-Merci pour la balade!

-N'oubliez pas ! Vous serez toujours le bienvenu chez nous ! Je veux pouvoir régler ma dette.

-Ne vous faites aucun souci : pour ce genre de chose, j'ai une mémoire d'éléphant!

L'androïde regarda le trans s'éloigner, puis il repéra sans difficulté les bâtiments qui abritaient les services de police. Un flic à la tenue aussi négligée que celle du premier, à l'astroport, le reçut avec un grognement.

-Le capitaine doit signer votre permis de séjour. Son bureau est au fond du couloir.

Ling était gros, avec une figure ronde et une calvitie débutante. Sa chemise ouverte laissait voir un torse velu. Sur son bureau encombré de dossiers trônait un cristal brillant, de bonne taille, qu'il regardait fixement. Il eut de la peine à s'arracher à la contemplation du minéral pour apposer distraitement un paraphe sur la feuille que lui tendait Ray.

-Vous devez revenir dans quinze jours. D'ici là, trouvez du travail si vous ne voulez pas crever de faim. Nous n'avons que faire des inactifs !

De retour dans la rue, le robot hésita un instant. Logiquement, Marc avait dû se rendre aux bureaux de la Compagnie Swenson.

Une brune secrétaire l'y accueillit avec un sourire. A sa demande elle répondit:

-Vous souhaitez travailler? Très bien. Que savez-vous faire?

-Tout! Si c'est bien payé...

La jeune femme resta silencieuse une longue minute, examinant les papiers de son interlocuteur.

-Vous avez été expulsé de la Terre, monsieur Kase. Pourquoi?

-Une erreur de jeunesse un peu prolongée. Si j'avais commis une faute lourde, j'aurais été envoyé sur un satellite-bagne.

-C'est possible, mais avec un tel casier judiciaire, il vous sera difficile d'être engagé où que ce soit. Toutefois, je pourrai peut-être vous trouver un travail. Revenez demain matin.

Le soleil chauffait durement la rue.

« Avec une telle chaleur, Marc n'a pu que souhaiter boire un verre », songea Ray.

Sans hésiter, il traversa donc la chaussée et pénétra dans le bar. Une blonde au visage triste officiait derrière son comptoir. L'arrivant se hissa sur un tabouret et commanda un whisky. Dans la salle, seules quelques tables étaient occupées. A l'une d'elles, trois consommateurs parlaient fort. L'androïde nota que celui du milieu arborait un magnifique coquart, souvenir tangible d'une bagarre récente.

A l'instant de payer le verre que lui amenait la barmaid, il murmura:

-Je cherche un ami. Grand, brun, beau garçon. Il est passé ici, il y a trois ou quatre jours.

La fille jeta un regard inquiet sur les trois buveurs en rétorquant :

-Je ne sais rien ! Fichez-moi la paix.

Il était manifeste qu'elle mentait. Enfin une piste ! Mais avant qu'il puisse poursuivre, une main se posa sur l'épaule de Ray. Le type au coquard, qui lança:

-Chasse gardée, mon vieux ! Ellen est ma propriété !

-Je n'appartiens à personne ! renvoya la blonde.

-Dans quelques jours, je vais toucher une sacrée prime, et j'ai juré de la dépenser avec toi!

Se tournant vers Ray, l'autre ajouta:

-Tu ferais mieux de filer, sinon mes copains et moi, nous nous chargerons de te faire sortir.

Le robot n'avait aucun désir de provoquer une rixe qui risquait d'entraîner des complications avec la police locale.

-Inutile de s'énerver, je ne faisais que passer.

Ellen parut déçue du peu de combativité de ce solide gaillard.

Ray fit quelques pas à l'extérieur puis s'adossa à un mur. Il ne lui restait qu'à attendre la sortie de la fille!

Sherman arpentait le bureau de Fersen d'un pas nerveux comme s'il avait voulu creuser une tranchée dans le sol.

-Mauvais ! Très mauvais ! Cette affaire a été conduite d'une manière lamentable. Un gâchis grandiose !

Fersen, très rouge, adoptait un profil bas. Il écumait de rage de devoir ainsi subir les sarcasmes de son interlocuteur.

Assise dans un fauteuil, ses jambes croisées dévoilant ses cuisses parfaites, Carole fumait un petit cigare. Elle intervint d'une voix calme:

-N'exagérons rien, monsieur Sherman. Les événements n'ont pas suivi le cours que nous souhaitions, mais le pire a été évité. Demain, mon estimé patron, Angus Shore, publiera un communiqué annonçant que Mlle Swenson et le capitaine Stone ont trouvé la mort dans un regrettable accident. Comme ils n'ont pas d'héritiers directs, le règlement de la succession traînera pendant des années. Bien que minoritaire, vous reprendrez la direction de votre banque puisque "vous êtes le seul initié. Cela vous laissera le temps d'acheter en sous-main les actions qui vous manquent.

Sherman cessa son va-et-vient nerveux. Son visage se décrispa.

-Exact! La partie est jouable.

-Il en sera de même pour M. Fersen. En attendant les experts officiels, nous disposerons d'au moins deux ans pour tirer de la mine le meilleur des diamants. Nous aurons fait fortune avant que les tribunaux aient pris une décision !

Le financier hocha la tête.

-Je vais rester sur mon yacht quelques heures pour enregistrer les réactions à votre communiqué. Naturellement, nous ne nous sommes jamais rencontrés !

Sherman parti, Fersen emplit deux verres et en tendit un à Carole, qui décréta d'une voix sèche:

-Il faudra mettre une équipe au travail aussi vite que possible. Notre histoire ne sera vraiment acceptée que si nous pouvons exhiber les corps de Swenson et de Stone, et il serait désagréable que la Sécurité Galactique fourre le nez dans nos affaires.

-Tu as localisé leur dernier agent?

-Je le pense.

-Qui est-ce?

-Ellen, la fille du bar!

-Je ne peux pas le croire!

-Réfléchis! Son mari est mort l'année dernière dans un accident que nous avons un peu aidé. Pendant quelques semaines, elle a ameuté toute la ville, à un point tel que j'avais envisage de l'éliminer. Et puis soudain, elle s'est tue et est devenue serveuse du bar.

-Elle ne peut être d'aucune utilité, là-bas.

-Erreur ! Tes employés ont la fâcheuse habitude de passer leur temps libre dans ce bistrot. Or, ils sont très bavards. C'est le meilleur endroit pour recueillir tous les potins.

-Qu'envisages-tu?

Un sourire froid fleurit sur le visage de la jeune femme.

-Je pense qu'il lui arrivera très vite un accident. J'ai seulement besoin d'un peu de temps pour y réfléchir. Ne t'inquiète pas, ce sera bientôt réglé.

-N'oublie pas de me recruter quelques hommes. Mes pertes ont été très lourdes, et j'ai dû promettre de grosses primes aux survivants.