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Cœur rouge perdu dans idées noires

Je savais désormais que je ne pourrais jamais fasciner Anik Vincent par mes exploits sportifs. Selon les théories de Luc, il fallait maintenant que je tente le grand coup dans un autre domaine : la conduite automobile. Là, mes parents m’attendaient de pied ferme. Il a fallu que je mette en œuvre toutes les facettes de mon talent de négociateur pour arriver à mes fins. Premièrement, ma mère me trouvait trop jeune.

— À seize ans, on n’a pas encore la maturité pour conduire comme il faut.

Si j’avais manqué de tact, je lui aurais répondu qu’à quarante-deux ans, elle conduisait encore comme un pied, mais j’ai gardé cette réflexion pour moi. Pour renforcer son argument principal, elle m’a montré, dans La Presse de ce lundi 5 janvier, comment les jeunes parvenaient à se tuer sur les routes.

— C’est pas tout. Selon les statistiques, les choses sont encore pires en été, quand les motos… D’ailleurs tu devrais dire à ton ami Luc que…

Je n’avais rien à dire à Luc. Pour l’hiver, il avait décidé de démonter complètement sa Yamaha RD 350. À mon avis, l’été la retrouverait en pièces détachées.

C’étaient là les arguments de ma mère. Mon père en agitait d’autres. Dont un grand, un énorme : les sous. Mon notaire de père a emprunté des allures d’avocat pour m’expliquer :

— Comment espères-tu payer l’essence que tu vas consommer, hein ? Ta mère et moi – il a toujours aimé utiliser l’expression « ta mère et moi » comme pour me démontrer qu’ils forment un front commun dans le domaine de mon éducation et qu’il est inutile que je m’amuse à tenter d’influencer l’un ou l’autre des deux membres de leur association – … Ta mère et moi, nous te donnons de l’argent de poche, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions payer ton essence.

— Je pourrais me trouver un job !

— Écoute François, je n’aime pas beaucoup que tu utilises des mots comme « job ». Habitue-toi à dire les bons mots en français. Ta mère et moi, nous remarquons d’ailleurs un certain relâchement dans ton langage depuis le début de cette année.

— D’accord, papa, je vais faire attention.

Je l’ai appelé « papa », mais, étant donné le ton qu’il utilisait, « maître » aurait été plus adéquat. Mon père n’a jamais été capable de prendre un ton ordinaire pour formuler sa façon de penser. Il a deux grands niveaux de langage : celui qu’il emprunte quand il demande le ketchup et celui qu’il déploie pour faire passer une idée. Je me suis souvent demandé, depuis les premiers éveils de ma sexualité, lequel de ces deux langages il utilise sur l’oreiller. Et ma mère, comment répond-elle à ses avances ? Est-ce qu’il lui fait des avances claires ? Vraiment, je n’osais pas les imaginer se chevauchant allègrement comme ce couple que j’avais admiré dans le Hustler de novembre dernier, celui qui a brûlé avec mes autres péchés dans le foyer.

Les problèmes que mes parents pouvaient éprouver lors de leurs rencontres sexuelles, si elles existaient encore, étaient très loin de mon problème de l’heure : mes cours de conduite. Parce qu’il n’y avait pas que l’argent de l’essence, il y avait deux autres montants qui se balançaient devant mon nez : le coût des cours eux-mêmes (plus de trois cents dollars) et le coût de l’assurance pour l’automobile (entre cinq cents et huit cents dollars de plus que ce que mon père paie déjà), tout cela parce que je suis un garçon. Pour une fille, ça coûte à peine quarante dollars.

Mon père et ma mère tenaient là des arguments massue et s’attendaient bien à me voir abandonner la partie. Dans leur esprit, mon permis de conduire me serait parfaitement inutile, ils n’imaginaient évidemment pas quel atout ça devenait dans l’aventure de la conquête d’une fille.

