VINGT-DEUX

GOFKIT JEMLOE

À l’orée du village de Gofkit Jemloe, Enli était assise sur une pierre dure, dans le crépuscule qui s’épaississait, et elle entendait Pek Sikorski parler à Pek Gruber, au telcom. Enli n’avait pas envie d’écouter. Elle se leva pour partir, mais la Terrienne la saisit par le poignet et la tira en arrière, si bien que la Mondienne se rassit et regarda les ténèbres monter.

C’était un beau coucher de soleil, le ciel rouge et or semblait purifier l’air autant que les minuscules mittib sauvages, sous ses pieds. Elle voyait les villageois se rassembler sur la pelouse, entre les braises rougeoyantes des feux-de-cuisine communaux. Des enfants se poursuivaient, se faufilant entre les adultes. Cela ressemblait presque à une soirée ordinaire à Gofkit Jemloe. Mais, au lieu de danser, les adultes restaient en groupes compacts et n’en changeaient qu’à contrecœur, et les enfants indisciplinés poussaient des cris trop sauvages.

— Je t’ai demandé combien de temps cela allait durer, Dieter… Ne me mens pas, je t’en prie. Je peux tout supporter sauf cela.

À l’autre bout du telcom, quelque part dans le ciel rouge et or, Pek Gruber répondit. Enli ne put distinguer ses paroles.

— Vous avez terminé tous les tests que vous pouviez faire pendant que l’artefact était de retour ici, n’est-ce pas ? dit Pek Sikorski. Ou bien, vous êtes sur le point de le faire. Quand l’arracherez-vous de nouveau à Monde ?

D’autres paroles indiscernables, et le corps tendu de Pek Sikorski se figea.

Enli observait une silhouette qui s’était détachée des groupes, sur la prairie, et marchait à grands pas vers elles.

— Non, dit Pek Sikorski, très bas, je ne m’en irai pas. Partez sans moi. Il faut qu’il y ait quelqu’un ici, pour expliquer à ces pauvres gens… N’essaie pas de me faire gober cette merde, Dieter ! Je ne vous aiderai pas à assassiner cette civilisation ! Non !

La silhouette devint celle de Soshaf Pek Derilin. Non, pas Derilin… au sein des grandes maisons, il était de mode, maintenant, que le fils aîné prenne le nom de son père, pas celui de sa mère. Un glissement dans la réalité. Pek Voratur, vêtu d’une magnifique tunique brodée de fleurs, tenait une lanterne. Sa brillante colletine soyeuse ondulait dans la brise nocturne. Un bel homme, pensa froidement Enli, et son cœur se serra de nouveau douloureusement. Calin…

Pek Sikorski dit :

— Jamais. Adieu, Dieter.

Elle coupa la communication. Aussitôt, le telcom émit son bizarre bruit mécanique, si différent d’une vraie cloche. Pek Sikorski fit quelque chose qui arrêta la sonnerie.

— Que votre jardin fleurisse à jamais, Pek Sikorski, Pek Brimmidin, dit le jeune Pek Voratur.

Il leur tendit une fleur orange.

— Que vos ancêtres se réjouissent de vos fleurs, répliqua Enli, lorsqu’il devint apparent que Pek Sikorski ne parlerait pas.

Le visage de la Terrienne ressemblait, pour Enli, à quelque chose de mort : la peau plus pâle que d’ordinaire, les tempes contractées, les yeux sans regard. Enli y lisait le désespoir, mais elle savait que Soshaf Pek Voratur ne le faisait pas. Pas sans que ses crêtes crâniennes se creusent, que sa colletine s’affaisse et que la peau se plisse autour de ses yeux noirs. Ce n’était pas le cas. Pek Voratur n’avait pas assez fréquenté les Terriens pour percevoir le désespoir de Pek Sikorski, et cela lui épargnait la douleur-de-tête qui maintenant lancinait Enli. La réalité n’était pas partagée entre eux trois, mais elle seule le savait.

Pek Voratur dit à Pek Sikorski :

— Mon père demande le don d’une conversation avec vous, Pek.

