CHAPITRE VI
Ils roulaient maintenant hors de la ville, sous les dernières lueurs du soleil couchant. Sur un signe impératif de Nora, Dennic avait pris sans discuter la direction du nord. Mais il avait quitté presque aussitôt, par prudence, la grande route du Cap de Bonne Espérance.
Le Cap, comme son nom l’indiquait, formait une pointe émoussée, un chicot sur l’océan Indien, à la frontière de l’Urugue. Mais l’Urugue était une simple enclave, que l’on pouvait franchir en une journée par beau temps. Et au-delà, c’était la Bretagne mécréante et déprogrammée ; Dennic avait un peu l’impression de rentrer chez lui.
De toute façon, célérité et prudence s’imposaient à la fois. Ce départ de Santa-Maria ressemblait à une fuite. C’était peut-être une fuite… Autant que Dennic se souvenait, un mariage ne pouvait se faire sans que le choix fût enregistré dans la ville même. Et Nora avait-elle le droit de s’en aller ? Si elle n’avait pas menti, elle était étrangère, comme Dennic. Peut-être plus étrangère que lui ? Peut-être voulait-elle aussi rentrer dans son pays ? Mais avait-elle le droit ?
Assise à côté de Dennic, elle se taisait. Il n’avait ni le courage ni l’envie de la questionner. Elle lui avait donné l’occasion de tenter un geste qui comblait ses désirs secrets. Il roulait vers le nord : c’était l’essentiel… Nora observait le paysage d’un air détaché. De temps en temps, elle tournait la tête pour sourire à son compagnon. Il mesurait sans peine sa tension et son anxiété. Mais quelque chose lui échappait dans le comportement de cette jeune femme. Il n’arrivait pas à définir ses sentiments pour elle.
D’abord, elle était un peu moins jeune qu’il l’avait cru. Il lisait dans son regard sang-froid et expérience. Et bien plus que cela. Pourtant, quelques minutes plus tôt, elle lui avait semblé près de la panique. Elle le suppliait, affolée… Elle était différente de toutes les femmes qu’il avait connues ; mais il en avait connu bien peu, de près ou de loin. Il ne pouvait l’accuser d’avoir menti, car elle ne lui avait rien dit ou presque. Mais le mensonge résidait peut-être dans ce qu’elle lui avait laissé croire et qui tendait vers l’infini.
Haussant les épaules, il guida le camion avec adresse sur une piste forestière qui serpentait au milieu des pins rouges. Et il pria Géova et Mr’gun pour que ce ne fût pas un cul-de-sac. Il regarda de nouveau Nora. Une impression qu’il ne savait formuler un moment plus tôt se précisa soudain. La jeune femme semblait mal à l’aise dans ses vêtements, comme si elle n’avait pas l’habitude de les porter. Peut-être était-ce un déguisement. Elle vit qu’il l’observait et demanda :
— Tu ne regrettes rien, Dennic Joboem ?
Il répondit d’un signe de tête.
— Non. Et toi ? Ça va ?
— Très bien, dit-elle. J’ai seulement un peu soif.
— Il y a de l’eau. Et Jèke le mendiant m’a laissé un peu de mun’h. Si tu aimes ça…
— Jèke est un homme précieux.
— Tu le connais ?
— Qui ne connaît pas Jèke le mendiant ?
— La direction est bonne ?
— Un peu trop à l’est. Je suppose que tu as pris cette piste pour éviter l’octroi ?
— L’octroi est loin derrière nous. Je me méfie surtout des contrôles de police.
— Tu as raison.
— Et puis je voudrais contourner le désert de Mocamédès par l’est.
— Tu ne pourras pas contourner le désert de Mocamédès.
— Pourquoi ?
— Parce que c’est là que nous allons !
— Bon… Là où ailleurs !…
Dennic ne montra pas son étonnement. Nora connaissait-elle le désert ? Après quelques dizaines de kilomètres dans les sables, toutes les pistes s’évanouissaient. Les lagunes étaient infestées de sauriens venimeux. Le ciel appartenait aux oiseaux maudits et l’atmosphère était sans cesse balayée par le gun’m, le vent pourri… Le vent censé donner la vie, d’après le Han’hrar, était peut-être le pire danger, car il apportait en réalité une maladie mortelle, appelée « peste du désert ».
