Chapitre 39
Le dimanche matin, je me suis levée de bonne heure pour conduire Ryan à l’aéroport international de Charlotte-Douglas. Devant le terminal, nous nous sommes serrés dans les bras et nous sommes dit au revoir sans un mot à propos de l’avenir.
À onze heures, vêtue d’un blazer bleu et d’un pantalon gris, j’ai retrouvé Allen Burkhead à l’entrée du cimetière Elmwood. Il avait une clé à la main, moi un sac en toile noire.
Le nouveau cercueil avait déjà été porté dans la crypte. Ce berceau, qui allait accueillir des restes pour un très long sommeil, avait un air gaillard, avec ses bronzes étincelants.
Burkhead l’a ouvert pendant que je sortais de mon sac le crâne de Susan Redmon. Je l’ai déposé délicatement tout en haut du squelette, puis j’ai remis à leur place les os de ses jambes. Enfin, j’ai glissé sous l’oreiller de velours blanc un petit sac en plastique contenant le cerveau retrouvé dans la terre du chaudron. Un test à la précipitine avait établi qu’il s’agissait bien d’un cerveau humain. Peut-être était-ce celui de Susan, peut-être pas. Quoi qu’il en soit, partager l’éternité avec une âme dont le corps avait été déplacé lui aussi n’était certainement pas pour l’offusquer.
Au retour, cheminant entre les tombes, Burkhead m’a dit qu’il avait fait des recherches dans les archives et découvert que Susan Redmon était décédée en donnant naissance à un enfant, un garçon en pleine santé dont on ne savait pas ce qu’il était devenu.
J’en ai éprouvé de la peine. Puis une sorte d’espoir à l’idée que Susan soit morte en donnant la vie.
Ma visite suivante m’a conduite au Carolinas Médical Center. Non pas aux urgences, mais à la maternité. Cette fois, je portais un paquet rose et un gros ours en peluche avec trois petits ours endormis.
Le bébé, café au lait, avait un visage tout ridé et des cheveux hérissés à la Don King. Takeela lui avait donné le nom de sa grand-mère maternelle : Isabella.
Elle-même était en pleine forme, fraîche et dispose. Le regard qu’elle posait sur sa fille a suffi à me faire comprendre pourquoi elle m’avait téléphoné et avait accepté mon aide. Elle voulait prendre un nouveau départ dans la vie, donner une chance à Isabella.
Je suis rentrée chez moi, émue par ces pensées de mort et de vie.
Des choses s’achèvent, d’autres commencent.
Susan Redmon était morte, mais son fils avait vécu.
Rinaldi n’était plus, mais Slidell démarrait une nouvelle collaboration, avec une nouvelle coéquipière.
Cuervo était mort, mais Takeela avait donné la vie à une petite fille.
Le chapitre Pete touchait à sa fin. Étais-je sur le point de prendre un nouveau départ ? Avec Charlie ? Avec Ryan ? Avec quelqu’un que je n’avais pas encore rencontré ?
Pouvions-nous tout recommencer au début, Ryan et moi ?
L’Amérique pouvait-elle prendre un nouveau départ ? Étions-nous capables de revenir à une époque où chacun se sentait en sécurité, protégé ? Avait confiance dans ses valeurs et dans ses buts ? Était tolérant à l’égard de coutumes et de croyances qu’il ne comprenait pas ?
Charlie ?
Ryan ?
M. Parfait ?
Comment ma sœur aurait-elle dit, déjà ?
Impossible de dire à l’avance quel chien prendra la tête de la meute.