XII
Le juge Ti assiste à une bataille de
spectres ; une fugitive
est secourue par une Immortelle.
est secourue par une Immortelle.
Ti avait toutes les raisons de croire que des
êtres humains, et non des démons, se livraient à des activités
ténébreuses sous le pont de la rivière Pei. Outre sa conviction
d’enquêteur aguerri, jamais démentie quand on lui laissait le temps
de réfléchir posément, il disposait d’un indice évident avec cette
trace de main pleine de poudre verte.
Il aurait eu besoin de renforts pour courser les
trafiquants. Hélas, moins familiarisés que lui avec la pensée
pragmatique de Maître Kong, les soldats de la garnison allaient
avoir du mal à accepter sa version. Comment arrêter ces malfaiteurs
sans l’aide d’une force armée ? Il devait se débrouiller avec
la seule aide de Ma Jong, de Tsiao Tai et de Tao Gan. Cela n’était
pas beaucoup, même s’il ne s’agissait que de coincer un groupe
d’imposteurs et non des monstres affamés de cervelle humaine.
Ti réfléchit longuement à une solution. Quand il
eut trouvé, il prit son pinceau et dressa la liste du matériel dont
il avait besoin.
Tout était calme sur la rivière obscure. Ti
guettait depuis un moment lorsqu’il entendit des bruits sus pects.
Bien qu’on n’y vît goutte, il fut convaincu qu’il se passait
quelque chose. À la faveur des faibles rayons de lune, on devinait
tout juste les contours d’une petite embarcation, encore fallait-il
des yeux de chat ou une bonne dose d’imagination. Il décida de
mettre son plan à exécution.
Semblant surgir de nulle part, sa propre barque
s’illumina alors qu’elle était toute proche de l’arche
centrale : il venait d’enflammer les deux torches plantées à
la proue. Ayant cru remarquer, la fois précédente, que les démons
n’avaient guère de respect pour sa fonction, il avait pris soin
d’adopter un costume plus convaincant. Il rejeta le manteau qui le
recouvrait entièrement et se dressa dans toute la majesté d’un
mandarin des royaumes infernaux affecté au tribunal des âmes
perdues.
– Au nom des juges d’en bas, je vous somme
de vous rendre ! clama-t-il.
Il portait un masque aux traits furieux surmonté
d’un casque rutilant que ses épouses avaient eu la bonté de briquer
avec énergie. Son habit vert luisait comme s’il avait été mélangé
d’or. Il brandissait un long sabre constellé de taches sombres. Cet
accoutrement de magistrat d’outre-tombe lui avait semblé de
circonstance pour arrêter une goule échappée des enfers. Il voulut
se tenir sur un pied, à l’imitation des statues des temples, et
manqua de faire chavirer son esquif.
En guise de réponse, la dame blanche de l’autre
nuit jaillit à nouveau du néant, guère plus avenante que la
première fois. Il était heureux que Ti ne crût en d’autres génies
que celui de Confucius, car l’apparition avait de quoi ébranler la
conviction la plus solide.
Ce fut alors que se matérialisa sur le pont,
au-dessus d’eux, un nouveau visiteur lumineux. Sa face était celle
d’une tête de mort luminescente. Encore plus laid et menaçant que
la dame blanche, il était armé d’une lance et coiffé d’un
couvre-chef militaire au panache ébouriffé. Après avoir signalé sa
présence avec un bruit de crécelle macabre, il s’envola, plongea
sur sa concurrente comme s’il voulait s’en saisir, ce qui arracha
des cris d’horreur à la malheureuse. L’incarnation émaciée se mit à
décrire des arabesques dans l’air, comme pour provoquer la pauvre
fiancée des ténèbres, dont l’immobilité montrait qu’elle était
complètement désemparée.
Ce fut la panique sur la rivière. La vampiresse
flottante oscilla, puis s’enflamma comme une torche imbibée
d’alcool. Son « uuuuuuh » d’épouvante fut remplacé par
des bordées de jurons beaucoup moins surnaturels. Elle était en
train de rallier le monde souterrain au milieu des flammes qui la
dévoraient. Le juge Ti en conclut avec satisfaction qu’il était de
taille à effrayer les démones.
