CHAPITRE XV

Marc vida son gobelet et s'exclama :

-Allons voir notre ami! Quelques explications ne seraient pas inutiles.

Yuko approuva. Elsa dormait encore, récupérant des fatigues de son emprisonnement et... de ses retrouvailles avec son amant.

Lorsqu'il pénétra dans la vaste salle au dôme illuminé, la pensée étrangère frappa les neurones de Marc :

-Bonjour, ami, je suis heureux de te sentir reposé et détendu.

-Merci! Veux-tu répondre aux questions que je me pose?

-Je suis conditionné pour obéir aux stimulations psychiques si elles sont suffisamment intenses.

-Depuis quand cette base existe-t-elle.

-En temps local, les maîtres ont atterri il y a 2854 années, trois mois, douze jours...

-Fais-moi grâce des secondes, ironisa Marc.

***

-Je ne peux qu'être précis! En trois mois, ils ont construit cette base, dont tu n'as encore découvert qu'une partie. Puis ils ont installé ce grand cristal. Il est chargé de retransmettre les émissions psychiques qu'il reçoit à tous les fragments de quartz dissimulés dans la colline.

-Dans quel but?

-Les maîtres étaient en guerre contre une autre planète, et ils enfermaient ici les ennemis captifs. Il n'y avait aucun besoin de les surveiller, les quartz disséminés un peu partout suffisaient pour s'assurer de leur obéissance.

-Ainsi, tout cela n'était qu'un simple camp de prisonniers !

-Plutôt le centre de ravitaillement et de commandement. Les captifs habitaient à l'extérieur, dans des baraquements que le temps a détruits. Il y a eu jusqu'à dix mille personnes dans cette base.

Une certaine fierté était perceptible dans cette pensée,

-Un jour, poursuivit le robot, de nombreux astronefs se sont posés et la base a été évacuée. Un armistice avait été conclu entre les belligérants. Comme il pouvait n'être que provisoire, j'ai été laissé ici pour garder les lieux. Mais les maîtres ne sont jamais revenus. Il y a deux ans, j'ai perçu par l'intermédiaire des quartz des embryons de pensées, comme avec les prisonniers d'autrefois. Aussitôt., j'ai réactivé, le cristal et repris mes émissions ordonnant d'obéir. Quand j'ai perçu ton appel, j'ai cru que les anciens maîtres revenaient ; mais j'ai, vite réalisé que tu étais différent.

-Comment est-il possible que cette base existe encore après vingt-huit siècles ?

-Le générateur dispose d'énergie pour encore deux mille ans, et j'assurais l'entretien. Il fallait que les maîtres trouvent tout en état à leur retour.

Marc réfléchissait à l'importance d'une telle découverte.

-Peux-tu contacter tes maîtres?

-Non. Je n'ai reçu aucun programme le permettant.

-Sais-tu au moins où est leur planète?

-Même réponse. Je ne suis qu'un robot domestique.

Un petit rire échappa à Marc.

-Singulièrement efficace, pourtant. Comment as-tu provoqué l'éboulement à la galerie?

-Lorsque je le veux, je peux exciter certains quartz jusqu'à ce qu'ils explosent. Vingt-cinq ont suffi pour barrer la route à tes agresseurs.

-Et pour nous ouvrir le chemin jusqu'ici ?

-J'ai utilisé le même procédé, mais j'ai dû agir avec douceur et prudence!

-As-tu la possibilité de nous faire sortir d'ici ?

-Ce sera très facile. Il existe une issue de ce côté de la caverne.

-Comment se peut-il qu'on ne l'ait jamais remarquée de l'extérieur?

-Ce n'est pas à proprement parler une porte. C'est fondé sur le principe de la dissociation moléculaire transitoire et...

Le robot cessa brusquement ses émissions. Avant que Marc puisse s'étonner, il reprit:

Curieux! Je perçois un appel... Très intense... J'ai cru un instant que c'était un vrai maître... Il n'en est rien... C'est à toi qu'il est destiné.

