48. PAR ACCIDENT

Le van qui transportait l’équipe franchit le portail du campus peu après vingt-trois heures. James fila dans sa chambre, se débarrassa de sa combinaison puis passa des vêtements propres. En dépit de l’heure tardive, il était impatient de parler à Dana.

Il poussa sa porte en silence, s’assit sur le lit et lui caressa doucement la joue.

— Salut, murmura-t-il.

Lorsque sa petite amie ouvrit les yeux, il se sentit submergé par une bouffée de tendresse. Elle se redressa péniblement pour poser un baiser sur ses lèvres. Son haleine embaumait le dentifrice.

— Alors, comment ça s’est passé ?

— Pas génial. Notre informateur nous a arnaqués en beauté. On pense qu’il s’est fait la malle avec un chargement de cocaïne estimé à un million de livres. En plus, les flics n’ont pu procéder qu’à la moitié des arrestations prévues.

— C’est comme ça, les missions ne sont pas toutes couronnées de succès. Surtout celles auxquelles je participe, d’ailleurs…

— Dana, j’ai quelque chose d’important à te dire. Un truc qui me pèse sur la conscience.

La jeune fille esquissa un sourire.

— Oh, je vois… C’était qui, cette fois ? Ne me dis pas que tu as remis ça avec April Moore…

James était frappé par la sérénité affichée par Dana.

— Non, ce n’est pas April… Comment tu peux prendre les choses aussi calmement ?

— Je te connais. J’ai remarqué la façon dont tu regardes les autres filles, alors je reste réaliste. Je savais que ça arriverait tôt ou tard, au cours d’une mission.

— Tu as une drôle d’opinion de moi, protesta James. Bon, c’est vrai, je me suis mal comporté avec Kerry… Je passais mon temps à la tromper et à lui mentir. Tout le monde était au courant, sauf elle. Au bout d’un moment, j’ai fini par ne plus pouvoir la regarder dans les yeux. Mais j’ai changé, et je ne veux plus jamais agir comme ça, surtout avec toi.

Dana était déroutée.

— Et pourtant, tu m’as trompée.

James poussa un soupir.

— C’est une histoire un peu bizarre… Disons que… comment dire ? J’ai couché avec la fille de Sasha Thompson… par accident.

Dana resta figée quelques secondes puis explosa de rire.

— Par accident ? répéta-t-elle. Tu veux dire que tu as trébuché et que tu es tombé sur une fille toute nue ?

James ne s’était jamais senti aussi idiot de sa vie.

— Non, je prenais un bain. Elle s’est déshabillée et elle a sauté dans la baignoire. Et comme elle était plutôt sexy… Je veux dire, il faut voir les choses en face. Aucun mec n’aurait pu résister.

— D’accord. Je te remercie de me l’avoir dit. Et maintenant ?

Dana avait cessé de sourire. Son regard exprimait un profond chagrin.

— Fais de moi ce qui te plaira. Si tu as envie de me frapper, ne te prive pas. Mais si tu préfères, je peux t’inviter à dîner, ou faire tes devoirs de maths, tout ce que tu voudras. S’il te plaît, donne-moi une seconde chance. Je te promets que ça ne se reproduira pas.

— Qui est au courant ?

— Bruce, mais il a juré de se taire.

— Alors tu n’es pas venu vider ton sac au milieu de la nuit parce que tu avais peur que je l’apprenne par quelqu’un d’autre ?

James secoua la tête puis ouvrit largement les bras.

— Vas-y, tabasse-moi. Je le mérite.

— Finalement, dit Dana, l’air pensif, tu voudrais que je me comporte comme Kerry, que je pique ma crise, que je te traite de tous les noms et que je te dérouille. Ensuite, on s’embrasserait, puis les choses redeviendraient exactement au point de départ. Eh bien, désolée, mais je ne te ferai pas ce plaisir.

James sentit son sang se glacer dans ses veines.

— Tu me quittes ?

— Est-ce que j’ai dit ça ?

— Je ne te comprends pas. Tu réagis de façon bizarre. Tu pourrais au moins me dire ce que tu ressens ?

— Je ne sais pas trop… Je suis blessée, un peu embrouillée. Ça me touche que tu aies eu l’honnêteté de tout me raconter alors que rien ne t’y obligeait. Je suppose que ça prouve que tu tiens vraiment à moi.

James sentit les larmes lui monter aux yeux. N’y tenant plus, il serra Dana dans ses bras.

— Je suis désolé. Tu m’as tellement manqué, pendant ces deux mois. J’avais si peur que tu me quittes…

Dana glissa une main sous son T-shirt.

— J’ai seize ans, toi quinze. Bientôt, si ça se trouve, nos relations deviendront… plus intimes. Si cette fille fait le tour des baignoires de Luton en sautant sur des garçons qu’elle connaît à peine, je suppose qu’elle doit avoir un sacré tableau de chasse. Il est possible qu’elle t’ait laissé un petit souvenir, si tu vois ce que je veux dire.

James secoua la tête.

— Je suis tranquille, on a utilisé un préservatif.

— Ce n’est pas sûr à cent pour cent, et ça ne protège pas contre toutes les maladies. Je veux que tu te fasses examiner.

— N’exagère pas, Dana. On ne l’a fait qu’une fois…

— C’est amplement suffisant.

— Mais j’ai moins de seize ans, protesta James. Je n’ai pas le droit d’avoir ce genre de relations. Si je vais à l’infirmerie, je serai viré.

— Tu n’as rien à craindre. Tu es couvert pas le secret médical.

James émit un grondement.

— Très bien, je prendrai rendez-vous avec le médecin demain matin.

— Super. Cela dit, je t’accompagnerai, histoire de m’assurer que tu ne te dégonfles pas.

— Pourquoi je me dégonflerais ? C’est juste une prise de sang.

— Oh, tu crois ça ? sourit Dana. Tu ne te souviens pas de la vidéo qu’on nous a projetée en cours de biologie ? Le passage avec le long coton-tige qu’ils utilisent pour effectuer les prélèvements ?

— Ça ne me dit rien.

— Je suppose que tu as détourné le regard, comme tous les garçons de la classe.

— Ça fait mal ?

— Comment le saurais-je, mon chéri ? gloussa Dana. Tout ce que je peux te dire, c’est que tu vas le passer, ce test, à moins que tu ne préfères te trouver une nouvelle copine.

James baissa les yeux en signe de soumission.

— OK. Je serrerai les dents et je penserai fort à toi…