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Odessa, Texas

 

 

 

Ames se leva à l’aube, se doucha, s’habilla, se fit une tasse de café puis se rendit jusqu’au sas de la sortie de secours, derrière la décharge. Une fois arrivé, il gravit les trois volées de marches menant à la surface. La porte, un monstre à commande hydraulique digne d’une chambre forte, était conçue pour se protéger de la racaille fuyant une attaque atomique. De forme circulaire, un peu plus grande qu’une plaque d’égout, elle faisait soixante centimètres d’épaisseur et était montée sur des charnières articulées. Leur axe de rotation en acier trempé était gros comme le bras. En surface, elle était camouflée sous une couche de sable posée sur un cadre motorisé qui se levait à la demande. Quand le cadre était en place, l’entrée était virtuellement invisible. Et même si l’on savait qu’elle était là, l’ouvrir sans avoir les bonnes clés, les codes et les commandes idoines n’était pas une sinécure.

Ames se servit du périscope dissimulé dans un bosquet d’épineux pour s’assurer qu’il n’y avait personne alentour. Quand il fut certain que la voie était libre, il pressa sur le bouton de commande de la porte. Il fallut trente secondes, le temps que le cadre recouvert de sable s’élève assez pour permettre le pivotement du battant.

Il grimpa l’escalier et sortit. Il se tenait sous le cadre qui se trouvait à présent un peu plus de deux mètres au-dessus du sol.

C’était le meilleur moment de la journée quand on voulait sortir ici, l’été. C’était là que la fraîcheur était maximale en cette période de l’année, et seuls les lièvres et les oiseaux se manifestaient. Pas âme qui vive à perte de vue, même si dans le lointain, la traînée d’un avion à réaction zébrait le ciel pâle sans nuages, trop loin pour qu’on entende le bruit de l’appareil qui la générait.

Le calme, la tranquillité, tout à lui…

Il passa une dizaine de minutes à respirer l’air pur, heureux de quitter le confinement de l’abri, établissant ses plans pour les jours et les semaines à venir. Satisfait, il retourna à l’intérieur, referma la porte, rabaissa le cadre et, reprenant le couloir carrelé qui résonnait sous ses pas, il se dirigea vers la cuisine. Il avait dans l’idée de se préparer un petit déjeuner à base de saumon haché et d’œufs, avec peut-être une salade mimosa pour faire passer le tout.

Il sourit. Je me demande ce que tous ces pauvres bougres sont en train de faire, ce matin.

 

Base aérienne Bush,

Odessa, Texas

 

Le jet de la Net Force était presque arrivé lorsque l’aube se leva, arrivant de l’est sur les pas du soleil. Ils auraient ainsi toute la journée pour s’organiser, tout le temps voulu.

Michaels – il en fut le premier surpris – s’était endormi durant le trajet et il s’éveilla quand l’appareil entama sa descente vers la nouvelle base aérienne, située à deux heures de route de leur cible. Howard s’était arrangé pour emprunter plusieurs camions à la Garde nationale du Texas, la Net Force dépendant officiellement de la Garde, du moins dans le cadre budgétaire. En théorie, les véhicules devraient les attendre à l’atterrissage.

Après qu’ils se furent posés et tandis que le déchargement s’effectuait, John Howard rejoignit Michaels à l’arrière du centre opérationnel mobile, en fait un camion bâché. Malgré tout, il était climatisé. Plus ou moins.

« Pour les ordinateurs, expliqua Howard. Les unités tactiques individuelles peuvent s’en passer, mais les gros systèmes pètent les plombs dès que la température ambiante dépasse la température corporelle.

– Il va faire si chaud que ça ?

– Dans l’ouest du Texas en plein été ? Oh, que oui. Il va faire plus frais à la nuit tombée, mais il faudra qu’on charge et qu’on se déplace en plein jour. »

Alex le regarda. « Est-ce que vous croyez vraiment que ça va marcher, John ? Ce truc me paraît bien vaste pour être pris d’assaut par dix hommes seulement… » Un chariot à fourche passa devant eux, lesté de deux caisses en bois plus grandes que des cercueils. Il y en avait encore d’autres identiques à bord de l’avion.