Lorsque les derniers lambeaux de la créature
tombèrent à l’eau, on put voir qu’elle ne marchait pas sur les
flots, mais qu’il y avait bien là une barque à fond plat où
s’agitaient plusieurs personnes fort occupées à empêcher leurs
vêtements de prendre feu.
Deux nouvelles embarcations s’approchèrent,
l’une conduite par Ma Jong, l’autre par Tsiao Tai, et prirent en
tenaille celle du fantôme brûlé. Elles l’éperonnèrent et une
bataille navale s’engagea de bord à bord. Cela vira au combat de
corbeaux dans un four à galettes. On se distribuait les taloches à
l’aveuglette en tâchant de ne pas frapper ses propres
acolytes.
Démasqués, les malfaiteurs n’avaient plus rien
de revenants éthérés. Les lieutenants du magistrat avaient
suffisamment servi dans les troupes, au cours d’une de leurs
nombreuses vies, pour comprendre qu’ils avaient affaire à d’anciens
soldats : seuls des professionnels maniaient ainsi la pique et
le glaive.
Privés de l’écran de fumée que constituait leur
poupée géante, les truqueurs perdirent l’avantage. Ils s’étaient
préparés à assommer des curieux, non à subir une attaque fomentée
avec soin. Sur le point d’être mis hors d’état de nuire, ils
sautèrent dans la rivière et s’échappèrent à la nage. Autant leur
barque était assez facile à situer, autant leurs têtes émergeant de
l’eau se fondaient dans le paysage. Ils s’évanouirent dans
l’obscurité encore plus sûrement que la fiancée morbide.
Tsiao Tai s’excusa depuis sa barque.
– Que Votre Excellence veuille bien nous
pardonner !
– Tant pis, dit le magistrat. Nous tenons
au moins la dépouille du fauve.
Il cria à Tao Gan qu’il pouvait arrêter d’agiter
son pantin lumineux : cette grosse poupée ridicule allait
finir par leur tomber dessus.
Son adjoint remonta la figurine tragique qu’il
avait confectionnée avec du matériel pour cérémonies annuelles
puisé dans les réserves du yamen. Il avait été lui-même surpris du
résultat qu’on pouvait obtenir avec du papier coloré et un lampion
grimé en guise de tête.
Une fois sur la terre ferme, Ti secoua son habit
pour en faire tomber la poussière brillante dont il l’avait
couvert. C’était une bonne utilisation de sa tenue règlementaire,
il en serait quitte pour la faire nettoyer.
Tao Gan les rejoignit avec son affreuse effigie.
Ti se félicita de s’être souvenu du nom de cette poudre qui
brillait dans le noir. Cela leur avait permis d’en asperger la
marionnette avant de la dresser sur la rambarde. S’ils avaient cru
posséder le monopole du mensonge et de l’entourloupe, ces bandits
connaissaient mal l’administration chinoise.
Quand les flambeaux furent rallumés, on
découvrit un minuscule sampan long et plat dont le centre était
couvert d’un toit de jonc tressé en demi-tonneau. L’installation
avait permis aux malfrats de préparer leurs petites affaires à la
lueur d’une lampe sans être aperçus. On en retira des vêtements,
des cordes solides et divers outils dont l’usage, au milieu des
flots, restait un mystère. Il y avait là des crochets, des anneaux
de métal, des chaînes, et même des pelles et des pioches.
Comme Ti ne voyait pas ce qu’on pouvait faire de
tout cela à la surface, il en déduisit que ces hommes plongeaient.
On aurait dit qu’ils tentaient de récupérer quelque chose. Ti
contempla les flots tranquilles et ténébreux. Qu’y avait-il
là-dessous ?