Même si j’avais l’air du plus parfait des raisins, je me suis creusé le citron pour me trouver un allié. Luc, qui l’année dernière avait réussi à convaincre ses parents de lui fournir « son passeport pour la mort » en criant pinotte, m’a proposé de venir secouer mes parents. C’était la dernière chose à faire. Luc a beau se prendre pour un brillant négociateur et un séducteur de premier plan, je savais que s’il ouvrait la bouche devant ma mère, je n’aurais pas mon permis de conduire avant ma majorité. Non, j’ai plutôt été rendre visite à mon grand-père.

Ce soir-là, le gin avait rendu Omer juste assez mou pour le rendre très compréhensif. J’ai fait vibrer la corde « fille », c’est-à-dire que je lui ai démontré que mon permis de conduire me permettrait d’inviter des filles au cinéma ou à faire un tour tranquillement.

Pendant que je parlais, Omer me fixait le nez. Un sourire se dessinait doucement sous le sien. Je suis certain qu’il se disait que, avec son nez et un volant dans les mains, j’allais devenir le don Juan de la polyvalente. Ah ! l’hérédité ! Il m’a écouté attentivement, il était visiblement aux oiseaux. Et puis il a déclaré en se massant notre point commun :

— J’ai mon plan. Pour ton père et ta mère, c’est une question d’argent, on va leur couper cet argument-là à la racine. Premièrement, pour tes seize ans, c’est moi qui vais t’offrir tes cours de conduite.

Je suis certain que mon nez a clignoté un coup ou deux. La chose l’a encouragé.

— C’est pas tout. Je vais leur dire qu’il serait bon que tu apprennes à conduire jeune. Dans quelques années, tu pourras ainsi travailler pour moi.

J’ai dû changer de couleur quand je lui ai demandé :

— Qu’est-ce que je pourrais faire pour… pour toi ?

— Là, tu es encore trop jeune. Mais, dans deux ou trois ans, tu pourrais conduire le corbillard aux funérailles… et aller chercher les corps dans mon camion… Pour ça, faut que tu pratiques avant.

Moi qui déteste les morts, j’ai été profondément malhonnête quand j’ai approuvé son plan. Vous me voyez diriger des funérailles ? Vous me voyez en train de véhiculer des accidentés, des vieux décomposés, des fantômes ? Pas moi. Jamais, je ne ferai ça. Jamais ! J’ai quand même dit à Omer qu’il était génial. Quel affreux menteur j’étais ! Quel hypocrite ! Mais Omer est un vieux renard. Son plan a marché. Mes parents ont cédé.

C’est ainsi que j’ai dû me taper les trente heures de cours théoriques. J’avoue cependant que j’ai été assez fier le jour où Guylaine, mon instructrice pour les cours pratiques, est venue me chercher à la porte de la polyvalente. En m’installant derrière le volant, j’ai croisé le regard d’Anik qui se dirigeait vers l’auto de Patrick Ferland. Je suis certain qu’elle s’est dit :

— Ah ! C’est intéressant ! François va bientôt conduire une auto.

Une chose est sûre, c’est que moi, je ne ferai pas crisser mes pneus en quittant le stationnement de la polyvalente, comme le fait « son » Patrick Ferland.

C’est ainsi également que, pour payer l’essence que je vais bientôt brûler, je garde des enfants les vendredis et samedis soir. Je ne deviendrai jamais moniteur de ski, je garde donc les enfants des Bouchard. Trois petits gars de quatre, cinq et sept ans. Des monstres qui n’ont rien, absolument rien en commun avec les morts que je piloterai vers leur dernière demeure dans quelques années. Il est vrai aussi que ce n’est pas dans la cuisine à l’envers des Bouchard, entre les pleurs et les chicanes de ces petits morveux, que je séduirai Anik Vincent.

On a beau dire : passer son permis de conduire, c’est quelque chose. Moi qui ne me rongeais plus les ongles depuis un gros six mois, j’ai failli retomber dans mon vice. L’examen théorique ne m’énervait pas trop. Mais c’est l’examen pratique avec son stationnement parallèle qui me faisait suer. Luc m’avait dit que tout dépendait de l’humeur de l’examinateur. Pierre Jodoin, qui ne déteste pas faire son Ti-Jos-Connaissant, l’approuvait. Il avait ses raisons puisqu’il avait lui-même échoué.