« Je le pense aussi, répondit le général Howard. Le problème, c’est que soit on le coince avec dix hommes, soit on n’y arrivera pas, même avec cent. Comme vous l’avez dit, c’est vaste, et nous devrons plus tabler sur l’effet de surprise que sur le nombre. »

Alex opina. Il le savait déjà, bien sûr, mais toute cette opération se déroulait avec son seul aval. C’est lui qui avait le dernier mot en définitive et il pouvait toujours l’annuler à tout moment, jusqu’à ce qu’ils pénètrent dans l’abri antiatomique d’Ames. Après, ça deviendrait plus délicat.

 

Ames avait de quoi se distraire. Il disposait d’une connexion Internet ainsi que de systèmes de réception radio et vidéo par satellite. Il pouvait recevoir cinq cents chaînes de télévision du monde entier, et jusqu’aux stations de radio locales d’Addis-Abeba, si ça lui chantait. Il avait une bibliothèque équivalente à celle de bien des petites villes, rien qu’en exemplaires papier – ouvrages de droit, manuels médicaux, sans oublier des milliers de romans, de vidéos, d’œuvres musicales sur DVD et mini-disque, dans le cas où sa connexion Internet lâcherait. Il avait un gymnase, une piscine, un stand de tir, un terrain de basket et même un bowling à six pistes. Il avait des vivres, du vin et une pharmacie assez vaste pour traiter une centaine d’individus souffrant tous de maladies différentes.

Il avait des œuvres accrochées aux murs, des toiles de maîtres. Il avait des sculptures. Il avait trois de ses sièges favoris, et un lit en biogel piloté par ordinateur qui était le plus confortable du monde.

Il avait tout ce dont il avait besoin, excepté un défi.

Ames haussa les épaules. Il ne pouvait rien y faire pour l’instant. Ses plans étaient en place. La Net Force était coincée par les poursuites judiciaires, elle redoutait d’agir, et chaque jour ainsi gagné voyait se rapprocher la concrétisation de la loi sur CyberNation.

Tout se déroulait donc pour le mieux. Il n’avait qu’à patienter.

Mais ça, il avait déjà eu l’occasion de s’en apercevoir, ce n’était pas son fort.

Il haussa les épaules. C’est pourquoi il avait si bien approvisionné cette planque. Il avait besoin de distractions.

En y réfléchissant, il se dit qu’il aimerait faire quelques longueurs dans la piscine, puis peut-être une petite séance de tir. Ce serait bien de garder un corps sain et un œil acéré pour aller avec un esprit sain…

 

Comté d’Upton, Texas

 

La zone de rassemblement était située à vingt kilomètres de l’objectif, et, à cinq heures de l’après-midi, il faisait encore près de quarante degrés. La seule ombre provenait des camions et de quelques saules étiques poussant près du lit d’un ruisseau presque à sec.

Howard vit Julio se diriger vers lui ; il s’essuyait le visage avec un chiffon.

« J’espère que ces bidules ne vont pas nous lâcher par cette chaleur », dit le lieutenant Fernandez.

Derrière Howard, Michaels demanda : « Ça se pourrait ?

– J’espère bien que non. Sinon, ça fera une sacrée trotte pour rentrer. »

Les bidules dont parlait Julio étaient les cinq Segway spécialement équipés que Howard, Michaels, Julio et deux soldats allaient utiliser pour gagner l’objectif depuis le sud pendant que cinq autres soldats rejoindraient la position en camion depuis le nord.

Les petits scooters électriques étaient du matériel furtif munis d’un carénage taillé dans la dernière génération de fibre de polycarbone, tout en angles vifs et surfaces lisses. Le même type de camouflage était employé sur les camions. Il était efficace, surtout avec les radars aux normes civiles et les Doppler, mais ce n’était pas la panacée. Raison pour laquelle les troupes dans le camion feinteraient en arrivant par le nord tandis que Howard et les autres s’immisceraient depuis la direction opposée.

Si Ames était debout au moment de leur arrivée, et si son radar était en marche, il verrait un bel écho bien gros renvoyé par le camion et, avec un peu de chance, il ne verrait pas les scooters. Ils ne seraient pas totalement invisibles mais avec un écho flou et faible, il était probable qu’il ne les remarquerait pas.

Le plan était que le camion s’approche pour s’immobiliser à moins de quinze cents mètres. Les hommes en descendraient et se déplaceraient autour, déployant une activité suffisante pour attirer l’attention d’un observateur. Même si Ames disposait d’une lunette de visée infrarouge ou d’un autre dispositif d’amplification nocturne, il fallait espérer qu’il se polariserait sur la menace la plus évidente. Qui ne semblerait pas imminente, puisque les intrus seraient encore loin de l’un ou l’autre accès connu à l’abri.