Elle le regarda, plongée dans le chagrin et la douleur. Il ne le vit pas. Et il en serait ainsi bientôt pour eux tous, pensa Enli, lorsque les Terriens remporteraient l’artefact dans le ciel. Aucun de nous ne saura ce que les autres éprouvent.

— Je viens, répondit Pek Sikorski avec apathie.

Pek Voratur sourit et leva sa lanterne dans l’obscurité croissante. Une soudaine flamme jaillit du profond petit godet d’huile. Puis la lampe s’éteignit. Pendant que Pek Voratur s’efforçait de la rallumer, Enli chuchota à l’oreille de Pek Sikorski.

— Quand vont-ils remporter la réalité partagée ?

— Demain.

— À jamais ?

— À jamais.

— Voilà, dit Pek Voratur avec satisfaction, elle est rallumée. Suivez-moi, Pek.

Sur la prairie, la danse avait repris, mais hésitante, craintive. Enli sentait la différence. Du moins, c’était une hésitation partagée, une crainte partagée. Elle se détourna et suivit Soshaf Voratur en silence.

— Non, déclara Hadjil Voratur. Cela ne va pas recommencer. Vous m’avez dit, il y a deux jours, de convoquer les télémiroiristes et d’apprendre à Monde tout entier comment la réalité partagée nous avait quittés à jamais. Et maintenant, elle est revenue ! Si les télémiroiristes avaient fait ce que vous m’aviez demandé, on m’aurait traité de fou, et à bon escient. Peut-être même aurait-on pensé que je ne partageais pas la réalité. Je ne convoquerai pas de nouveau les télémiroiristes.

— Il le faut. Pek Voratur… la réalité partagée va de nouveau nous quitter. Demain. Cette fois, elle ne reviendra pas. Le… télescope du bateau volant en métal a vu le grand don de la Première Fleur, le rocher vivant. Il s’est mis à mourir, il a brièvement repris force… vous avez vu des plantes faire cela, et des gens mourants ! Et maintenant, il se meurt de nouveau, et la réalité partagée va cesser.

— C’est ce que vous avez dit la dernière fois. (Le visage rond et brillant de Voratur frissonna sous ses crêtes crâniennes creusées.) Je ne le ferai plus. Non.

Soshaf Pek Voratur dit calmement :

— Père…

Voratur se tourna vers lui.

— Oui ?

— Vous pouvez ordonner à la flotte de s’éloigner un peu du rivage. Que les agents ne gardent à bord que les meilleurs hommes et donnent aux autres quartier libre pour la nuit. Vous pouvez dire cela aux agents par telcom. (Au bout d’un moment, il ajouta :) Quand la réalité partagée nous a quittés, il y a un jourdeux, quelqu’un a martelé le portail et un autre a volé plusieurs coupes en or.

— Cela ne se reproduira pas.

— Non, père.

— Je vais parler aux agents du vaisseau. Pek Sikorski, Pek Brimmidin, que vos fleurs parfument votre cœur. »

Ils étaient congédiés. Enli dit :

— Que vos fleurs réjouissent les âmes de vos ancêtres.

De retour dans la chambre d’Enli, Pek Sikorski dit :

— Le changement d’avis de Voratur ne vous a pas donné de douleur-de-tête.

— Non, répondit Enli, perplexe.

Elle essaya de comprendre ce que voulait dire Pek Sikorski, mais sans succès.

— Parce que, pour vous trois, ce que Soshaf a suggéré n’était pas un changement d’avis, n’est-ce pas ? Vous saviez tous les deux qu’il ne croirait pas que la réalité partagée allait de nouveau partir, mais qu’il devait protéger ses navires de commerce, au cas où.

— Bien entendu. N’est-ce pas ce que n’importe qui aurait fait ?

— La réalité partagée, dit tristement Pek Sikorski. Enli…

— Oui ?

