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Thomas ne va plus être jaloux de son frère, il va avoir lui aussi un corset. Un impressionnant corset orthopédique, avec du métal chromé et du cuir. Lui aussi est en train de s’effondrer, de devenir bossu comme son frère. Bientôt, ils seront comme les petits vieux qui ont passé leur vie à ramasser des betteraves dans les champs.
Les corsets coûtent des fortunes, ils sont entièrement faits à la main, dans un atelier spécialisé à Paris, près de La Motte-Picquet, la Maison Leprêtre. Chaque année, on doit les amener à l’atelier prendre des mesures pour un nouveau corset parce qu’ils grandissent. Ils se laissent toujours faire docilement.
Quand on leur met le corset, ils ressemblent à des guerriers romains avec leur cuirasse ou à des personnages de bande dessinée de science-fiction, à cause du chrome qui brille.
Quand on les prend dans les bras, on a l’impression de tenir un robot. Une poupée en fer.
Le soir, on a besoin d’une clé à molette pour les déshabiller. Quand on leur retire leur cuirasse, on remarque, sur leur torse nu, des traces violettes que l’armature en métal a laissées, et on retrouve deux petits oiseaux déplumés qui tremblent.