Pendant ce temps-là, Howard et le commando venu du sud arriveraient sur place, s’introduiraient et s’empareraient du sujet avant qu’il ait pu réagir.

En théorie, du moins.

Le commandant avait posé la grande question : comment diable pénétrer dans une installation sécurisée conçue pour empêcher toute pénétration, y compris celle des radiations ? Creuser dix ou douze mètres de terre n’était pas une corvée pour des hommes simplement munis de pelles, surtout s’ils étaient pressés, et les portes d’accès seraient plus que probablement verrouillées.

Howard pensait détenir une réponse mais cela restait encore à voir. Si les plans qu’ils avaient en leur possession étaient précis, s’ils pouvaient pénétrer sans se faire détecter, et si le reste de leur nouveau matériel marchait, alors, ils avaient une chance.

Si, si, si…

« On est à peu près parés, observa Julio. Je crois que je vais faire un petit somme. »

Sur quoi, il se dirigea vers le camion contenant l’équipement informatique et monta à l’arrière. Howard hocha la tête. Il faisait bien quinze degrés de moins à l’intérieur. Il allait tâcher de se trouver une petite place… et de dormir, pelotonné dans une fraîcheur relative – ça valait mieux que de dormir étendu sur le sol par une journée d’été au beau milieu du Texas.

« Ce n’est pas une mauvaise idée de se reposer un peu, commenta Howard. De toute façon, on ne va pas s’ébranler avant minuit. »

Michaels semblait dubitatif.

« L’un des premiers trucs qu’on apprend lorsqu’on est soldat, c’est à manger et dormir chaque fois qu’on peut, expliqua Howard. On ne sait jamais quand on en aura de nouveau l’occasion, une fois qu’on sera dans le feu de l’action. »

 

Vers six heures du soir, Ames se mit un vieux film des Marx Brothers, puis il se prépara un sandwich arrosé d’une bière légère et prit la direction du lit. Même s’il n’avait pas de raison valable, il était fatigué. Deux heures dans le lit magique allaient le requinquer.

Michaels regarda sa montre. Il était minuit cinq. La chaleur du jour s’était considérablement atténuée, mais on ne pouvait pas dire non plus qu’il faisait « frais » – il devait bien faire encore vingt-six ou vingt-sept.

Howard, qui était vêtu d’une tenue camouflée assortie aux vêtements que portait Michaels, jusqu’à la protection personnelle en soie d’araignée, s’approcha de l’endroit où se tenait le commandant.

« Je pensais qu’il faisait froid la nuit, dans le désert, observa ce dernier.

– Ça dépend du désert, répondit Howard. Il fait sans doute plus froid ici l’hiver. Vous êtes prêt ?

– Oui.

– Repassons encore une fois la séquence des opérations. Les scooters ont de gros pneus efficaces sur sol meuble, même s’il nous faudra près d’une heure pour parvenir à destination. Avec les lunettes, on aura l’impression de rouler en plein jour, et tout ce que vous aurez à faire, c’est de rester derrière moi. Je suis la trace de Julio et il a cartographié l’itinéraire le plus sûr, en se fiant au GPS. Les soldats Holder et Reaves fermeront la marche. Si vous arrivez à ne pas tomber de votre scooter, tout se passera bien. Vous avez eu l’occasion de l’essayer ?

– Sur le sol parfaitement lisse et plat du parking de la Net Force, oui. »

Howard sourit. « Vous vous en tirerez bien, commandant. Rappelez-vous simplement de bien tenir les petites poignées et de vous pencher en avant. Nous ne tenterons pas de manœuvres acrobatiques. »

Michaels acquiesça.

Howard regarda sa montre. « OK, les gars. Il est temps de décoller !

Michaels se dirigea vers son scooter. Il ressemblait à une espèce de classeur d’archives muni d’étranges excroissances qui formaient un carénage pointu vers l’avant. L’ensemble était monté sur deux grosses roues parallèles comme une antique tondeuse à main. La seule partie de son corps qui serait visible au radar de l’avant serait sa tête, et le casque furtif muni de son affichage tête haute nocturne était censé y remédier.

Enfin, cela, ils n’allaient pas tarder à le savoir.

