La pluie de cendres tombait sans interruption. La couche grise qui recouvrait la cour intérieure atteignait une épaisseur de trente centimètres. Hormis les éclairs rouges, mauves et verts, aucune lueur n’avait percé la profondeur des ténèbres. La température continuait de baisser. Ils avaient sorti les vêtements d’hiver, polaires, chaussettes épaisses, gants, bonnets, parkas, manteaux, chaussons fourrés. Il leur fallait maintenant s’organiser, appliquer point par point la procédure conçue par Franx.
Sans Franx.
On n’avait reçu aucune nouvelle de lui, on n’en recevrait pas. Les liaisons téléphoniques étaient interrompues, fixes et mobiles, de même que les ondes hertziennes et satellitaires Le monde se réduisait désormais aux murs épais du Feu de Dieu, et pour une durée probable de plusieurs années. La terre avait tremblé à plusieurs reprises, les secousses avaient retenti avec la force d’une explosion, ou comme le passage du mur du son d’un avion de chasse. De faible amplitude, elles n’avaient pas provoqué d’autres dégâts que des chutes de plâtre et des microfissures dans les joints du carrelage. Elles avaient en tout cas tiré du lit Jim, qui avait surgi dans la salle vêtu d’une seule et courte serviette nouée autour de la taille. Alice s’était demandé comment elle avait pu se vautrer dans ces bras et sur ce torse arachnéens. Elle lui avait brièvement expliqué ce qui se passait.
« Tu veux dire qu’on est coincés dans ce trou à rats », avait-il marmonné d’une voix blanche.
Ses yeux exorbités lui donnaient l’air d’un lémurien.
« C’est nous les rats ? » avait lancé Zoé.
Jim lui avait adressé un sourire qu’on aurait pu qualifier de carnassier. Alice avait pris conscience tout à coup que personne au Feu de Dieu, ni elle, ni ses enfants, n’avait les moyens physiques de lui opposer une quelconque résistance et que, si elle se refusait à lui, il n’hésiterait pas à se rabattre sur sa fille. Elle regrettait amèrement l’absence de Franx. Elle n’aurait jamais cru qu’il lui manquerait à ce point, pas seulement parce qu’elle avait le besoin viscéral d’être rassurée, protégée, mais parce que, elle s’en rendait compte un peu tard, il était un pilier de sa vie, un morceau de sa chair. Où était-il en cet instant ? À Paris ? Sur le chemin du retour ? Gisant au fond d’une crevasse ? Enseveli dans un torrent de lave ? Dire qu’elle avait refusé de lui parler au téléphone hier, ou avant-hier, elle perdait déjà la notion du temps. Leurs difficultés relationnelles étaient sans doute imputables au milieu confiné, à la vie communautaire, mais, au fond d’elle, elle connaissait parfaitement l’étendue de sa responsabilité. Elle avait continué de rêver sa vie après leur rencontre et la naissance des enfants. Franx le cérébral n’était pas le prince charmant de ses légendes enfantines, et elle lui en tenait rigueur. Elle l’avait épousé par défaut, paniquée par sa rupture avec Paul, le fragile, et la terreur de la solitude. Le fossé s’était élargi entre réel et imaginaire, et c’était là, dans la faille sans cesse agrandie, qu’avait sombré leur couple. Elle avait un temps tourné ses désirs vers Vitto, le bel Italien aux allures de Giulano Gemma, mais, malgré la réciprocité de leur désir et les nombreuses ouvertures, ils n’avaient pas eu le courage de passer à l’acte. Elle devait désormais affronter la réalité. Grandir. Apprendre à vivre avec le chagrin qui montait en elle et creusait un vide que rien ne comblerait. Au moins pour permettre à ses enfants de traverser la période sombre qui s’amorçait. Pour commencer, dresser un bouclier protecteur entre eux et Jim le prédateur.
« Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Zoé.
— On n’a pas d’autre choix que de suivre la procédure, répondit Alice.
— Fermer la grille ? »
Alice acquiesça d’un hochement de tête.
« Il faut attendre, dit Théo. Papa est vivant. »
Il s’était assis sur le seuil de l’immense cheminée, emmitouflé dans un pull à col roulé beaucoup trop grand pour lui.
