CHAPITRE XX
Le soleil n'était levé que depuis peu lorsque Marc et Ray franchirent les portes de Sila. Le module les avait déposés à peu de distance avant le lever du jour.
Malgré l'heure matinale, les rues étaient animées car c'était jour de marché. Les Terriens flânèrent au hasard des ruelles, constatant combien l'atmosphère avait changé depuis leur première arrivée avec le convoi de prisonniers.
-Allons au château, décida Marc.
La sentinelle de garde au pont-levis fit quelques difficultés pour les laisser entrer, mais par chance, l'officier de permanence était un des anciens esclaves évadés.
-Messire Marc ! Quel bonheur de vous revoir sain et sauf. Je fais prévenir immédiatement Sa Majesté. En arrivant dans l'antichambre du roi, Marc croisa trois ou quatre courtisans qui le saluèrent avec forces démonstrations d'amitié, masquant le déplaisir qu'ils ressentaient en voyant apparaître un concurrent dangereux.
La porte s'ouvrit, et Burk s'élança à la rencontre de son ami, le visage joyeux.
-Messire Marc ! Venez vite ! Je m'apprêtais à déjeuner. Partagez mon repas.
Le jeune souverain donna des instructions à deux valets et fit signe à Marc de s'asseoir en face de lui. En quelques jours, Burk s'était métamorphosé. Il avait pris des couleurs, et ses joues paraissaient plus emplies. Comme Marc lui en faisait compliment, il éclata de rire.
-L'avantage du métier de roi est qu'on mange tous les jours sans avoir à se soucier du lendemain. Enfin, pas trop...
Il expliqua qu'il avait constitué un conseil comportant le connétable et plusieurs nobles.
-J'ai nommé un prévôt, un Garde des Sceaux et un Grand Argentier. Celui-là, je surveille ses comptes attentivement. Mais parlons de vous !
-Je voulais vous dire que le roi Warga était bien mort. Il a péri dans le château de Sark qu'un violent orage a détruit. Là-bas, il n'y a plus que quelques hommes d'arme sans chef. Vous pouvez donner ce fief à un de vos barons. Cependant, il serait préférable d'utiliser une route qui contourne la forêt.
Tout en mangeant force tranches de pâté en croûte et de rôtis, il décrivit à Burk les créatures de cauchemar qu'il avait rencontrées.
-Vous seul, Messire Marc, pouviez vaincre de tels périls.
Les valets ayant fini de desservir, le roi leur fit signe de se retirer. Le visage grave, il fixa Marc.
-Le danger Warga étant dissipé, je pense que mon règne pourra se poursuivre pendant des années si je ne fais pas trop de bêtises. C'est, à vous, messire Marc, que je le dois. Quel poste souhaitez-vous occuper ? Je vous les offre tous de grand coeur.
Marc secoua doucement la tête.
-Je ne suis revenu que pour vous annoncer la disparition de Warga. Maintenant, je dois retourner chez moi.
Burk dévisagea longtemps Marc en silence. Nostalgie, tristesse de perdre un ami, il était facile de lire dans son esprit.
-Qui etes-vous réellement, messire ? murmura-t-il enfin. (Avant que Marc réponde, il poursuivit :) Ne me parlez pas des pays à l'est. On n'y trouve que des tribus sauvages. Il serait impossible à quiconque d'y acquérir toutes vos connaissances. (Ironique, il conclut :) Votre explication pouvait satisfaire mes barons, mais pas un petit voleur déluré comme moi. Je connais trop les hommes !
Marc n'hésita guère.
-Vous serez un très grand roi ! J'ai trop d'estime pour vous mentir, seulement je vous supplie de tenir notre conversation secrète. En révéler la teneur vous causerait de grands dommages car nul ne vous croirait ! Je viens effectivement d'un pays très lointain. Encore plus "lointain que vous ne pourrez jamais l'imaginer. Je n'appartiens pas à votre monde. Ma planète tourne autour d'un de ces points brillants, dans le ciel, qui sont autant de soleils.
-Et Warga ?
-C'est aussi une créature étrangère. Il a été éliminé, et c'est bien ainsi. Vous poursuivrez votre évolution sans intervention extérieure. Qui sait si dans des siècles et des siècles, vous aussi ne vous lancerez pas à votre tour à la conquête du ciel ?
L'enfant posa sa main sur le bras de Marc.
-Merci, ami, de m'avoir parlé franchement. Je suis triste de vous voir partir, mais en regardant les étoiles, je penserai à vous.
Un valet fit son apparition et annonça :
-Les personnes que vous avez mandées sont arrivées. Elles sont à vos ordres, Monseigneur.
-Qu'elles entrent !
Burk éclata de rire et prit familièrement le bras de son ami.
-J'avais deviné que vous annonceriez votre départ, aussi je voulais vous faire une petite surprise.
Dame Mina et Nala firent leur apparition. Très intimidées, elles s'inclinèrent profondément.
-Dame Mina, je voudrais que vous alliez dans l'appartement de messire Marc pour l'aider à faire son choix parmi les étoffes que j'y ai fait porter. Pendant ce temps, Nala me tiendra compagnie.
Avec un clin d'oeil, il murmura à Marc :
-Même un roi a besoin de compléter son instruction. Avec Nala, je ne risque aucun incident diplomatique ! Nous souperons ensemble, et je vous conterai mes exploits !
Marc saisit le bras de Mina radieuse et la conduisit dans sa chambre. A peine s'il perçut l'appel bougon de Ray.
-Je retourne en ville filmer des scènes de la vie quotidienne. Ainsi, je n'aurai pas à censurer mes enregistrements. Tu sais que les technocrates détestent ce genre de manifestations sentimentales.
Aussitôt la porte refermée, Mina se suspendit au cou de Marc. C'est elle qui le poussa avec fermeté vers le lit. Puis deux lèvres fraîches s'écrasèrent sur celles du jeune homme tandis que des doigts agiles dégrafaient son pourpoint.