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Quand je me promène avec mes deux garçons, j’ai l’impression d’avoir au bout des bras des marionnettes ou des poupées de chiffon. Ils sont légers, ils ont des petits os fragiles, ils ne grandissent pas, ils ne grossissent pas, à quatorze ans ils en paraissent sept, ce sont des petits lutins. Ils ne s’expriment pas en français, ils parlent le lutin, ou bien ils miaulent, ils rugissent, ils aboient, ils piaillent, ils caquettent, ils jacassent, ils couinent, ils grincent. Je ne les comprends pas toujours.
Qu’est-ce qu’il y a dans la tête de mes lutins ? Il n’y a pas de plomb. En dehors de la paille, il ne doit pas y avoir grand-chose, au mieux une cervelle d’oiseau, ou un bric-à-brac genre poste à galène ou un ancien poste de radio hors d’usage. Quelques fils électriques mal soudés, un transistor, une petite ampoule vacillante qui s’éteint souvent, et quelques mots enregistrés qui tournent en boucle.
Pas étonnant qu’avec ce cerveau, ils ne soient pas très performants. Ils ne feront jamais Polytechnique, c’est bien dommage, j’aurais tellement été fier, moi qui ai toujours été nul en maths.
Récemment, j’ai eu une grande émotion. Mathieu était plongé dans la lecture d’un livre. Je me suis approché, tout ému.
Il tenait le livre à l’envers.