2

 

Depuis qu’il est monté dans la Camaro, Thomas, dix ans, répète, comme il le fait toujours : « Où on va, papa ? »

Au début, je réponds : « On va à la maison. »

Une minute après, avec la même candeur, il repose la même question, il n’imprime pas. Au dixième « Où on va, papa ? » je ne réponds plus…

Je ne sais plus très bien où on va, mon pauvre Thomas.

On va à vau-l’eau. On va droit dans le mur.

Un enfant handicapé, puis deux. Pourquoi pas trois…

Je ne m’attendais pas à ça.

Où on va, papa ?

On va prendre l’autoroute, à contresens.

On va en Alaska. On va caresser les ours. On se fera dévorer.

On va aux champignons. On va cueillir des amanites phalloïdes et on fera une bonne omelette.

On va à la piscine, on va plonger depuis le grand plongeoir, dans le bassin où il n’y a pas d’eau.

On va aller à la mer. On va au Mont-Saint-Michel. On ira se promener dans les sables mouvants. On va s’enliser. On ira en enfer.

Imperturbable, Thomas continue : « Où on va, papa ? » Peut-être qu’il va améliorer son record. Au bout de la centième fois, ça devient vraiment irrésistible. Avec lui, on ne s’ennuie pas, Thomas est le roi du running gag.