Le lieutenant Fernandez monta sur sa machine, se pencha vers l’avant et se mit à rouler. Howard le suivit. Michaels coiffa son casque, monta à son tour et actionna le bouton de mise en route.

« C’est parti », dit-il doucement.

 

Ames s’éveilla passé minuit, presque à une heure du matin, sans trop savoir ce qui l’avait tiré du sommeil. Il se leva, gagna la salle de bains. En retournant au lit, il entendit un léger bip.

Il fronça les sourcils. Qu’est-ce que c’était ?

L’écran de la console de contrôle posée sur la table de chevet affichait un témoin rouge qui puisait au rythme du bruit. Il lui fallut une seconde pour faire le point.

L’alarme radar. Il avait de la compagnie !

Il ne perdit pas de temps à s’habiller, saisit simplement son pistolet et se dirigea en pyjama vers le central informatique, au bout du couloir.

L’écran du radar Doppler montrait de l’activité au nord, à quinze cents mètres environ. Qui était-ce ? Et qu’est-ce qu’ils faisaient par ici ?

Il y avait deux douzaines de caméras installées sur le domaine, plus d’autres cachées dans le sol, des buissons ou des arbres, un peu plus loin. Toutes étaient télécommandées sans fil. Il activa celle située le plus près des envahisseurs. Elle se trouvait à cent mètres, mais elle était dotée d’une optique excellente et les intensificateurs de lumière rendaient la scène nocturne presque aussi claire que si elle avait été prise au matin, malgré une légère dominante verdâtre.

Ce qu’il vit : un gros camion plateau, avec deux gars à côté. Le capot était levé et un troisième type était penché dans le compartiment moteur. Ils n’avaient pas l’air de soldats ou de policiers, juste trois bonshommes en train de réparer leur bahut en panne. En route pour Dieu sait où, et qui étaient tombés en rade au milieu de nulle part. Ils ne se doutaient même pas de l’existence de cet abri.

Néanmoins, il n’allait pas les quitter des yeux. Inutile de prendre des risques. Pas au point où il en était.

Mais peut-être qu’il devrait s’habiller. Au cas où.

 

Conduire le scooter sur le sol inégal était à la fois plus simple et plus compliqué que Michaels ne l’avait escompté. Le trajet était lent et accidenté. Mais encore une fois, il n’était pas tombé, ce qui était déjà quelque chose.

Il n’avait aucune idée de la distance parcourue. Il lui semblait qu’ils roulaient depuis des heures, même si un coup d’œil à sa montre lui révéla qu’ils n’étaient partis que depuis quarante-cinq minutes environ.

Tous les cinq étaient dotés de communicateurs infrarouges qui ne risqueraient pas d’être interceptés par des récepteurs radio classiques ; en outre, leur signal était crypté. Malgré tout, Howard avait ordonné le silence radio sauf en cas d’urgence, et jusqu’ici, en tout cas, ils n’en avaient pas eu.

Touchons du bois…

Les amplificateurs de vision nocturne fonctionnaient plutôt bien. Ce n’était pas vraiment l’éclairage de midi et la colorisation informatique donnait un léger rendu pastel. Mais vous n’aviez pas non plus l’impression de vous balader dans un désert obscur au beau milieu de la nuit. Ah, les miracles de la technologie moderne.

À un moment, Julio Fernandez ralentit. Howard l’imita et Michaels se redressa un poil pour lui aussi ralentir son scooter. Il observa avec attention. Une fois qu’ils seraient arrivés, ils devraient garer leurs trois véhicules d’une certaine manière pour être à l’abri du radar. Il y aurait un angle mort derrière l’écran des engins, lui avait expliqué Howard, une zone invisible à l’intérieur de laquelle ils pourraient évoluer sans être détectés. À tout le moins, sans être vus. Ils n’allaient pas tarder à faire pas mal de bruit…

Julio leva la main en signe d’arrêt. Il obliqua très légèrement sur la gauche. Howard modifia sa trajectoire. Michaels suivit Howard, sachant qu’il devrait garer son scooter sur la droite, un mètre en retrait. Les deux autres soldats compléteraient le dispositif, derrière Michaels, sur le côté.

Trente secondes plus tard, tous les cinq étaient garés. Fernandez revint et les hommes se rapprochèrent. « Par là, fit-il en pointant le doigt.