— Je veux que vous preniez mon telcom. Tenez. Cachez-le quelque part. Il n’est pas comme les liens que nous avons donnés à Pek Voratur, il atteindra le vaisseau volant n’importe où dans votre système solaire. Si quelque chose m’arrivait dans le prochain jourcinq… si je mourais… je veux que vous appeliez Pek Kaufman pour lui dire ce qui arrive sur Monde. Ferez-vous cela pour moi, Enli ?

— Oui.

— Pauvre Enli, j’ai fait mal à votre cœur.

— Non, répliqua Enli, et c’était vrai. Pek Sikorski et elle partageaient la réalité de ce qui arriverait demain.

Enli aurait préféré la douleur-de-tête que donnait le fait de ne pas savoir.

La réalité partagée disparut le lendemain, en milieu de matinée. De nouveau, on ne sentit rien. Mais, cette fois, Enli savait.

Pek Sikorski l’avait observée attentivement tandis qu’elles prenaient leur petit déjeuner, se lavaient dans la salle de bains des visiteurs, puis s’asseyaient dans le jardin d’une cour.

— Elle a disparu, n’est-ce pas ?

— Oui. Elle est partie.

— Allons tout de suite trouver Pek Voratur.

De cour en cour, de jardin en jardin. Jamais Enli n’avait fait ici une telle marche. Cette servante savait : regardez comme elle se hâtait vers la cuisine, sans croiser le regard d’Enli, son panier de fruits du lar tremblant à son bras. Ce garçon, occupé à sarcler les plates-bandes, ne s’était encore aperçu de rien. Cet homme sait, il se souvient de la dernière fois et volera quelque chose. Regardez la façon dont il mesure de l’œil la porte cintrée de cette riche chambre personnelle. Il va violer la réalité partagée. Enli le comprit et sa tête ne lui fit pas mal.

Pek Voratur était dans sa chambre personnelle avec Soshaf et son second fils, Tebil, à peine sorti de la colletine de l’enfance. Il semblait effrayé. Ils savaient tous.

Pek Sikorski ne perdit pas de temps en paroles d’accueil.

— Pek Voratur, lorsque, dans votre maison, tout le monde partageait la réalité, tous accomplissaient la tâche que la réalité exigeait. Mais même alors, il devait y avoir des domestiques plus fiables, qui ne se laissaient pas décourager par les difficultés, et montraient une plus grande… (Enli vit qu’elle cherchait un mot. « Loyauté », pensa Enli, mais le mot était terrien, et il n’y avait rien de semblable sur Monde.)… responsabilité personnelle. En était-il ainsi ?

Soshaf Pek Voratur répondit pour son père :

— Oui.

— Rassemblez ici tous les domestiques et les agents qui sont comme cela. Expliquez-leur ce qui est arrivé. Puis confiez-leur la tâche de veiller aux portes et aux fenêtres de votre maison, afin qu’ils aient l’œil sur toute personne irréelle qui vous attaquerait.

— Aucune personne irréelle ne devrait avoir le droit de vivre, répliqua Pek Voratur.

— Créez, dans votre esprit, l’image d’un monde dans lequel beaucoup de telles personnes vivent, et bien plus encore sont plongées dans une confusion passagère et une peur qui saisiraient tout être attaqué par un gliffir. Créez une image dans laquelle les gens – certains, du moins – sont devenus des gliffirs.

Les gliffirs n’existaient que dans les histoires, de grands animaux dangereux qui soufflaient le feu et pondaient des couteaux. Enli comprit que Pek Sikorski avait répété ce discours.

— Je comprends, dit Pek Voratur, et Soshaf Voratur partit chercher les domestiques que Pek Sikorski avait décrits.

Le jeune Tebil se cacha le visage dans ses mains et se mit à crier.

— Arrête, dit sévèrement son père.

Le jeune garçon n’obéit pas.

Pek Sikorski s’approcha de lui et posa la main sur son bras. Sa voix, empreinte de son accent étranger, était la chose la plus gentille que Enli ait jamais entendue.

— Il est effrayé, Pek Voratur. Même si vous, vous ne l’êtes pas.

Elle regardait le négociant avec fermeté.

