MENSONGES ET TRAHISONS, FIN ?
9 septembre. M’agite dans mon lit depuis
4 heures du matin.
Cogite depuis 5. Prends ma décision à
6.
L’heure est aux aveux.
Commence par les enfants…
Liste des choses à
faire :
- - Cesser de manger de la mortadelle à tout bout de champ. Elle me reste sur l’estomac à chaque fois.
- - Comprendre pourquoi j’ai rêvé cette nuit que le sol du salon était en sables… mouvants.
J’ai cueilli Ethan comme une cerise à son retour
de l’école.
– Il faut que je te parle.
La vague inquiétude que je lis dans ses yeux ne
l’empêche pas de s’affaler sur le canapé.
– Ethan, regarde-moi. J’ai quel
âge ?
Lui, sans sourciller : 42 ans.
– Non, mon âge véritable.
– 42 ans.
– Bon, c’est fini cette histoire. Je sais que
tu voulais me faire plaisir, mais maintenant c’est fini. J’ai
46 ans.
Yeux ronds d’Ethan : Ah bon, tu veux plus
avoir 42 ans ?
– Non, Ethan, c’est pas que je ne veux plus,
c’est que je n’ai pas 42 ans…
– Mais c’est pas très grave, maman, je peux
continuer à dire que tu as 42 ans. 46 c’est trop vieux.…
– Merci, Ethan, mais il faut accepter de
vieillir… C’est la vie. Et ce n’est pas bien de mentir. J’ai fait
une bêtise en te demandant ça.
– Oh, mais ça me dérange pas, moi aussi je
mens sur mon âge…
– Mais pourquoi ? Tu es un encore un
bébé, tu n’as pas besoin de faire ça…
– Ah non, moi c’est l’inverse, je dis que
j’ai 14 ans aux grands de 3e
pour qu’ils arrêtent de me dire que je suis un gamin.
Moi, inquiète, comme si je lui avais transmis une
maladie incurable : Et dans ta classe, tu dis
quoi ?
– Mon vrai âge !
– Bon, Ethan, désormais, tous les deux on va
arrêter de mentir, d’accord ? Moi j’ai 46 ans, et toi,
13…
– Mais maman…
– Il n’y a pas de mais. On ne choisit pas son
âge. Il faut… assumer, c’est extrêmement important, un point c’est
tout.
Prenant son sac à dos et montant dans sa chambre,
il s’offusque :
– Toi, c’est quand ça t’arrange… Je te
signale qu’à l’école je ne suis pas le seul à dire que j’ai
14 ans aux plus grands. Jaouad et Clément aussi.
Je n’ai pas bougé, suis restée plantée là à me
demander si c’était moi qui lui avais mis des idées pareilles dans
la tête ou si chacun avait ses petits arrangements personnels avec
le temps, quand tout à coup me revient en tête le cauchemar de
cette nuit. Les sables mouvants… Évidemment… Arrêter de mentir. Me
dévoiler. J’ai tellement peur que le sol se dérobe sous mes pas…
Camille qui déboule dans le salon me sort de mes
découvertes :
– Salut, mamoune !
– Ah, tu tombes bien, assieds-toi, il faut
que je te parle.
– Ils t’ont pas déjà appelée du lycée quand
même ?
– Non, pourquoi ?
– J’ai séché le cours d’anglais.
– On s’en fout. Camille, tu n’as plus besoin
de dire à tes copines que j’ai 42 ans.
– 43.
Moi, très lasse tout à coup : Ah, toi c’était
43 ? Bref, je suis fatiguée de mentir sur mon âge.
– Maman, ça fait longtemps que Flore, Ambre
et Margot connaissent ton âge.
Moi, soudain sur le qui-vive : Ah bon !
Et qu’est-ce qu’elles ont dit ?
– Elles étaient pétées de rire…
Moi, sur la défensive : Ah bon, et qu’est-ce
qu’il y a de si drôle ?
– Leurs mères font pareil. Mais tu sais,
mamoune, moi c’est pire, les garçons ne me croient pas quand je
leur dis que j’ai 16 ans…
– Ils te donnent moins ou plus ?
– Ben, ça dépend, de face avec des talons ils
me donnent 20, et de dos il paraît que je fais carrément la
trentaine…
Moi, l’angoisse au ventre : Et tu fais quoi
pour faire 30 ans de dos ?
Camille se marre comme une bossue.
– J’sais pas, mais c’est chiant quand un mec
me drague, c’est limite le contrôle d’identité. Et quand je lui dis
que j’ai 16 ans, le mec me regarde, s’en va et ne m’adresse
plus la parole de toute la soirée…
Moi, lestée d’un poids énorme : Tant
mieux !
RÉCAPITULONS
Premier pas vers la guérison. Avouer mon âge a
sans doute été l’exercice le plus difficile… et le plus libérateur
que j’ai eue à affronter ces derniers mois. Bravo, Alice… Pardon,
je ne peux pas m’empêcher de m’autocongratuler, si vous saviez, je
me sens tellement soulagée !