« Ça caille ! grogna Jim. Vous avez des fringues à me refiler ?
— On a juste prévu pour nous, lança Zoé.
— Va voir dans l’armoire de la chambre si tu trouves des vêtements à ta taille », proposa Alice.
Jim sortit de la pièce après avoir jeté un regard indéfinissable à Zoé.
« Me dis pas que ce… mec a déjà pris la place de papa !
— Il est là pour l’instant, Zoé, et on n’a pas d’autre choix que de composer avec lui. Tu ne gagneras rien à le braquer. Il nous faut un peu de temps pour réfléchir, tu comprends ?
— Vu où il était cette nuit, c’est tout réfléchi, non ? »
Alice se contint pour ne pas la gifler. Son père avait souvent frappé sa femme et ses deux filles, et elle s’était promis de ne jamais lever la main sur ses enfants. Elle avait d’ailleurs choisi des compagnons à l’opposé de son père, un dépressif et un cérébral, des jumeaux petits et malingres. Un type comme Ludovic Jeanneret, haut et large, lui inspirait de la crainte malgré une gentillesse qui confinait à la bêtise. Frissonnante, elle s’avança vers Théo.
« On ne sait pas où est Franx, ni s’il est vivant. Mais s’il était là, il nous ordonnerait de suivre la procédure et, premièrement, de refermer la grille.
— Moi, je sais qu’il est vivant, insista Théo.
— Comment tu peux affirmer une chose pareille ? »
Théo haussa les épaules, au bord des larmes.
« Personne veut jamais me croire. »
Elle s’assit à ses côtés, les bras croisés sur ses jambes ramenées contre sa poitrine.
« Moi aussi j’aimerais qu’il soit là…
— Arrête, toi, t’es bien contente qu’il soit parti ! »
Elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas souffler sa colère et sa détresse à la face de son fils. Il lui fallait également regagner la confiance de ses enfants. Trop tôt pour leur expliquer qu’elle regrettait ce qui s’était passé entre Jim et elle, qu’elle avait commis une terrible erreur de jugement, qu’il n’était pas le prince charmant ni l’amant de ses rêves, qu’ils devaient tous les trois faire preuve d’une solidarité sans faille pour l’empêcher de nuire. D’une profonde inspiration, elle s’efforça de rétablir le calme en elle.
« Si on laisse la grille ouverte, Théo, tout un tas de gens vont rentrer dans le Feu de Dieu pour nous voler nos réserves.
— Si on la ferme, on les empêchera pas de passer par-dessus.
— Alors papa aussi, s’il revient, pourra passer par-dessus. »
Accoudée au long bar qui séparait la cuisine de la salle à manger, Zoé pointa comme une arme la biscotte qu’elle venait de beurrer.
« Arrête tes conneries, maman ! Tu sais très bien que papa ne reviendra jamais !
— On n’en est pas sûr à…
— C’est lui-même qui disait aux autres de ne pas s’éloigner du Feu de Dieu, qu’ils auraient du mal à faire dix kilomètres quand la fin du monde serait arrivée. Alors, je vois pas comment il pourrait faire les cinq cents entre Paris et ici.
— Moi, je vous dis qu’il est vivant ! cria Théo.
— Arrête de prendre tes désirs pour des réalités, mon vieux ! »
Théo se releva comme un ressort, traversa la pièce en courant et disparut dans le couloir.
« Tu ne devrais pas lui parler comme ça, murmura Alice.
— Je lui parle comme je veux !
— On dirait… » Alice hésita. « On dirait que tu es contente que Franx ne soit plus là. »
La biscotte se brisa dans la main de Zoé.