Enli comprit. Pek Sikorski lui montrait comment atteindre la réalité de Tebil. À partir de celle de Voratur. À partir d’un endroit différent.

Le moment se prolongea. Pour finir, Voratur dit durement :

— Mon fils ne sera pas un lâche. Il ne pleure pas à l’idée de gravir des falaises pour dénicher des œufs !

Il tourna le dos, large et charnu, au garçon tremblant.

— Pek Voratur, dit Pek Sikorski d’une voix plus forte. Tebil est effrayé. Même si vous ne l’êtes pas. C’est la réalité maintenant. Vous pouvez la partager avec lui si vous choisissez de le faire. Si vous choisissez.

Voratur ne se retourna pas.

À cet instant, une petite silhouette franchit la porte à toute allure et dérapa pour s’arrêter devant Pek Sikorski. Essa Pek Criltifor, la jeune fille qui était montée dans le bateau volant en métal et avait joué avec Sudie. Et qui n’avait pas eu peur lorsque la réalité partagée les avait quittés, dans l’espace. Elle sourit.

— La réalité partagée nous a de nouveau abandonnés, Pek Sikorski !

Celle-ci ne répondit pas. Essa se tourna vers le dos raidi de Voratur.

— Soshaf Pek Voratur a dit que vous cherchiez des domestiques qui continueront d’appartenir à la maisonnée sans réalité partagée et aideront à la protéger. J’appartiendrai toujours à la maisonnée, Pek Voratur.

Lentement, le négociant se retourna.

— Je vous aiderai à protéger la maisonnée. Je n’ai pas peur !

Voratur étudia la jeune fille. Sa colletine n’était pas peignée, son mince visage était sale, ses yeux brillaient. Il lui sourit.

— Je vous crois, jeune Essa.

À l’autre bout de la pièce, Tebil, toujours tremblant sous la main de Pek Sikorski, regarda Essa avec une soudaine haine dans ses yeux effrayés.

 

En fin d’après-midi, Enli marcha seule jusqu’au village. Si elle leur avait dit qu’elle y allait, Pek Sikorski lui aurait conseillé de ne pas le faire et Pek Voratur le lui aurait interdit. Enli ne leur dit rien.

Il y avait un garde – un mot nouveau, emprunté au terrien – à la porte de la maison. Il portait un couteau et un gourdin, ce qui semblait l’ennuyer. Plus tôt dans la journée, trois hommes, des frères d’après leur apparence, avaient tenté de pénétrer de force dans la demeure. Il y avait eu une bagarre, une masse tourbillonnante, pas coordonnée, se poussant, et se bousculant et se frappant sauvagement, jusqu’à ce qu’ils s’enfuient. L’un des membres de la maisonnée avait reçu un coup de couteau. Voratur avait ordonné à tous les gardes de porter couteaux et gourdins, ce qui effraya tant la moitié d’entre eux qu’ils dirent à Soshaf Pek Voratur qu’ils ne voulaient plus monter la garde. Il les laissa tranquilles, bien sûr. Pek Sikorski avait aidé Voratur à parler à d’autres et à choisir de nouveaux gardes.

Elle s’affairait, partout à la fois, conseillant Voratur, réconfortant ceux qui étaient si épouvantés qu’ils ne pouvaient plus bouger, expliquant aux télémiroiristes, que Voratur avait fini par convoquer, quel message ils devaient envoyer de leurs tours. Il s’avéra que la moitié d’entre eux avaient aussi cessé d’accomplir leur devoir. Dans le lointain, visible du toit Voratur le plus haut, un village était en feu.

Néanmoins, Enli marcha seule jusqu’à Gofkit Jemloe. Après la panique initiale, le calme était revenu. La route était déserte. Les gens restaient barricadés dans leur maison.

— Cela ne durera pas, dit Pek Sikorski d’une voix lasse. Ils ne pourront pas se cacher éternellement. Et la réalité n’est pas, non plus, partagée dans les maisons. Ce n’est que le début.

Elle n’avait pas dit ce que serait la fin, et Enli ne l’avait pas demandé.