Lotus Blanc s’était fait le même raisonnement
que le sous-préfet : Grand Pied et Po le Futé n’étaient pas
venus achever Wou Chou. Dans un sens, c’était pire que cela. Ils ne
les lâcheraient pas, son mari et elle, tant qu’ils n’auraient pas
récupéré leur magot. La meilleure solution aurait été de s’enfuir,
si seulement l’amnésique avait pu faire un pas sans tituber. Et
puis il y avait Sable Lavé, qui encombrait. Impossible de s’en
aller sans son accord, elle maniait la trique avec plus d’habileté
qu’un chasseur de rats dans un grenier.
Si elle voulait sauver son mari, c’était à la
faveur de la nuit qu’il fallait agir. Dans la journée, il lui
serait plus difficile de tromper les deux imbéciles postés devant
sa porte, si aveugles soient-ils.
Dès que le soir fut venu, elle envoya la
servante acheter du thé vert de la Falaise des Fées, une spécialité
réputée pour ses vertus thérapeutiques. La boutique était située à
l’autre bout de Pei-Tchéou, elle lui interdit de revenir les mains
vides. Dès que la gêneuse fut dehors, Lotus Blanc expliqua au
blessé qu’il devait réunir ses forces pour s’évader : c’était
sa seule chance de sauver sa vie.
Elle lui fit endosser ses plus beaux habits –
c’était le moment d’utiliser la collection de panoplies dont il se
servait dans son métier d’escroc. Elle enfila quant à elle ses
anciens vêtements chamarrés de « dame pour accompagner les
messieurs qui s’ennuient » et l’entraîna dehors par la fenêtre
de derrière.
Dans tous les autres coins de la ville, le
coucher du soleil marquait le début du couvre-feu. Les boutiquiers
devaient poser leurs volets et des patrouilles hantaient les rues.
Mais ici, à la limite du quartier réservé, c’était différent.
L’activité ne cessait pas avec l’arrivée de la nuit, elle
augmentait. Les maisons de thé de toutes sortes avaient le
privilège de rester ouvertes jusqu’au matin. Il y avait beaucoup de
passage dans les trois ou quatre rues qui traversaient le hameau
des plaisirs. On entendait de la musique, des rires, des
exclamations. On pouvait y déambuler sans attirer l’attention des
riverains ni celle de la garde.
Wou Chou avait du mal à marcher, elle le
soutenait et même le portait à moitié. Ceux qui les croisaient les
prenaient pour une fille de joie qui emmenait chez elle un client
pris de boisson. Des passants leur lancèrent des plaisanteries
grasses.
Lotus Blanc tâchait de réfléchir tout en
avançant. Elle avait réussi à déjouer la surveillance des
guetteurs, fort bien. Mais pour aller où ? Elle se souvint
d’un marchand de nouilles, près du canal, qui lui devait un service
depuis longtemps.
Alors que le couple se dirigeait de ce côté tant
bien que mal, un petit groupe de fêtards s’intéressa à eux de plus
près qu’elle ne l’aurait souhaité. Un homme saisit Wou Chou par son
chignon, lui releva la tête et l’examina avec attention.
– Mais… ne serait-ce pas… Mais oui !
Notre éminent magistrat le juge Ti ! En pleine
réflexion ! s’exclama-t-il gaiment.
Tout le monde s’esclaffa. Lotus Blanc se dit
qu’elle avait bien fait d’affubler son mari de cette fausse barbe
noire. Cela lui conférait un air de sérieux et de respectabilité –
presque trop, étant donné l’incident. Les fêtards s’éloignèrent en
échangeant des propos irrespectueux sur le « père et mère de
la sous-préfecture ».
Les fugitifs atteignirent le canal plongé dans
l’ombre où se devinaient les silhouettes des barques amarrées le
long du quai. On entendait ici et là le ronflement du propriétaire,
un pêcheur ou un maraîcher, qui dormait à l’intérieur au milieu de
ses paniers.
Ils rallièrent enfin le débit de nouilles. Lotus
Blanc tambourina contre la porte.
– Qu’est-ce que c’est ? fit une voix
masculine peu amène.
– C’est ton petit litchi d’amour ! Je
suis avec… un ami !
Le fabricant de pâtes refusa de leur
ouvrir : il ne tenait pas une maison de rendez-vous.
