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Si un enfant qui naît, c’est un miracle, un enfant handicapé, c’est un miracle à l’envers.
Le pauvre Mathieu ne voyait pas bien clair, il avait des os fragiles, les pieds tordus, il est devenu très vite bossu, il avait des cheveux hirsutes, il n’était pas beau, et surtout, il était triste. C’était difficile de le faire rire, il répétait comme une mélopée : « Ah, là, là, Mathieu… Ah, là, là, Mathieu… » Parfois, il avait des crises de larmes déchirantes, comme s’il souffrait atrocement de ne rien pouvoir nous dire. On a toujours eu l’impression qu’il se rendait compte de son état. Il devait penser : « Si j’avais su, je ne serais pas venu. »
On aurait bien voulu le défendre contre le sort qui s’était acharné sur lui. Le plus terrible, c’est qu’on ne pouvait rien. On ne pouvait même pas le consoler, lui dire qu’on l’aimait comme il était, on nous avait dit qu’il était sourd.
Quand je pense que je suis l’auteur de ses jours, des jours terribles qu’il a passés sur Terre, que c’est moi qui l’ai fait venir, j’ai envie de lui demander pardon.