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– Je te l’avais dit qu’on se reverrait.

Louise avait attendu que Violette et le reste du groupe s’éloignent pour apparaître devant Oscar. Le revoir après deux ans éveilla en elle des sentiments confus. Il était plus beau et plus viril que dans son imagination, mais elle retrouvait dans son regard cet éclat incomparable, un mélange de force et de détermination. Son cœur battit un peu plus vite et elle se sentit subitement nerveuse. Contrariée, elle mit son émotion sur le compte de la fatigue et du contexte, et se ressaisit : la page amoureuse était tournée. Elle passa la main dans ses cheveux et afficha ce qu’elle avait de plus beau : son éblouissant sourire.

– Louise ! s’exclama Oscar.

Il l’embrassa affectueusement. Elle ferma les yeux sans pouvoir lui rendre son accolade. Une voix intérieure lui criait : « Tu vois bien, il t’embrasse comme une amie. » Il s’écarta, gêné par le mouvement de recul qu’il avait perçu.

– C’est vrai, tu me l’avais dit et j’y croyais. Tu vas rester un peu à Pleasantville ?

– Ça dépendra de mon père… et de votre programme. À vous tous, je veux dire.

– Ce serait génial que tu passes quelques jours ici.

Mrs Withers les interrompit.

– Tu es attendu avec impatience, lui dit-elle.

 

Oscar entra dans la bibliothèque à la suite des membres du Conseil.

– Oscar ! s’écria Celia en lâchant la main de Gedeon Noble.

Elle serra son fils contre elle.

– Je sais que je devrais être habituée mais cette fois j’ai eu vraiment peur. Pourquoi tu ne m’as pas prévenue que tu partais ? Deux jours, Oscar, deux jours sans nouvelles de ses enfants, tu sais ce que c’est pour une mère ?

– Excuse-moi. Je pensais que ce ne serait qu’une affaire d’heures.

– Où est Violette ?

– À côté, avec Barth. Tout va bien, ne t’inquiète pas.

Celia inspira profondément et lissa ses cheveux en arrière pour dégager son visage fatigué. Elle observa Alistair.

– Vous resplendissez, vous aussi, dit-elle.

– Il me suffit de vous voir pour aller nettement mieux.

Tous se tournèrent, surpris par l’audace d’Alistair, dont la timidité et la maladresse envers les femmes étaient légendaires. Celia vira au rouge pivoine.

– Mes enfants m’ont manqué, mais Gedeon m’a permis de jouer les mères poules : il est malade comme un enfant, le pauvre.

Gedeon Noble acquiesça d’un mouvement de paupières. Si Celia et Alistair paraissaient fatigués, lui faisait peur à voir. Il était livide, cerné, et épuisé au dernier degré par la douleur et les chamboulements qu’avaient subi son Hépatolia et son quatrième Univers.

– Est-ce que… est-ce que tout est rétabli, là-dedans ? demanda le malheureux Gedeon en tapotant faiblement son corps.

– C’est tout comme, le rassura Mrs Withers. Dans quelque temps, il n’y paraîtra plus.

Brave s’approcha de Noble et Carolus Magnus, son fauteuil, glissa sur le parquet pour qu’il y prenne place.

– Je vous en aurais fait voir de toutes les couleurs, mon pauvre ami, n’est-ce pas ? Depuis toutes ces années, je pourrais vous ménager, mais non, hélas. Comment vous remercier ?

– Peut-être… peut-être en me libérant, monsieur, répondit Gedeon Noble avec une voix différente, traînante – et étrangement familière.

Oscar, intrigué, s’approcha, lui aussi. Brave souleva une pellicule de silicone dans le cou du généticien et tira vers le haut. La peau du visage se décolla par lambeaux jusqu’au crâne dégarni. Dans le même temps, Noble ouvrit le bas de sa chemise et sortit une sorte de coussin qui le grossissait considérablement, sous le regard stupéfait d’Oscar.

– Voilà, dit Brave. Quel plaisir de vous retrouver enfin, mon cher.