Dennic n’avait aucune intention de traverser le Mocamédès. Mais il pourrait s’engager sur sa bordure orientale pour dérouter d’éventuels poursuivants. Ce serait même la seule solution s’il y avait une poursuite.
Nora l’interrogea sur l’autonomie des batteries. Il fit un calcul sommaire. Le camion avait passé toute la journée au soleil. Les accus étaient en principe chargés. L’autonomie devait être de cent cinquante kilomètres après le coucher du soleil. Si tout allait bien, le camion pourrait pénétrer dans le désert, aller jusqu’au bout de la piste. Mais pas question d’en chercher une autre pour ressortir avant le jour. Il faudrait passer la nuit en compagnie des jagchiens, des gapas, des u’hvons, des allinajas… Et si le vent pourri se mettait à souffler…
— Cent kilomètres ? fit Nora.
— Cent cinquante peut-être.
— Attends, je calcule.
— Tu veux dire que nous allons à un endroit précis ?
— Naturellement !
Un camion à vapeur, chargé de bois en grumes, arrivait en face. Le croisement des deux véhicules s’annonçait difficile. Dennic dut consacrer toute son attention à la conduite pendant plusieurs minutes.
L’opération effectuée avec succès, non sans échange de jurons et d’invocations douteuses, Dennic tourna la tête vers sa compagne, en gardant un œil sur la piste étroite et sinueuse.
— Je crois que tu voulais me donner une petite explication. C’est le moment.
— Dennic, je ne suis pas de Santa-Maria !
— Je m’en doutais.
— Je ne suis pas Virginienne.
— Oh ! ça se voit.
— Je ne suis pas espagnole, Dennic !
— Je l’avais compris. Ce n’est pas un crime. Je suis bien breton… né en Inde !
— Je suis née dans une île lointaine.
— Oui, tu me l’as dit, hier.
— Je m’ennuyais chez moi. Tout est trop facile, là-bas. Alors, j’ai voulu vivre quelques mois dans un monde plus austère. J’ai épousé un jeune homme d’une riche famille de Santa-Maria… et je suis devenue la femme de chambre de ma belle-mère. Bien sûr, c’était une expérience très intéressante : juste ce que je voulais connaître. Mais j’ai été vite fatiguée. Et il faut maintenant que je rentre chez moi. D’autant que j’ai… euh ! emprunté mon véhicule !
— Dans quelle mer se trouve cette île où la vie est si facile, Nora ?
— Je préfère ne pas en parler maintenant.
— En tout cas, nous ne prenons pas la direction de la côte.
— Mon véhicule n’est pas sur la côte.
— Où est-il ?
Elle esquissa un geste vague, vers l’avant, un peu à gauche.
— Par-là, camouflé dans la plaine, à la limite du désert.
— Camouflé ?
— Tu connais ces anciens pièges à guano, qui ressemblent à des carcasses de baleines ou je ne sais quoi ? Il y en a beaucoup dans cette région. Mon appareil a pris la place d’une de ces choses. Il dispose de moyens de camouflage très perfectionnés.
— Tu crois qu’il est encore où tu l’as laissé ?
— Oui.
— En bon état de marche ?
— Oui !
— Et tu t’attends à être poursuivie par la famille de ton mari, n’est-ce pas ?
— Oui !
— Ils vont essayer de nous rattraper ? Ou que vont-ils faire ?
— Ils vont essayer de nous rattraper.
— Tout de suite ?
— Je ne sais pas. J’en ai peur.
Dennic évita deux ou trois villages. La nuit venue, il reprit la route du Cap.
— Ils vont peut-être tenter de nous faire arrêter, dit Nora.
— Comment ?
— Ils ont pu prévenir la police des villages par télégraphe, puisque l’ancien programme ne reconnaît pas le téléphone. Mais le télégraphe suffit. Et il y a la garde routière motocycliste.
— Oui…
Dennic médita un instant sur cette situation insensée. Lorsqu’il avait répondu à Nora : « J’accepte ton choix », il avait eu conscience de s’engager dans une aventure dangereuse et cela ne l’avait pas retenu. Il ne regrettait pas d’avoir pris ce risque… Mais quelle force le poussait ? Peut-être sa haine de la Sainte Espagne Programmée ? Il avait méconnu ce sentiment qui, soudain, s’enflait en lui avec une vigueur et une sauvagerie tout à fait surprenantes.