– C’est mon mari, avoua-t-elle aussi bas
que possible. Nous avons besoin d’une cachette.
Après une hésitation qui dura mille ans, le
verrou glissa dans son logement et la porte s’entrebâilla. Gros Mao
les jaugea avec circonspection, puis se décida à les laisser
entrer.
– Il est saoul ? demanda-t-il en
voyant l’état du malade. Il ne va pas vomir chez nous, au
moins ? Pourquoi ne le ramènes-tu pas chez toi ? Tu veux
de l’aide pour le porter ? J’ai besoin de sommeil, moi, je ne
gagne pas ma vie sur le dos !
Il y avait là sa femme et d’autres membres de la
famille, qui logeait dans le corps de bâtiment situé derrière la
boutique. Lotus Blanc réalisa un peu tard qu’elle n’avait aucune
confiance en eux, mais elle était épuisée. On l’aida à conduire le
blessé dans un cagibi de la cour, où elle l’installa sur une
natte.
Elle réclama de l’eau et du linge pour soigner
le proscrit, qui était encore plus faible qu’elle. Au lieu d’obéir,
on les dévisagea comme s’ils étaient tombés de la lune.
– Pourquoi fuyez-vous ? dit Gros
Mao.
Lotus Blanc répondit qu’elle avait repoussé les
avances d’un capitaine du tribunal. Ce malotru avait fait rosser
son mari et menaçait de la jeter en prison.
L’épouse du restaurateur les observait d’un œil
suspicieux.
– Ce ne serait pas à cause du vol du
jade ? suggéra-t-elle.
– Si j’avais du jade, serais-je en train de
mendier l’hospitalité chez un ami très cher ? rétorqua Lotus
Blanc.
La logique de la réponse n’atteignit pas les
marchands de nouilles. Lotus Blanc les entendit discuter entre eux
dans son dos tandis qu’elle défaisait le pansement. Quand elle eut
retiré les bandes, elle se rendit compte que la petite famille
n’était plus aussi nombreuse qu’auparavant.
– Où est ton fils ? demanda-t-elle à
Gros Mao.
– Tiens, voilà de l’eau, dit sa femme en
mettant dans les mains de la visiteuse une petite bassine et un
chiffon.
Maintenant qu’elle posait des questions
gênantes, on songeait à l’aider. Quand elle demanderait s’ils
l’avaient vendue, elle aurait un matelas et des chaussons.
Certaine qu’ils avaient envoyé leur grand garçon
prévenir la garde, elle leur lança quelques insultes et fit lever
son mari pour s’en aller.
– Hé ! Reste là ! dit Gros Mao.
Nous ne sommes pas riches, nous ! Ta venue est un cadeau des
dieux !
Lotus Blanc entendait emporter le cadeau par la
rue du canal. Le restaurateur la fit tomber sur la natte, sortit du
cagibi et bloqua la porte derrière lui. L’amitié n’avait résisté ni
à la peur, ni à l’appât du gain.
La prisonnière se jeta contre la porte, appela,
supplia. Ces marchands n’avaient pas plus de moralité que leurs
nouilles. Elle rappela à son hôte le genre de service qu’elle lui
avait rendu – ce qui ne dut pas plaire beaucoup à son épouse.
Maintenant qu’elle avait besoin de lui, comment pouvait-il la
livrer au tribunal ?
– Pourquoi jouer du tambour ? dit
quelqu’un dans son dos.
Un peu remis, l’amnésique sortait de son
hébétude pour proférer des sottises. Ce fut le coup de grâce. Lotus
Blanc s’affala sur le sol, l’épaule contre la porte, et ne parvint
pas à retenir ses larmes.
Il y eut alors un bruit curieux de l’autre côté.
Elle perçut des cris, des pas précipités qui allaient dans tous les
sens, de brefs appels à l’aide bientôt éteints. La garde avait-elle
entrepris de battre tout le monde sans faire de détail ?
Qu’allait-il lui arriver, à elle qui avait ouvertement bravé les
injonctions du yamen ?
