CHAPITRE XXI
En grand uniforme, Marc comparaissait devant la commission de non-immixtion qui avait souhaité l'entendre dès son retour sur Terre. Marc pestait intérieurement contre cette formalité, car elle retardait sa permission.
La Commission était dirigée par le Président, assisté de Neuman et de Khov. Cinq sénateurs en étaient membres. Une fois de plus, Marc fit le récit détaillé de ses aventures, passant seulement sous silence ses débordements sentimentaux. Tout en parlant, il songeait à l'air qu'auraient pris ces austères censeurs s'ils avaient pu savoir. Son ultime tête-à-tête avec Mina avait été d'autant plus houleux que la jeune femme avait pressenti qu'il était le dernier. Le souper avec Burk avait aussi été très agréable. Il était manifeste que la jeune Nala lui avait ouvert des horizons qu'il ne tarderait pas à mieux explorer... Marc conclut sa déposition en disant : -Estimant ma mission terminée, j'ai abandonné le château au milieu de la nuit et ai regagné le Neptune avec mon androïde.
Un sénateur maigrichon, au visage ridé, posa la première question.
-Dans la forêt, lorsque l'araignée a capturé votre robot, pourquoi avoir pris le risque de la combattre et refusé d'appeler votre module ?
Marc feignit de ne pas voir le regard ironique de Khov, qui n'ignorait rien des liens d'amitié qui l'unissaient à Ray.
-Si j'avais ainsi capitulé et regagné le Neptune, j'aurais été contraint d'abandonner ma mission car le règlement interdit à un agent isolé de se rendre sur une planète primitive. Le service aurait donc été oblige d'envoyer une autre expédition, avec tous les frais que cela comporte.
Ce rappel des économies réalisées souleva l'approbation générale. Le vieillard reprit d'un ton plus sec :
-Il est regrettable que vous n'ayez pu convaincre le Président des Trikans de nouer des relations avec la Terre.
-Je le déplore également, mais je ne pense pas qu'un meilleur diplomate aurait réussi là où j'ai échoué.
-Qui vous dit qu'un jour, ils n'attaqueront pas une de nos planètes ?
-Je ne puis donner qu'une impression. J'ai nettement senti qu'ils souhaitaient la paix. S'il en avait été autrement, ils n'auraient eu aucune difficulté à détruire mon astronef.
Un autre des assistants, au visage rougeaud, grogna :
-Pourquoi ne pas avoir expédié une bordée de missiles sur les deux vaisseaux qui vous attaquaient ?
-Je devais d'abord me débarrasser de ceux qui me poursuivaient.
Neuman intervint avec une calme assurance.
-Le capitaine Stone a remarquablement manoeuvré.
Le Président approuva aussitôt.
-L'existence de ces Trikans ainsi que toutes leurs caractéristiques seront entrées dans nos ordinateurs. Puisqu'ils vivent plus de mille ans, nos descendants auront sans doute l'occasion de les rencontrer... Nous pouvons clore cette séance, après avoir félicité le capitaine Stone pour son action courageuse dans le respect de nos lois ! (Avec un demi-sourire, il ajouta :) Lors de votre précédente comparution devant cette commission, il avait été formulé le souhait que vous soyez élevé au grade supérieur. Nous renouvelons ce voeu en espérant que cette fois, il sera suivi d'effet.
Dans le grand hall du ministère des Affaires Galactiques, où s'était tenue la réunion, Marc fut rejoint par Neuman et Khov.
-Vous avez été parfait, capitaine, déclara l'amiral. J'ai toujours pensé que vous perdiez votre temps au S.S.P.P. Intégrez mon service, et en quelques années, vous parviendrez à une haute position.
Khov n'appréciait guère les tentatives que faisait périodiquement Neuman pour lui souffler Marc. Il s'efforça de grimacer un sourire en s'emparant du bras de Stone.
-Je l'ai, je le garde. S'il suivait vos conseils, vous l'enverriez rapidement se faire tuer dans un coin quelconque de la Galaxie. Tandis que moi, je lui choisis des missions sans danger.
Il s'interrompit devant l'air hilare de ses interlocuteurs.
-Rassurez-vous, mon général, sourit Marc, je resterai au S.S.P.P. Je n'ai aucun goût pour déjouer les intrigues complexes des criminels. Je préfère courir sur des montures variées des chemins mal pavés, donner et surtout recevoir de grands coups d'épée. Cela permet de rencontrer des gens extraordinaires et de nouer des amitiés solides bien que brèves.
-Je vous comprends, soupira Neuman. Mais si jamais vous changez d'avis, vous savez où me joindre.
L'amiral s'éloigna à grandes enjambées. Marc en profita pour glisser :
-Nous sommes vendredi, puis-je disposer de mon week-end ?
-Je suis désolé, mon garçon, mais j'ai encore de nombreuses questions à vous poser. Or, dès lundi, d'autres problèmes m'appelleront.
Ils sortirent du bâtiment et restèrent un instant immobiles sur le trottoir, regardant la circulation, très dense à cette heure. Une jeune femme se tenait adossée à un luxueux trans garé en stationnement interdit.
-Bonjour, général ; bonjour, Marc chéri.
-Mes hommages, miss Swenson, grogna Khov.
Elsa Swenson était une très jolie brune aux yeux
d'un vert resplendissant. De plus, elle avait la caractéristique d'être la femme la plus riche de la Galaxie.
Il n'était plus un secret pour personne que Marc et elle entretenaient les meilleures relations. Prenant les devants, Khov poursuivit :
-Je suis navré, mais je dois m'entretenir longuement avec le capitaine Stone.
-C'est ce que j'avais présumé. Aussi ai-je pris la liberté d'inviter la générale à passer le week-end sur mon îlot dans le Pacifique. Ainsi, vous aurez deux jours pour parler travail, messieurs...
Khov voulut répondre, mais Elsa reprit :
-La générale se fait une joie de ce week-end. Elle serait très déçue si vous refusiez. Elle m'a confié qu'elle vous trouvait très fatigué, en ce moment, et elle pense qu'un petit séjour au bord de la mer vous sera fort salutaire.
Khov rougit violemment et tenta encore de protester.
-Il me faut rester en contact avec mon service.
Elsa balaya l'objection d'un geste négligent de sa longue main fine.
-Je dispose de moyens de communications presque aussi perfectionnés que ceux de votre service. N'oubliez pas que je dirige un empire financier qui s'étend sur toutes les planètes de l'Union Terrienne !
Bien qu'à bout d'arguments, Khov hésitait encore.
-Pressez-vous, lui dit Elsa. Un chauffeur est passé prendre la générale, et je ne voudrais pas qu'elle attende à l'astroport. Mon hélijet est paré. Il nous conduira à destination en moins de deux heures.
Tandis que Khov s'installait finalement dans le trans, Elsa effleura les lèvres de Marc d'un rapide baiser.
-J'avais hâte de te revoir, murmura Marc.
-Moi aussi ! Aussi ai-je trouvé stupide de perdre tout un week-end. Rassure-toi, la générale se chargera de neutraliser son mari. Elle paraissait très émoustillée à l'idée de cette escapade.
-Je lui fais confiance, sur ce chapitre, sourit Marc.
Le trans piloté par Ray démarra rapidement. Elsa ouvrit le petit bar et servit un scotch à ses invités. En levant son verre, elle demanda à Khov :
-Vous qui lisez les rapports de vos agents, pensez-vous que Marc me soit fidèle ?
Tandis que Marc sentait ses joues s'empourprer, le général répondit avec une ironie féroce :
-Souvent, miss Swenson, souvent !