Pourquoi haïssait-il la Sainte Espagne ? Il n’en savait rien et ce n’était pas le moment de s’interroger. Cette haine brutale et inexplicable attisait sa colère et soutenait son courage. Il était prêt à se battre. Et pas seulement pour Nora.
Un groupe de cavaliers apparut au milieu d’un virage : une dizaine d’hommes armés, montés sur autant d'équichams à crinière, sans doute occupés à préparer une embuscade. Ils n’eurent pas le temps de se rassembler.
— Tiens-toi ! cria Dennic à sa compagne. Je passe !
Il alluma les phares à pleine puissance, accéléra par petites secousses, donna un coup de volant à droite, un à gauche, puis encore à droite. Il passa en accrochant légèrement un cavalier. Aussitôt, plusieurs détonations éclatèrent. Sans ralentir, Dennic se pencha vers Nora, tira un verrou sous le siège.
— Tu es assise sur un petit arsenal. Est-ce que tu sais te servir d’un fusil ?
— Oui, enfin, je crois. Je veux bien essayer !
Le camion avait déjà pris plusieurs centaines de mètres d’avance sur les cavaliers qui n’insistèrent pas.
— À ton avis, ils nous attendaient ? demanda Dennic.
Nora fit un geste d’ignorance.
— Je pense qu’ils nous attendaient.
La jeune femme se pencha en avant, prit la gourde accrochée au tableau de bord et but longuement, avec adresse, en mouillant à peine ses lèvres. Dennic la regarda avec une certaine admiration.
— Je suis content que tu ne t’affoles pas.
— C’est toi qui t’affoles un peu, non ?
— On est passé, en tout cas !
— Félicitations pour tes réflexes.
— Il y aura d’autres barrages plus loin.
— On devrait trouver bientôt une petite route à gauche, dit Nora. Si je ne me trompe pas. Direction Carlosvilla… le dernier bourg de Virginie avant le désert. Il faudra tourner à droite à une dizaine de kilomètres de l’embranchement.
— Ta voiture est par là ?
— Qui t’a dit que c’était une voiture ?
— Un camion ?
— Non plus.
— Alors, c’est un chariot tiré par des chevaux ou des équichams. Tu l’as camouflé en piège à guano et tu as camouflé les chevaux en alligators !
— Il n’y a pas d’alligators dans cette région.
Dennic hocha la tête. Cette fille était une habile menteuse. Mais il s’en moquait. Ils roulèrent. La nuit était tombée. La lune ne se lèverait pas avant une heure ou deux. Dennic chercha devant lui la constellation du Chien debout, mais le ciel était encore trop clair.
« On roule vers le nord-est, songea-t-il. Carlosvilla est approximativement au nord-ouest. Le fameux véhicule, quel qu’il soit, doit se trouver plein nord… À moins qu’il n’ait jamais existé ! »
Nora avait sorti d’une poche de sa jupe un objet de forme hémisphérique et de la taille d’un demi-citron. Elle le faisait sauter dans le creux de sa main. Dennic distingua un cadran sur la partie plate. Au bout d’un moment, il comprit qu’elle se servait de cet instrument pour repérer une direction. Mais c’était quelque chose de plus compliqué qu’une boussole.
— Nous approchons, dit-elle.
— Passe-moi la gourde. J’ai soif. Rien que de penser à cette pourriture de désert !
Il but et demanda :
— Tu peux m’expliquer d’où tu sors cette espèce de pierre sacrée ?
— Quoi ? Ça, une pierre sacrée ?
— Qu’est-ce que tu veux que ça soit pour un pauvre Breton, comme moi ?
Elle consentit à rire.
— Ça fait partie de mon équipement.
Dennic soupira. Il devrait se contenter de cette réponse.
— Il y a des lumières derrière nous, dit-il sur un ton neutre.
Elle se retourna.
— Nous sommes poursuivis ?
— Peut-être.
Les lumières disparurent. Ils prirent une piste humide sur la gauche.
— Tout va bien ? demanda Dennic.