« C’est toi, toi qui l’as déjà remplacé, qui me dis ça ? »
Les cendres se déposaient avec légèreté sur les cheveux, les sourcils et les cils d’Alice. Bien qu’elle se fût couverte avant de traverser la cour intérieure, le froid l’avait saisie jusqu’aux os. Pas un froid qu’elle connaissait, le froid tantôt sec tantôt humide de l’hiver : celui-ci se fichait profondément dans la chair, comme des milliers d’aiguilles fines, comme s’il pénétrait au cœur de chaque cellule pour l’isoler des autres. Cela ne faisait pas trente secondes qu’elle était dehors, et ses mains et ses pieds semblaient déjà ne plus lui appartenir. Les traits rouges, mauves et verts, qui éclaboussaient de temps à autre l’horizon ne faisaient pas reculer les ténèbres aussi denses que de la boue. Ses pieds s’enfonçaient dans un tapis épais et mou, chacun de ses pas soulevait une gerbe de cendres. Elle ne distinguait pas encore le mur d’enceinte pourtant distant d’une petite trentaine de mètres et se dirigeait au jugé. L’odeur d’œuf pourri lui rappelait la saveur de la particule de cendres qu’elle avait goûtée et la puanteur dégagée par les geysers et les émanations du parc national du Yellowstone. C’était au cours de leur périple nord-américain qu’elle avait pris conscience de l’incurable mélancolie de Paul et qu’elle avait décidé de le quitter. Beau, délicat, sensible, mais pas rassurant. Franx, lui, avait su la sécuriser avec ses idées bien arrêtées et son sens de la dialectique, et plus encore lorsqu’il lui avait parlé de ses théories sur la fin du monde et de son projet d’arche de Noé. Enceinte de Zoé, inquiète, elle avait jugé séduisante la perspective de passer les années difficiles à l’intérieur d’un solide cocon. Le chemin avait été long, semé d’embûches et de doutes, jusqu’à l’achat du Feu de Dieu. Trois familles avaient accepté de suivre Franx dans ce que d’autres, dont les parents et la sœur d’Alice, appelaient son delirium. Les deux premières années de la cohabitation s’étaient déroulées comme dans un rêve, rythmées par les travaux, les naissances et les rires. On avait mis l’argent en commun. Certains avaient continué de travailler à l’extérieur pour alimenter un compte qui servait à l’achat des matériaux et des vivres, puis les premières fissures étaient apparues, lézardant la belle façade, jusqu’à ce que, une à une, les familles quittent la communauté. Avant de partir, les Loustaleau avaient déposé dans la corbeille commune un présent nommé Jim, vague relation d’Élodie, peut-être son amant. Un cadeau empoisonné. À leur départ, Élodie avait sèchement déclaré qu’ils n’avaient plus de place pour Jim dans leur voiture (un monospace équipé pourtant de sept sièges), mais qu’il finirait bien par se lasser et foutre le camp à son tour. Il était resté, exhibant ses presque deux mètres de cynisme dans l’arche, occupant un espace de plus en plus large, au point que Franx et Ludovic avaient ourdi un plan pour le flanquer dehors. Et puis le notaire avait appelé, Franx s’était rendu à Paris pour récupérer l’héritage de sa tante Maëlle, prévoyant de mettre en vente son appartement et, avec l’argent récupéré, de rembourser leur part du Feu de Dieu aux autres membres de la communauté. Il avait également parlé d’un voyage en Thaïlande ou en Inde du Sud. Alice n’y avait pas cru, elle était de toute façon déterminée à le quitter, à s’enfuir du cachot étouffant qu’il avait bâti autour d’elle et des enfants. Elle regrettait de ne pas avoir trouvé les mots pour retenir les Jeanneret. Avec Ludo à proximité, Jim se serait tenu tranquille. Mais ils avaient épuisé leur patience eux aussi et, incapables de supporter son regard, ils s’étaient enfuis pendant l’absence de Franx.