Marc concentra son esprit, les yeux clos.

-Je ne perçois rien!

-Le cristal en est responsable. Il absorbe les émissions qui ne s'accordent pas à sa fréquence. Au reste, nous n'allons pas tarder à être fixés.

Deux minutes plus tard, une silhouette poussiéreuse émergeait de la faille menant à la galerie. Un instant, Marc douta de ses sens.

-Ray ! Ray ! hurla-t-il ensuite.

La silhouette tressaillit comme si elle avait heurté une ligne électrique puis se rua en avant.

-Marc! Enfin! J'ai eu vraiment peur...

Le Terrien ne s'étonna pas de cette manifestation de sensibilité incongrue pour androïde. Ray n'était pas une simple mécanique, il en était persuadé et en avait eu maintes fois la preuve.

-Comment es-tu arrivé ici?

-J'ai remué des tonnes de rochers, en m'attendant chaque seconde à découvrir ton corps écrasé! Je n'ai jamais été aussi inquiet de mon existence!

Elsa, fraîche et détendue, arriva sur ces entrefaites. Elle poussa un cri de joie en reconnaissant Ray.

-La famille est au complet, sourit-elle.

Pressé de questions par Marc, son ami fit un récit détaillé de ses tribulations depuis l'instant où Paul Steeman l'avait réactivé.

-Neuman a été très coopérant, remarqua le jeune homme.

-Machiavélique, s'amusa Elsa. Il ne pouvait intervenir directement mais savait que Ray tenterait de te retrouver même en employant des moyens illégaux.

La pensée du robot intervint à cet instant.

-Attention, amis. Je perçois plusieurs ondes psychiques très faibles. Des créatures humaines... à l'entrée de la galerie... De la peur... De la haine... Je crois que ce sont des policiers... Ils ont ordre de tuer sans sommation... Tous ceux qu'ils rencontreront...

Ray fut le premier à réagir :

-Fersen, ou plus probablement Carole... Elle a lancé le capitaine Ling sur mes traces! Nous ne pouvons les laisser arriver ici. Veux-tu que je les élimine? Avec mon désintégrateur, ce sera facile.

-Ils ne sont pas responsables et il y a eu assez de morts, refusa Marc. Et puis il y a une autre solution...

S'adressant au robot, il demanda:

-Peux-tu provoquer un nouvel éboulement, qui bloquerait la faille par laquelle nous sommes arrivés ?

-Naturellement ! C'est l'affaire d'une minute.

Un grondement sourd ne tarda pas à retentir.

-Le chemin est bloqué, annonça le robot.

-Merci, dit Marc. Préviens-moi lorsqu'ils se seront éloignés.

Elsa, le visage soucieux, s'inquiéta:

-Qu'allons-nous faire? Si j'ai bien compris, Angus Shore, la police et même le gouverneur sont contrôlés par nos adversaires. Et le Neptune est aux mains d'une fripouille!

Ce fut Ray qui eut une idée.

-Maintenant, nous pouvons demander l'aide de la Sécurité Galactique. Cette base étrangère est un élément qui échappe au seul gouverneur et relève directement du ministère des Affaires Galactiques.

-Excellent, jubila Marc. Tu seras nommé diplomate d'honneur !

Elsa doucha son bel optimisme en objectant:

-Comment contacter Neuman? Tous les émetteurs subspatiaux sont sous la coupe de ces bandits !

-J'ai une amie qui pourra nous dépanner, sourit l'androïde. A la nuit tombée, si la voie est libre, nous lui rendrons visite. Nous n'avons qu'à attendre quelques heures.

-Profites-en pour examiner les lieux et enregistrer toutes les données. Discute aussi avec notre ami et essaie d'obtenir le plus de détails possible. Cela intéressera les spécialistes.

Elsa intervint alors avec un discret sourire, en prenant la main de Marc :

-Puisque nous avons plusieurs heures à attendre, j'ai une idée très précise sur la meilleure manière de les occuper!