— Tout va bien, répondit Nora.
Le cri d’un u'hvon répondit à l’aboiement d’un jagchien. L’oiseau maudit du Han’hrar avait l’étrange particularité d’être à la fois diurne et nocturne. Son appel retentissait toujours d’une façon profonde et mystérieuse dans le cœur de Dennic. Ce soir-là, le jeune marchand vivait enfin la sourde révolte qui l’habitait depuis des jours et des années et qu’il n’avait jamais su ou jamais osé exprimer. Des sentiments secrets, perdus, enfouis, remontaient à sa conscience.
Il se posait ces questions folles qu’un bon géovien doit chasser avec zèle si par malheur elles lui viennent à l’esprit. Pourquoi le Pourri est-il voué à crever, alors qu’il symbolisait autrefois la vie ? Qu’est-ce qu’une chose ou un être maudit ? Que signifie maudire ? Pourquoi faut-il obéir au programme ? Géova, le dieu de la Terre, existe-t-il vraiment ? Tout cela l’excitait autant que la fuite et la poursuite. Autant que la présence de Nora près de lui…
Il se sentait enfin lui-même. En enlevant la jeune femme, il se vengeait de la Sainte Espagne. Il effaçait des années de passivité et d’humilité. Il exprimait sa haine de la société géovienne tout entière. Il se libérait d’un carcan.
Une nouvelle meute de jagchiens salua le camion de ses aboiements rauques et modulés. Cette fois, il n’y avait pas d’u’hvon pour répondre. La piste était maintenant défoncée sur toute sa largeur, coupée de fondrières, parfois envahie par la végétation. La crainte d’un accident commençait à hanter Dennic. Son excitation tombait. Les risques de l’aventure lui apparaissaient démesurés. La perspective de passer une nuit dans un véhicule embourbé, au bord du désert, avec les jagchiens autour, ne l’effrayait pas trop. Mais il y avait les insectes, les reptiles… Et le vent. Si le vent pourri se levait ? Et comment repartir au matin ? « Nos poursuivants auront tout le temps de retrouver nos traces ! »
Il ne regardait plus Nora. Il en avait assez de ses mensonges.
— Les voilà ! Ils sont derrière nous ! dit soudain la jeune femme.
Dennic ne répondit pas. Il leva les yeux vers le rétroviseur. Il repéra les phares des poursuivants. Deux, trois voitures… « Comment ont-ils pu ? Peut-être savent-ils où nous allons ?…» Il préféra ne pas se demander si sa compagne l’avait attiré dans un piège. Pourquoi ?
Elle lui serra le bras et il tressaillit.
— Est-ce qu’on peut quitter la piste ? On est très près, maintenant.
Dennic réfléchit deux ou trois secondes. Le sol était plat, caillouteux, assez sec en dehors des fondrières. Des touffes de buissons apparaissaient de temps en temps dans la lumière des phares. Il n’y avait pas de lagune en vue. On distinguait même, au loin, des cabanes de bergers. Par endroits, l’herbe semblait rasée par les moutons. Ou bien était-ce une illusion ?
« Nous frôlons seulement le désert, pensa-t-il. Nous avons une chance. C’est possible, mais le camion ne résistera pas longtemps ! » Il vérifia l’indicateur de charge des batteries.
— Très bien. Allons-y !
Il sortit de la piste, se lança sur le plateau. Les poursuivants hésitèrent avant de l’imiter. Ils perdirent un peu de terrain… qu’ils ne tardèrent pas à reprendre.
— Un peu à droite, dit Nora. Nous sommes à moins de dix kilomètres.
Vingt minutes peut-être ? Le camion ne pouvait pas rouler à plus de trente kilomètres à l’heure. Et c’était déjà beaucoup. Dennic songea à éteindre les phares ; mais les risques lui parurent trop grand pour un avantage incertain.
— Je vais passer à l’arrière avec la carabine, dit Nora. Tu prends le détecteur. Voilà… Je te montre. C’est simple. J’essaie de les retarder.
