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Hier, nous sommes allés au couvent d’Abbeville présenter Mathieu à la tante Madeleine, qui est religieuse au Carmel.

On a été reçus dans le parloir, une petite pièce blanchie à la chaux. Dans le mur du fond, il y avait une ouverture fermée par un épais rideau. Le rideau n’était pas rouge, comme au Théâtre de Guignol, il était noir. On a entendu une voix qui sortait de derrière le rideau, qui nous a dit : « Bonjour, les enfants. »

C’était la tante Madeleine. Elle est cloîtrée, elle n’a pas le droit de nous voir. On a discuté un moment avec elle, puis elle a voulu voir Mathieu. Elle nous a demandé de poser son couffin devant l’ouverture, puis de nous retourner vers le mur. Les sœurs cloîtrées ont le droit de voir les petits enfants, pas les grands. Elle a alors appelé les religieuses pour venir admirer son petit-neveu. On a entendu un bruissement de robes, des gloussements et des rires, puis le bruit du rideau qui s’est ouvert. Ç’a été alors un concert de louanges, de guili-guili, de gouzi-gouzi au divin enfant. « Comme il est mignon ! Regardez, ma Mère, il nous sourit, on dirait un petit ange, un petit Jésus… ! » C’est tout juste si elles n’ont pas dit qu’il avait l’air en avance.

Pour les religieuses, les enfants sont avant tout des créatures du bon Dieu, ils sont donc parfaits. Tout ce que Dieu fait est parfait. Elles ne veulent pas voir les défauts. En plus, c’est le petit-neveu de la Mère supérieure. Un moment, j’ai eu la tentation de me retourner pour leur dire qu’il ne fallait pas charrier.

Je ne l’ai pas fait, j’ai bien fait.

Pour une fois que le pauvre Mathieu entendait des compliments…