– Vous avez entendu le lieutenant, dit Howard. Allez-y.

– Affirmatif, mon général ! » dirent les deux soldats.

Ils avaient une drôle de dégaine avec leur équipement. Des exosquelettes, pour reprendre le terme qu’avait employé Howard. Des équipements spécialisés formés d’un cadre muni de moteurs qui transformaient leur porteur en Hercule, multipliant sa force. Il y eut un bourdonnement mécanique quand ils activèrent les unités. Les deux hommes, qui avaient l’air de sortir d’un film de science-fiction, se dirigèrent vers un coin de sable pas différent des autres en apparence et se mirent à creuser. L’un maniait une lourde pioche, l’autre une pelle.

Howard avait examiné avec grand soin les plans de l’ancien bunker jadis secret. Il avait longuement discuté avec ses concepteurs et décidé d’un plan d’attaque qui devrait marcher.

« Il y a dix à douze mètres de terre entre la surface et le toit de l’abri, à peu près partout, avait-il expliqué. Il faudrait des jours à un tractopelle pour creuser tout ça. Et toutes les entrées sont en acier trempé renforcé de béton, il n’est donc pas question de les faire sauter. Il y a toutefois des points relativement faibles. »

Howard les avait indiqués à Michaels sur les plans. « Ici, à ces points d’accès, l’escalier est dégagé jusqu’en bas. Et là, il y a un imposant tampon en béton armé qui ferme l’entrée mais si l’on s’écarte seulement de deux mètres, la dalle est bien plus mince, un mètre seulement d’épaisseur, sous cinquante centimètres de terre. Ils ne pouvaient pas la concevoir plus lourde, sinon ils auraient dû édifier des structures de soutien massives. Il suffit de percer cette dalle, de déplacer encore un peu de terre, et on se retrouve dans la cage d’escalier.

– Un mètre de béton renforcé, ça ne m’a pas l’air d’un truc à la portée de deux types avec des pelles et des pioches, même s’ils sont habillés en Spiderman, avait alors observé Michaels.

– Non, commandant, c’est vrai. Toutefois, cet abri a été construit dans les années cinquante, et il était conçu pour résister aux technologies disponibles à l’époque. Il est évident qu’ils n’avaient pas les ressources dont nous disposons à présent. De nos jours, nous avons des charges explosives capables de pénétrer l’acier et le béton renforcé comme un couteau chauffé dans une motte de beurre. Tout ce qu’il nous faut, c’est dégager la terre et parvenir à l’obstacle résistant.

– Ça paraît d’une simplicité biblique. Pourquoi Ames n’a-t-il pas remis à niveau son abri lorsqu’il a emménagé ?

– Je suppose qu’il tablait sur le fait que personne n’en connaissait l’existence. On n’a pas besoin de murailles épaisses pour protéger un endroit ignoré de tous. Et par ailleurs, je ne sais pas trop ce qu’il aurait pu faire. Ces points faibles tiennent à la conception même du projet. Pour y remédier, il aurait quasiment fallu qu’il reconstruise tout l’abri antiatomique et il était hors de question de le faire en gardant le secret sur l’existence de cet endroit. Comme je vous l’ai dit, ce ne sont là toutefois que des supputations.

– OK, dit Alex. À supposer que vous avez raison et que ces points faibles existent toujours, l’idée n’est-elle pas de le surprendre ? Est-ce que cette charge ne va pas faire du boucan en explosant ?

– Bien sûr. Mais je pense que nous avons prévu le coup. »

Howard lui avait expliqué les choses et Michaels dut bien admettre que ça paraissait se tenir.

Les deux soldats déplaçaient la terre à une vitesse incroyable. En quelques minutes à peine, ils étaient parvenus à la dalle de béton. Quelques minutes encore, et ils avaient dégagé un cercle approximatif d’un mètre cinquante.

Ces exosquelettes étaient à coup sûr impressionnants.

Fernandez descendit dans le trou et déposa sur le béton un bloc de plastic de la taille d’un pain.

« Prêt, mon général. »

Howard regarda sa montre. Il effleura un bouton sur son casque radio et dit : « Trente secondes à mon top. »

Fernandez acquiesça et pressa une touche sur le détonateur de la charge.

« Top, dit Howard dans son laryngophone.

– À vingt mètres, tout le monde, par ici ! » lança Fernandez.

Tous s’écartèrent. En vitesse.