ! tonne-t-il.

Il a dû endommager du matériel en projetant l’officier contre la console.

Il regarde le yacht se diriger vers le palais. Aussi peu menacé qu’une baleine dans un océan vide. Non, non, non. Il faut qu’il répare ce truc. Tout de suite. Parce qu’il doit détruire ce vaisseau, d’une manière ou d’une autre.