Elle arriva devant le mur d’enceinte. La grille, ouverte pour le départ des Jeanneret, n’avait pas été refermée. Un ouvrage métallique tellement haut et lourd qu’on l’avait posé sur des rails, avec d’épaisses plaques métalliques vissées dans les barreaux pour le rendre opaque, infranchissable. On avait soudé, le long de son faîte perché à dix mètres du sol, une première rangée de pics verticaux séparés les uns des autres par un intervalle de dix centimètres et une seconde à quarante-cinq degrés. Enfin, pour décourager les éventuels téméraires, on avait hérissé les montants, côté cour, de lames aiguisées suffisamment haut placées pour éviter que les enfants ne s’y blessent. Des mesures de protection qui avaient valu à Franx d’être traité de facho ou de psychopathe. Son idée était qu’après le déclenchement du cataclysme des bandes se formeraient sur le mode des meutes et parcourraient la campagne en quête de nourriture. Ils devaient donc s’entourer de toutes les précautions pour subir le moins d’attaques possible. En revanche, il s’était heurté à un refus catégorique lorsqu’il avait évoqué les armes. Pour lui, il était évident qu’ils devaient se munir de fusils ou d’autres armes à feu, mais, hormis Vitto, les autres avaient poussé des cris d’orfraie et déclaré que sa vision de l’humanité était fondée, comme dans l’ancien temps, sur le conflit, le cynisme, l’individualisme, le rapport de forces. À une majorité écrasante, six voix contre deux, la proposition de Franx avait été rejetée. Alice elle-même avait voté contre, l’occasion pour elle de prendre conscience qu’elle n’avait jamais vraiment cru aux théories de l’homme dont elle partageait la vie. Elle s’avança dans l’espace entre la grille et le pilier de pierre du mur d’enceinte. Aussi loin que portait son regard, elle ne distinguait que le manteau gris de cendres qui se confondait avec les ténèbres. Le Feu de Dieu dominait un causse où ne poussaient que quelques chênes et genévriers faméliques. Les collines environnantes se couvraient de forêts épaisses ou de champs de noyers et de châtaigniers. Franx n’avait pas choisi cet endroit pour la qualité de ses terres, on ne pourrait plus cultiver lorsque le cataclysme se serait déclenché, mais pour son isolement et pour l’épaisseur des murs. Aucun tremblement de terre ne semblait en mesure de renverser la bâtisse, à moins qu’une faille ne s’ouvre exactement sous ses fondations. Le vent violent et glacial cisaillait la nuit sans un bruit. Alice posa la main sur la petite barre horizontale qui servait de poignée. Le froid du métal transperça son gant. Elle fut traversée par le fol espoir de voir Franx surgir de la nuit et s’avancer vers elle en souriant, se traita d’incorrigible rêveuse et entreprit de tirer la grille en direction du pilier. Elle dut s’arc-bouter sur ses jambes pour ébranler le lourd vantail dont les roulettes grincèrent sur les rails. La grille vint se placer contre le pilier en heurtant dans un fracas métallique les cinq pitons plantés dans le mur. Alice inséra la chaîne dans les arceaux et la maintint serrée jusqu’à ce qu’elle puisse enfoncer la pince du cadenas dans deux maillons superposés. Le froid entravait ses gestes. Elle vérifia que la chaîne était suffisamment tendue avant de pousser le gros verrou que Franx avait ajouté en bas de la grille. Elle se releva, en proie à des sensations contradictoires, une forme de soulagement, puisque, en se refermant sur lui-même, le Feu de Dieu accomplissait la mission pour laquelle il avait été conçu, une vive inquiétude soulevée par les incertitudes du présent, l’avenir de ses enfants et la présence de Jim, une profonde mélancolie due à l’absence de Franx, le sentiment qu’elle ne l’avait pas aimé à sa juste valeur et qu’elle n’aurait sans doute jamais l’occasion de rattraper le temps perdu. Elle ne pleurait pas, pas encore, elle avait perdu l’habitude de pleurer.
