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Oscar se hissa dans l’embarcation et enfila ses vêtements. Au loin, il discerna lui aussi trois vedettes qui filaient droit sur eux. Des hors-bord puissants, manifestement, et de nombreuses silhouettes.

– Brave n’est pas stupide, rumina Lawrence. Je savais qu’on finirait par se faire pincer…

Oscar se concentra. Aucune cape, aucun visage connu. Juste un drapeau noir avec un liseré rouge. Et des armes.

– Sautez ! cria-t-il. Et nagez vers la rive !

Il enfouit Split dans la poche de son blouson et saisit Lawrence par le bras. Celui-ci eut un mouvement de recul.

– Ne me dis pas que…

Lawrence secoua la tête, effondré.

– Toujours pas… Mais c’est comme ça que je vais apprendre, lança-t-il en posant courageusement le pied sur le rebord.

– Accroche-toi à moi, lui dit Oscar.

– Non, avance, je me débrouillerai.

– Grouillez-vous ! cria Valentine.

Ils se jetèrent à l’eau. Oscar guetta la réapparition de Lawrence à la surface, inquiet. Son ami émergea, bouche ouverte, s’agitant de toutes parts.

– C’est… bon… je flotte, je… flotte…, dit-il en tentant de ne pas céder à la panique.

– Mets-toi sur le dos et fais comme moi, lui conseilla Oscar en faisant des moulinets avec les bras.

Un premier hors-bord les dépassa par la droite, et les deux autres, à quelques dizaines de mètres, s’écartèrent pour les encercler. Oscar regarda droit devant lui, Split perché sur sa tête : le rivage était encore loin, trop loin pour Lawrence en tout cas.

Une ombre pesa sur eux. Oscar comprit tout de suite. Entre les deux bateaux, un filet était tendu sur la surface de la mer. En quelques secondes, il sentit les mailles entrer dans sa peau et arracher son corps à l’eau. Le filet roula sur son axe et le ficela. Oscar voulut saisir son pendentif, mais ses mouvements étaient entravés. Les deux bateaux s’immobilisèrent et le troisième s’approcha. La coque frôla Oscar qui reconnut le P tracé en rouge sur le fond noir. Plusieurs silhouettes se découpaient en contrejour.

Dans un ultime effort, Oscar parvint à se retourner : il était seul dans le filet, à la surface de la mer, sans aucune trace de ses deux compagnons.

– Valentine ! Lawrence ! hurla le jeune homme. Non…

Il tenta un regard désespéré vers le rivage, désert.

– Qui est-ce ? demanda une voix grave et féminine.

Oscar sentit la fureur monter en lui. Il plissa les yeux et distingua les contours d’un corps élancé qui adoptait une posture guerrière, une jambe tendue, l’autre pied sur le rebord du bateau, un fusil en travers du torse. Un rire masculin retentit. Court, cruel.

– Un Médicus, et pas n’importe lequel. Celui que j’attendais depuis longtemps.

Oscar s’attarda sur la seconde silhouette, des cheveux raides aux épaules, des gestes félins.

– Je ne suis pas seul, avoua Oscar. Retrouvez mes amis ! Ils vont se noyer…

– Je crois bien que la dernière fois que je les ai vus, c’est quand ils passaient sous mon bateau, ironisa celui qui conduisait une des deux autres vedettes.

– Salaud ! hurla Oscar. Je te le ferai payer ! Tu m’entends ? JE TE LE FERAI PAYER !

Il s’agita comme un diable jusqu’à l’épuisement. Son corps était couvert de contusions, et du sang coulait des estafilades provoquées par les nœuds du filet.

– Je me fiche des deux autres, déclara le premier type. La plus belle prise est ici.

Il passa enfin dans la lumière.

– Repêcher Oscar Pill, dit-il, satisfait. Quoi de mieux ?

Alors seulement, Oscar le reconnut. Il voulut libérer sa rage décuplée par son impuissance, mais aucun son ne sortit de sa gorge. La crosse de l’arme s’abattit sur lui, puis ce fut la douleur à l’arrière du crâne, un bourdonnement atroce, et le noir.