Je me suis présenté au bureau des permis de conduire, les mains moites, les oreilles molles et les orteils en nœud. L’examinateur était un vieux bonhomme qui respirait fort. Il m’a demandé de rouler. J’ai fait tous mes arrêts avec soin, j’ai joué des clignotants quand il le fallait et je me suis stationné comme je n’aurais jamais espéré le faire.

C’est ainsi que j’ai obtenu mon permis de conduire. J’avais du mal à le croire… même que Pierre Jodoin ne m’a pas cru. Il a fallu que je le lui montre. J’en ai éprouvé un vif plaisir parce qu’Anik, qui a maintenant les cheveux rouges, était là. Elle aussi, elle l’a vu.

 

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Début février, j’ai été malade. Un rhume à tout casser. Ce sont certainement les trois petits Bouchard qui m’ont refilé un virus. J’avais la tête grosse comme ça. Je n’allais pas manquer des cours pour si peu. Ce n’est pas le sirop que j’avalais, les aspirines dont je me nourrissais et les kleenex qui bourraient mes poches qui allaient m’empêcher de voir Anik. Elle était là. Elle ne manquait jamais et n’était jamais malade.

J’ai rêvé un moment, pendant le cours ennuyant de Mister Zee, que je pourrais peut-être lui offrir ma grippe. Nous n’avions qu’à échanger un long baiser. Un long baiser comme ceux que s’échangent Luc et Andréa depuis quelque temps. Avec un rhume de cerveau, ce n’est pas aussi facile qu’on le pense. Je ne respire quand même pas par les oreilles.

D’ailleurs, je ne sais pas si c’est mon imagination ou une obsession de ma part… à moins que ce ne soit la fièvre qui m’étourdissait, mais j’avais l’impression que mes confrères et consœurs s’embrassaient comme jamais. L’entrée de la polyvalente était devenue un terrain de french kiss, ça se mangeait dans le stationnement, avant de se quitter devant l’autobus scolaire… dans les corridors aussi.

En classe, c’était plus tranquille, ce qui est normal. J’imagine qu’en physique, par exemple, les explications de Blender seraient devenues dix fois plus mélangeantes si les étudiants s’étaient mis à se lécher à qui mieux mieux.

Chose certaine, si Anik m’avait offert une grippe contre un baiser, je n’aurais pas hésité un seul instant. Si j’avouais une telle chose à ma mère, elle me traiterait d’obsédé sexuel. Il reste que je suis malade. Anik me rend complètement malade. Oh ! Je n’ai pas la mononucléose comme Pierre Jodoin. Mais je suis malade. Que quelqu’un me donne la mononucléose en m’embrassant et je ne me plaindrai pas.

Je ne sais pas si c’est d’avoir obtenu mon permis de conduire, mais j’ai acquis une certaine assurance. Il y a des petites victoires comme ça qui vous donnent un coup de pied dans le derrière et vous élèvent un peu.

Mon assurance m’a poussé chez Picard. Là, j’ai acheté – pas piqué, bel et bien acheté – une carte de la Saint-Valentin. J’ai choisi la moins quétaine. Difficile à décrire, cette carte-là. Disons qu’elle avait un cœur dessus, comme vous deviez vous en douter. À l’intérieur, d’une écriture en bâtonnets qu’elle ne saurait jamais reconnaître, j’ai écrit quatre vers qui n’étaient pas piqués des vers. Je ne l’ai pas signée et je l’ai adressée à Anik Vincent.

Du 13 au 14 février, j’ai passé la nuit blanche. Et, au matin de la Saint-Valentin, j’ai suivi Anik du regard. Avec Patrick Ferland, elle semblait encore tout à fait normale. Et puis ils se sont quittés. Patrick s’est dirigé vers son local. Anik est entrée dans le nôtre. C’est là qu’elle a parlé à Andréa à qui Luc, qui n’est pourtant pas doué pour les petites finesses, avait eu la délicate attention d’offrir une rose. Andréa se l’était piquée dans les cheveux.

