L'auteur avance la thèse suivante : le dérèglement du monde tient moins à la guerre des civilisations qu'à l'épuisement simultané des civilisations, l'humanité ayant atteint son seuil d'incompétence morale : l'Occident infidèle aux valeurs de démocratie et tenté de garder une supériorité militaire pour pallier les insuffisances de son économie ou de son autorité morale ; l'Orient n'ayant plus de légitimité patriotique, se retrouve condamné à une fuite en avant radicaliste.
Extrait
Nous sommes entrés dans le nouveau siècle sans boussole.
Dès les tout premiers mois, des événements inquiétants se produisent, qui donnent à penser que le monde connaît un dérèglement majeur, et dans plusieurs domaines à la fois - dérèglement intellectuel, dérèglement financier, dérèglement climatique, dérèglement géopolitique, dérèglement éthique.
Il est vrai que l'on assiste aussi, de temps à autre, à des bouleversements salutaires inespérés ; on se met alors à croire que les hommes, se voyant dans l'impasse, trouveront forcément, comme par miracle, les moyens d'en sortir. Mais bientôt surviennent d'autres turbulences, révélatrices de tout autres impulsions humaines, plus obscures, plus familières, et l'on recommence à se demander si notre espèce n'a pas atteint, en quelque sorte, son seuil d'incompétence morale, si elle va encore de l'avant, si elle ne vient pas d'entamer un mouvement de régression qui menace de remettre en cause ce que tant de générations successives s'étaient employées à bâtir. --Ce texte fait référence à l'édition Broché .
Revue de presse
La colère d'un honnête homme est terrible. Celle d'Amin Maalouf nous vise tous. Occidentaux ou Orientaux, marxistes ou libéraux, mystiques ou athées. En intendant consciencieux de nos misères, le fils du Cèdre remet à jour le livre de comptes de l'humanité et nous oblige à nous autoexaminer. Sans alarmisme, mais avec une douleur aiguë, Maalouf, «minoritaire d'Orient», espèce en voie d'anéantissement, dénonce l'hallucinant gaspillage de notre intelligence collective. L'intellectuel méditerranéen ne méconnaît pas le proverbe turc «Un ami sait dire des choses amères». Le captivant conteur qui nous avait entraînés dans le destin unique de Léon l'Africain signe aujourd'hui une oeuvre de réflexion empreinte de gravité. Cheminant vers la profondeur, Maalouf, chroniqueur d'un Orient si proche, déploie toute sa sensibilité dans un discours humaniste qui exhale un malaise pour exalter un espoir...
Maalouf est chrétien, mais il veut défendre les musulmans; il est oriental, mais place toujours ses espoirs dans l'Europe; il est libanais, mais il pourfend le communautarisme; il est critique, mais ne cesse d'affirmer sa foi en l'homme. (Christian Makarian - L'Express du 4 mars 2009 )
Pour témoigner de son inquiétude, il a préféré délaisser un temps la fiction qui nourrit habituellement son oeuvre...
Amin Maalouf n'est pas du genre à s'agiter sans fondement. Humaniste éclairé, il se penche au chevet de deux ensembles culturels qu'il chérit également, analysant d'un côté la perte des valeurs, de l'autre l'indigence morale qui frappe le monde arabe. Il n'y voit pas qu'un dérèglement, mais plusieurs, qui concernent le climat, l'économie, la culture. Et comme il revendique chez lui «un fond de responsabilité», il cherche des solutions possibles. Elles passent évidemment par la culture. (Françoise Dargent - Le Figaro du 12 mars 2008 )
Dans la continuité des Identités meurtrières (Grasset, 1998), il poursuit son examen du monde contemporain dans son style direct et personnel, en s'adressant au lecteur général plutôt qu'aux spécialistes. Les constats qu'il formule peuvent servir de base au débat actuel. Il rappelle ainsi, contre un préjugé répandu, que dans le monde musulman c'est la politique qui instrumentalise la religion. Il montre que c'est le sentiment d'humiliation qui motive la rancoeur dans la population de ces pays comme dans sa diaspora en Occident ; que celle-ci aspire avant tout à acquérir plus de reconnaissance, plus de dignité. Du côté de l'Occident, le problème vient non des valeurs proclamées, mais de ce que celles-ci sont rarement mises en oeuvre dans les relations avec les autres, lesdites valeurs apparaissant alors comme un masque pour la quête de pouvoir et de richesses. (Tzvetan Todorov - Le Monde du 20 mars 2009 ) --Ce texte fait référence à l'édition Broché .