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Je regarde Thomas. J’ai de la peine à me reconnaître en lui, on ne se ressemble pas. C’est peut-être mieux. Je ne dirais pas pour lequel des deux. Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir me reproduire ?
De l’orgueil ? J’étais tellement fier de moi que je voulais laisser sur la Terre des petits « moi » ?
Je ne voulais pas mourir entièrement, je voulais laisser des traces, pour qu’on puisse me suivre, à la trace ?
J’ai parfois l’impression d’avoir laissé des traces, mais de celles qu’on laisse après avoir marché sur un parquet ciré avec des chaussures pleines de terre et qu’on se fait engueuler.
Quand je regarde Thomas, quand je pense à Mathieu, je me demande si j’ai bien fait de les faire.
Faudrait le leur demander.
J’espère quand même que, mises bout à bout, toutes leurs petites joies, Snoopy, un bain tiède, la caresse d’un chat, un rayon de soleil, un ballon, une promenade à Carrefour, les sourires des autres, les petites voitures, les frites… auront rendu le séjour supportable.