Pendant un instant, je me suis demandé où ils en étaient rendus tous les deux. Sur le plan sexuel, j’entends. Ah ! s’ils avaient tout, vraiment tout fait, Luc m’en aurait parlé. De sa vie, il n’a jamais réussi à rater une occasion de se vanter. Je crois qu’ils en étaient au stade des grandes caresses, celles qui n’en finissent plus. Moi, j’étais loin au bas de l’échelle. Andréa s’est donc gargarisée de sa rose et Anik lui a chuchoté qu’elle avait reçu un valentin.

— Patrick a pensé à toi.

— C’est pas lui.

— Qu’est-ce qui te fait dire que c’est pas lui ? s’est étonnée Andréa.

— Il a pas signé et…

— C’est normal de pas signer un valentin.

— C’est pas tout, a ajouté Anik. Il y a quatre vers à l’intérieur. Et la poésie, ça n’a rien à voir avec Patrick.

— Montre donc !

Anik, doucement, a lu mes quatre vers à voix basse.

 

Quand tu n’es pas là

Les oiseaux ne chantent plus

Le soleil devient gris

Les jours se perdent au hasard du vent

 

Rouge comme une tomate, je dévorais le pupitre qui était devant moi. Je n’osais pas regarder. J’avais envie de brailler comme un veau. Quand Andréa a dit :

— De qui ça peut être ?

J’ai eu envie de crier :

— Vous me reconnaissez pas ? C’est de moi !

Mais je me suis tu. J’ai gardé mon cri comme une grosse boule au fond de ma gorge. J’ai simplement entendu Anik répondre :

— Je finirai bien par le savoir.

Là, j’ai toussé. Décidément, mon rhume ne voulait pas passer. Avec un peu de perspicacité, elle aurait pu voir ma rougeur et le bouton de nervosité qui me poussait sur le nez.

Ce soir-là, je me suis trouvé tout à l’envers quand j’ai voulu sortir mes livres pour faire mes devoirs de maths. Il y avait un valentin dans mon sac. Je tremblais en ouvrant l’enveloppe. Il y était écrit :

« Je t’aime. »

Et c’était signé :

« Quelqu’une qui te veut du bien. »

J’ai tout de suite reconnu l’écriture. C’était celle de l’inévitable Caroline Corbeil.

 

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Même si mes parents refusaient toujours de me prêter la voiture, je gagnais vraiment mon essence à la sueur de mon front. Et ce soir-là, dans mon front comme dans mes lunettes, j’avais des gouttelettes de peinture. C’est ce qui arrive quand on travaille au rouleau. J’étais en train de repeindre la pièce de télévision chez mon grand-père. Bientôt, grand-mère pourra suivre ses téléromans dans une pièce couleur coquille d’œuf, ce qui lui convient bien, étant donné ses allures de mère poule avec mon père et ma mère.

Je me rends compte, d’un jour à l’autre, qu’Omer a plus d’un tour dans son sac. Quand il se met à se torturer le nez en cherchant de bonnes solutions, il finit par en trouver qui le placent en fort bonne posture.

Ainsi, en devenant mon allié dans l’affaire de mon permis de conduire, il savait qu’il pourrait désormais me confier une foule de petits travaux que je ne pourrais jamais refuser d’exécuter. C’est pourquoi je joue du rouleau et du pinceau… pendant que lui cuve son gin. Ce n’est pas en peinturant qu’on attrape les filles. Il me paie, c’est toujours ça de gagné.

On projette aussi de me faire repeindre les différentes pièces de son salon mortuaire. Je ne rouspète pas. Je suis coincé. Luc m’a promis de m’aider. Mais je connais les promesses de Luc. Dès qu’Andréa Paradis lui fait signe, il laisse tout tomber. D’ailleurs, il a déjà un emploi, lui. Il est moniteur de ski et il fait de l’argent. Vraiment, l’amitié et la complicité, ce sont deux choses pas très faciles à vivre.