Dennic ne fit aucune réflexion. Il regrettait maintenant d’avoir ouvert la caisse d’armes, par bravade imbécile. Il n’éprouvait aucune sympathie pour ces foutus Espagnols programmés ; mais tirer sur les poursuivants, quels qu’ils fussent, était une folie. Une de plus : la pire de toutes. « Ça risque de nous coûter cher ! » La coutume de Bonne Espérance donnait le choix aux voleurs : la main tranchée ou les parties sexuelles brûlées au fer rouge. Pour un enlèvement avec mort d’homme, on ne devait pas échapper aux deux mutilations combinées, plus quelques autres guère moins intéressantes. Plus l’exposition publique, ce qui était un moindre mal, les dents arrachées, les yeux crevés… Dennic ne connaissait pas par cœur l’ancien programme et sa coutume. Mais ce qu’il en savait aurait dû le dissuader à jamais de mettre les pieds dans ce sacré pays.
À Géo vat ! Il écrasa l’accélérateur. La charge des batteries tirait à sa fin. Les phares pâlissaient. Sur le détecteur de Nora, un voyant bleu clignotait : cela signifiait sûrement qu’on approchait du véhicule. Quel véhicule ? À moins que cette fille eût inventé toute l’histoire.
Il évita plusieurs obstacles, en accrocha un qu’il ne put identifier. Il contourna un ancien piège à guano, pareil à un monstre endormi. Une volée de u’hvons décolla en jetant des cris aigres et furieux. Plus loin, il y eut un choc assez violent. Probablement un arbre mort, étalé sur le sol, que l’impact fit éclater. Le camion tomba dans un trou, s’éjecta sur son élan ; mais un amortisseur avait cédé.
Quant au chargement, Dennic était sûr d’en avoir perdu un bon quart. « Tant mieux, ça nous allège ! » Le moteur s’essoufflait… Une roue donna des signes de fatigue.
Un coup de feu claqua à l’arrière. Et un autre… Dennic connaissait bien la détonation brève et métallique de sa carabine, bien qu’il n’eût pas souvent l’occasion de s’en servir. Trois, quatre, cinq coups… « Cette idiote est en train de les canarder ! Nous sommes bons pour le fer rouge, le pal et d’autres choses de ce genre…»
Une fusillade lointaine répondit.
— Que le Pourri me maudisse ! fit Dennic à haute voix.
Cette invocation du Han’hrar eut sur lui un effet brutal et inattendu. Il se sentit tout de suite plus fort, plus vivant. Plus agressif aussi, prêt à se battre… Cramponné au volant de la main gauche, il plongea la droite dans la caisse d’armes, sous le siège. Non… Il retint le geste. Il expira très fort, comme pour se libérer du trop-plein de puissance qui montait dans sa poitrine, dans son sang et ses muscles.
Nora revint à la cabine par l’étroit passage qui traversait le camion dans le sens de la longueur.
— Quand nous aurons rejoint mon appareil, nous serons à l’abri, dit-elle.
Il la regarda.
— Oui.
Il la regardait. Elle était belle ainsi, rouge et échevelée. Il n’avait plus peur d’elle ni de leurs ennemis. Et si c’était un piège, il trouverait le moyen de s’en sortir, avec l’aide de Mr’gun !
Nora lui mit la main sur l’épaule.
— Quand nous serons dedans, ils ne pourront pas nous empêcher de partir, Dennic.
— Dedans quoi ?
— Dans mon appareil.
— Ah ? Si ton appareil est toujours là.
— Le… le détecteur indique qu’il est toujours là.
— En état de marche ?
— Oui, je crois.
— D’où viens-tu réellement, Nora ?
La jeune femme sourit.
— Tu le sauras bientôt.
Dennic pensa qu’il devrait abandonner son cher camion. Il n’avait pas le choix : c’était le petit chariot ou sa peau. « Les Espagnols programmés me paieront ça un jour ! »
Un projectile claqua sur la tôle.
— Ils approchent, dit Nora.
Elle reprit le demi-citron électronique à Dennic et poussa un cri de joie.
— Nous sommes presque arrivés. Ils ne nous auront pas !
Une volée de balles s’abattit sur le camion qui se mit à tanguer. Une roue crevée. Dennic prit un fusil à canon court dans sa caisse d’armes.
Il était prêt à disputer sa chance en combat rapproché. Avec l’aide de Mr’gun, le Seigneur pourri de l’ancienne Terre. Mais ce serait dur.