Le silence se fit.
– Lotus Blanc ? fit une voix.
– Je suis là ! répondit-elle sans
réfléchir en frappant du plat de la main contre le battant.
Il y eut un choc. La porte n’était plus fermée,
la personne qui se tenait dans la cour avait fait tomber le madrier
qui la coinçait.
Tout à coup, Lotus Blanc fut reprise par
l’angoisse. Et s’il y avait là Grand Pied, Po le Futé ou elle ne
savait qui, acharné à leur arracher ce jade maudit ?
Ce fut Sable Lavé qui se dressa devant elle dans
la lueur des lanternes. Son regard était différent. Lotus Blanc
avait eu maintes occasions d’avoir peur, au cours de cette nuit,
mais ce fut à cet instant qu’un frisson d’appréhension parcourut
son dos. Ces yeux fixes, cet air déterminé avaient quelque chose
d’épouvantable. Et puis les vêtements sombres et serrés qu’elle
avait enfilés faisaient davantage penser aux assassins
professionnels qu’à l’humble petite servante qu’elle avait
engagée.
La cour était jonchée de corps gémissants, plus
ou moins immobiles. Si tous n’étaient pas assommés, du moins aucun
n’osa-t-il se relever.
– Tu les as… dit Lotus Blanc.
– Oh, ce ne sont que des marchands de
nouilles, dit Sable Lavé, comme si n’importe quelle servante avait
été en mesure de jeter au tapis n’importe quel commerçant obèse,
même assisté de tous les siens.
Les deux femmes aidèrent Wou Chou à se
redresser. Lorsqu’il vit les gens étendus, il eut le réflexe de se
protéger la tête avec les deux mains, comme si les coups allaient
s’abattre sur lui. Lotus Blanc n’eut pas le temps d’y prêter
attention. Si elle l’avait fait, elle aurait pu en déduire que les
souvenirs commençaient à lui revenir.
Dans la salle qui ouvrait sur la rue, ils virent
d’autres membres de la maisonnée, que leur amie avait frappés
encore plus fort. Lotus Blanc fut incapable de dire si Gros Mao se
relèverait.
Les trois ombres quittèrent la maison et
s’éloignèrent aussi vite que possible. Plus elles se pressaient,
plus Wou Chou se laissait porter. C’était éreintant.
– Nous sommes perdus, dit Lotus Blanc. Où
aller ? La garde ne va pas tarder, elle nous tombera dessus
comme des corbeaux sur un âne mort.
Déjà, on entendait les bottes des soldats qui
battaient le pavé. Au lieu de bifurquer vers l’intérieur de la
ville, Sable Lavé les poussa dans une barque couverte qui, par
chance, était vide. La patrouille menée par le fils Mao passa tout
près d’eux sur la berge, sans les voir. Elles entendirent les
miliciens pénétrer chez le fabricant de pâtes. Le garçon poussa des
cris stridents. Il se produisit un remue-ménage. Des ordres furent
lancés. Un soldat sortit au pas de course et disparut au coin de la
rue.
Sable Lavé se glissa hors de leur abri pour
dénouer la corde qui retenait la barque. Elle parvint à la faire
avancer lentement vers le mur de fortification en briques qui
coupait le canal. Ils ne pouvaient pas quitter la ville à cette
heure-là à cause de la grille, que l’on fermait chaque soir, mais
ils pouvaient se dissimuler sous les saules pleureurs de l’autre
rive, où personne ne viendrait les chercher avant le matin.
Wou Chou s’était endormi. Lotus Blanc constata
qu’ils n’étaient pas là par hasard. La servante avait tout
prévu : elle tira du fond de la barque un sac où elle avait
entassé quelques affaires prises chez eux. Lotus Blanc ignorait ce
qu’il contenait en tout, mais il y avait au moins du linge et des
biscuits.
Elle savait à présent qui était Sable Lavé. Elle
n’était ni une servante, ni une garde-malade, ni une espionne du
tribunal.
Elle était une Immortelle envoyée par Déesse
Mère de l’Ouest.