L’étape deux de la procédure consistait à établir l’inventaire exact des ressources, de les diviser par le nombre de personnes présentes dans le Feu de Dieu, de prévoir ainsi la consommation de chacun pour une durée de sept années. Franx avait calculé que les nuages de particules mettraient entre cinq et dix ans pour se disperser. Sept étaient donc l’estimation moyenne. Elle le soupçonnait d’avoir choisi ce chiffre parce qu’il lui vouait un culte irrationnel – sept jours de la semaine, sept ordres angéliques, sept couleurs de l’arc-en-ciel, sept rishis védiques, sept chakras, sept branches du chandelier et de l’arbre sacré des chamanes, sept têtes de la bête de l’Apocalypse, sept versets de la Fatiha, sept nains, sept péchés capitaux…
Les ampoules s’éteignirent au moment où elle entrait dans la pièce. Zoé avait disparu, sans doute partie bouder dans sa chambre. Elle se rendit à tâtons près du meuble de la cuisine où étaient rangées les lampes de poche, ouvrit le tiroir et se munit d’une petite torche dont le faisceau étonnamment puissant éclaira le bas du mur et un large cercle du carrelage. Elle ouvrit le réduit qui abritait, au-dessus de la machine à laver, le tableau des fusibles. Le disjoncteur n’avait pas sauté. Coupure générale d’électricité. Comme ils étaient en bout de ligne, ils tombaient en panne de courant au moindre orage et attendaient parfois des jours avant que l’EDF ne rétablisse la ligne. Elle avait besoin de lumière pour dresser l’inventaire. Elle n’avait pas d’autre choix que de mettre en route le générateur installé dans une pièce aérée à l’extrémité de la cave, une énorme machine de plus d’une tonne dont l’acquisition avait suscité de vifs débats dans la communauté. Son prix, tout d’abord, près de dix mille euros. Les arguments de Franx – il valait mieux opter pour un appareil de qualité qui consommerait moins et durerait plus longtemps – avaient fini par convaincre les récalcitrants. L’installation, ensuite, de trois cuves de trois mille litres de gazole pour alimenter le monstre, nouvelle facture de douze mille euros, nouveaux grincements de dents. L’affaire avait vidé les comptes de l’arche et obligé Sylvain Loustaleau, commerçant ambulant et principal pourvoyeur de fonds, à travailler deux fois plus et à négliger Élodie, qui s’en plaignait amèrement.
Alice passa dans l’arrière-cuisine et descendit l’escalier de pierre qui menait à la cave. Un silence suffocant régnait sur la maison. Elle n’avait jamais pensé qu’il lui reviendrait d’accomplir cette succession de gestes. Franx et les autres avaient coulé des feuilles de plomb dans les murs et le sol de béton afin de protéger les vivres et l’eau d’éventuelles radiations nucléaires. Posé sur un socle en briques, le générateur occupait une large salle balayée par les courants d’air qui, malgré les filtres, répandaient une forte odeur de soufre, d’œuf pourri. De couleur rouge, il mesurait plus de deux mètres de long pour une hauteur d’un mètre trente et une largeur d’un peu plus d’un mètre. Comme chaque membre de la communauté, Alice avait appris à le mettre en route. D’abord composer le code, ensuite vérifier le niveau de gazole, brancher l’appareil sur la prise qui prendrait le relais du compteur EDF, puis simplement presser le champignon d’allumage sur le tableau de bord.
Une sensation de mouvement dans son dos la fit sursauter. Le rayon blanc de sa lampe frappa le menton pointu et le maigre cou de Jim, qui s’était approché en silence. Le sourire du parasite montrait qu’il était ravi de la petite farce qu’il venait de lui jouer. Il avait enfilé son jean noir et passé un pull dont les manches lui arrivaient aux avant-bras.
« J’ai rien trouvé à ma taille…
— Tu m’as fait peur, idiot. Qu’est-ce que tu fais là ?
— J’étais dans le salon quand tu es revenue. Et je t’ai suivie.
— Pour quoi faire ? »
Il s’approcha d’elle en remuant lascivement les hanches.
« Devine…
— C’est bien le moment ! L’électricité vient de couper, il faut que je mette le générateur en marche. »
Il la saisit par la taille et plaqua son bassin contre le sien.
« Je te trouve bandante sous toutes tes couches de fringues. »
Elle frémit de peur et de dégoût.
« Il y a un tas d’autres priorités, Jim. »
Il lança un bref regard autour de lui.
« Tu as dit toi-même qu’on était coincés dans ce putain de trou pour plusieurs années. J’vois pas ce qu’il y a de si urgent. »
C’était un prédateur, et, pour ses enfants, pour elle, elle devait lui donner ce qu’il réclamait jusqu’à ce qu’elle trouve le moyen de le mettre définitivement hors d’état de nuire.