Derrière elle, elle entendit des pas. Quand elle pivota sur ses talons, elle ne vit personne.

Le souffle d’Enli se coinça dans sa gorge. Elle avait un couteau à la main, mais savait qu’elle ne pourrait jamais s’en servir. Impossible. Pas contre quelqu’un.

Haletante, elle parcourut des yeux les abondantes broussailles, brillant de jellitib et de canarib. Rien.

Enli se remit en marche. Les pas retentirent de nouveau et alors elle se mit à courir. Des pieds martelèrent le sol derrière elle. Puis Essa passa les bras autour de la taille d’Enli, par-derrière.

— Je vous tiens !

— Essa ! Vous… (Enli se tut. La jeune fille levait les yeux vers elle, toujours accrochée à sa taille, et souriait.) Vous ne savez que c’est dangereux de venir ici ?

— Alors, pourquoi y êtes-vous ? dit Essa avec logique. Je cours vite et je sais me cacher. Personne ne me fera de mal.

C’était probablement vrai, pensa Enli. Blesser quelqu’un, c’était trop nouveau. Se cacher, cela venait plus facilement aux enfants. Il n’y avait aucun réconfort dans cette pensée.

— Et puis, poursuivit Essa, je suis le messager de Pek Voratur. Il m’a envoyée à votre poursuite avec un message.

— Lequel ?

Les lèvres d’Essa remuèrent en silence pour le répéter. Puis, en une imitation surprenante et malicieuse de la voix tonitruante de Voratur, elle dit :

— Dites à cette dingue qu’elle a trop de valeur pour prendre le risque de vagabonder dans la campagne !

Enli éclata de rire, malgré elle. Ce rire se termina en halètements. Imaginer un Monde où les gens ne pouvaient plus vagabonder dans la campagne !

— Vous savez, Pek Brimmidin, dit Essa d’une voix aiguë, je ne devrais pas dire cela, mais… mais j’aime bien que la réalité partagée soit partie.

— Je le sais, répliqua Enli, et elle ne put dire si sa voix était lourde de tristesse, ou de colère, ou de perplexité.

— Pourquoi ?

Essa hésita.

— C’est… je ne sais pas. (Une autre hésitation.) Je peux penser des choses maintenant. Sans douleur-de-tête.

— Quelles choses, Essa ?

— Mes choses, répondit simplement la jeune fille.

— Je vois, dit Enli, mais elle ne comprenait pas.

Son humeur s’éclaira un peu. Peut-être que ce ne serait pas si terrible. Peut-être que Pek Sikorski se trompait, et que le pire était passé. Peut-être que…

— Quelqu’un arrive, dit soudain Essa, sur une grosse bicyclette. Très vite.

Enli mit sa main en visière pour protéger ses yeux du soleil. Une silhouette loin là-bas, sur la route, pédalait à une vitesse stupéfiante, bien plus vite qu’une bicyclette ne pouvait avancer… un homme grand et fort…

— Courez ! dit-elle à Essa, puis elle la prit par le bras. Non, attendez, c’est Pek Gruber !

— Qui ça ? demanda Essa, sans peur.

Pek Gruber. Venu chercher Pek Sikorski. Non, le grand vaisseau s’était déjà envolé loin de Monde, Pek Sikorski le lui avait dit après avoir parlé à Pek Kaufman, une heure auparavant. Pek Gruber ne venait pas chercher sa compagne. Il venait la rejoindre, sur Monde. Parce qu’elle était sa compagne, parce qu’il ne voulait pas l’abandonner, parce que, même sans réalité partagée, il avait de la loyauté.

Pas comme Calin. Calin…

— Qui est-ce ? répéta Essa. Sa bicyclette, est-ce une machine qui marche toute seule, comme le bateau volant ?

— Oui.

— Il est grand et très fort. Plus que les autres Terriens. Vient-il pour nous aider à protéger la maison Voratur ?

— Oui.

— Sans réalité partagée ? Pour nous aider tout de même ?

— Oui, dit Enli, et elle s’avança à la rencontre de Pek Gruber, Essa sur ses talons.