J’allais terminer la pièce quand le curé Fortin est arrivé. Le curé Fortin, c’est Gilles. Il s’amène assez souvent chez Omer pour jouer aux cartes. Ils ont des copains de leur âge et ne manquent jamais un petit poker bien arrosé. Gilles a profité du moment où Omer et lui attendaient leurs acolytes pour venir me « piquer une jase » comme il me l’a dit. J’aurais aimé savoir qui l’avait délégué pour me tâter ainsi. Ma mère ? Certainement pas, elle a trop de classe pour m’envoyer le curé Fortin. Ma grand-mère ? Fort possible.

Toujours est-il que Gilles m’a fait un petit sermon sur la méfiance que tout jeune homme doit entretenir vis-à-vis des filles. J’ai dû lui paraître assez surpris puisqu’il s’est mis à tousser et à se racler la gorge. Je le connais bien. C’est ce qu’il fait quand il cherche ses mots. Il s’éclaircit la voix.

Oui, selon Gilles Fortin, curé de Bon-Pasteur-des-Laurentides, joueur de poker et bon buveur à ses heures, je dois me méfier des filles, qui peuvent vous gâcher les études. Moi, j’étais brûlant, mais il sait que cette année ne serait pas ma meilleure.

— Est-ce qu’il y a quelque chose qui te chicote ?

— Comment ça se fait que vous savez que ça sera pas ma meilleure année ?

— J’ai le pif. Et puis réponds pas à mes questions par d’autres questions. Qu’est-ce qui te chicote ?

— Qui est-ce qui vous a demandé de me faire un sermon ?

Gilles Fortin se met à rire. Il sait bien, tout curé qu’il est, que j’ai atteint un âge où je peux le juger avec plus de justesse.

Il se met à patiner, comme il le fait quand il vient causer à la polyvalente et qu’il veut se montrer copain avec tout le monde. Et puis, peu à peu, il laisse les filles et les études. Je joue tellement l’innocent que je le déconcerte. Il laisse les filles et les études pour me proposer d’aller peindre son presbytère. Pourtant il y a des gens qui feraient ce travail-là gratuitement seulement pour être plus près de Dieu. Parfois, je me demande si Gilles Fortin ne se fout pas de Dieu… si pour lui, ce n’est qu’une bonne raison pour potiner avec tout un chacun. S’il ne jacassait pas dans la vie, il ne saurait pas quoi faire de ses dix doigts et il serait certainement entré dans la pègre. La vocation l’a sauvé.

De mon côté, je sais que je ne serai jamais curé. Ni entrepreneur de pompes funèbres. Ni embaumeur. Je serai l’amant d’Anik Vincent. Je l’embrasserai souvent et partout, sur ses petits seins, dans le cou, sur les yeux et les joues, partout ! Je ne confie évidemment rien de cela à Gilles Fortin. Le secret de la confession, ça n’existe plus. Dans la famille en tout cas.

Finalement, avant d’aller retrouver les autres joueurs de cartes et son verre de gin, Gilles Fortin me demande, comme si de rien n’était parce qu’il aime dédramatiser les événements pour se donner l’air cool, pourquoi je suis en train de perdre mon titre de bolle. Je lui dis que je me sens fatigué.

Je ne suis quand même pas pour avouer candidement que cette fille-là me rend malade. Qu’à cause d’elle, pendant de grands moments, je divague, je suis dans la lune. Partout je pense à elle, du creux d’un livre où je peux me perdre au fond de ma chambre jusqu’à ce travail au rouleau, entre les gouttelettes de peinture coquille d’œuf, c’est elle que je vois, c’est Anik Vincent que j’imagine. Comment le curé Fortin pourrait-il comprendre cela ?

— Finalement, tu sais, je suis de l’avis d’Omer. Une fille qui te dirait que tu es pas trop raisin, ça te remettrait sur le piton.

Il s’en va en riant. Je les entends qui rient encore dans la salle à manger. C’est cœur atout !