23.
La « trahison » de
Balladur,
ou la chance de sa vie
ou la chance de sa vie
Sans « trahison » d'Édouard Balladur,
Jacques Chirac n'aurait sans doute jamais été président de la
République. Perdant son principal conseiller politique qui a décidé
de faire cavalier seul, le maire de Paris n'a d'autre issue que de
se choisir un tout autre programme que celui qu'on lui concoctait
d'ordinaire ; pour la première fois, il se fiera à lui-même
pour imposer des idées que les Juillet, Garaud, Balladur et autres
Pasqua avaient jusqu'alors réussi à lui faire mettre sous le
boisseau. Il pourra enfin donner libre cours à son vieux tropisme
de gauche, à son fonds rad-soc corrézien. Il trouvera d'autres
conseillers pour mettre en musique sa propre partition. Il pourra
enfin être lui-même. Chirac pourra retrouver Jacques, ou, pour
reprendre un mot de sa fille Claude, il se
« rejoindra ».
Désireux de vérifier la pertinence de cette
lecture de son destin présidentiel, je téléphonai un dimanche
1 au chef de l'État. Toujours
aussi sobre, il se contenta de me répondre par deux fois :
« C'est probablement exact ! »
Ils avaient pourtant été nombreux (Giscard,
Pasqua, Juppé, Séguin…) à lui ressasser que ce n'était pas une
bonne idée que d'installer Édouard Balladur à Matignon. Mais rien
n'avait pu alors ébranler l'absolue confiance qu'il vouait à celui
que les gazettes appelleront, pour se moquer, son « ami de
trente ans ». Les premiers signes indiquant que ceux qu'il
considérait comme des oiseaux de mauvais augure avaient
probablement raison se firent vite sentir. Mais Jacques Chirac ne
les vit pas ou ne voulut pas les remarquer, tant il lui était
impossible d'imaginer le pire. N'avait-t-il pas passé un pacte
attribuant Matignon à son ami, lequel devait en échange préparer
son accession à l'Élysée ?
Dès le lendemain de l'élection, Édouard Balladur
ne fait pourtant pas appel au maire de Paris pour constituer son
gouvernement, contrairement à l'attitude qu'avait adoptée Jacques
Chirac en l'appelant à ses côtés, en 1986, pour former le sien. Le
patron du RPR doit même se battre pour y imposer quelques
chiraquiens. Une nouvelle catastrophe familiale – la mort de
Philippe Habert, mari de sa fille Claude – détourne un temps Chirac
de la politique. Le 8 avril, jour des obsèques, l'hôte de Matignon
expose son programme de gouvernement « pour les cinq ans à
venir ». Jacques Chirac ne veut toujours pas voir malice dans
cette inscription de l'action du Premier ministre bien au-delà de
la période de cohabitation. Fin mai, la Sofres, qui va jouer un
rôle important dans la promotion du candidat Balladur, l'installe
déjà comme « présidentiable » aux yeux de 54 % des
Français, contre 38 % pour le maire de Paris.
À la mi-juin, Philippe Séguin, qui a été élu
président de l'Assemblée nationale et s'est rabiboché avec le maire
de Paris dans le même temps où il s'éloignait de Charles Pasqua,
ministre de l'Intérieur, appelle à un renversement complet des
valeurs du parti gaulliste et de ses choix fondamentaux, ce qui
exaspère d'autant plus le Premier ministre que le maire de Paris
laisse passer sans sourciller cette attaque en règle. Les rumeurs
sur les tensions de plus en plus vives entre les deux amis
commencent à courir Paris. Balladur ne manque pas une occasion de
rappeler qu'on n'est plus sous la IVe
République et que ce ne sont plus les chefs de parti qui dirigent
le pays. Le 19 juillet, au cours du déjeuner des responsables de la
majorité, Balladur regrette que Jacques Chirac ne se soit pas
démarqué du discours de Philippe Séguin. Les observateurs ont tous
compris que l'ex-« connétable », qui a pris beaucoup
d'assurance et a fait jusque-là un sans-faute à Matignon, s'est
émancipé du patron du RPR et a déjà les yeux rivés sur
l'Élysée.
Les relations qui se sont nouées dès les débuts de
la cohabitation entre François Mitterrand et Édouard Balladur ne
pouvaient de surcroît qu'agacer le maire de Paris. Le président a
apprécié d'entrée de jeu son nouveau Premier ministre, policé et
pince-sans-rire, un ancien du « 104 », comme lui
2 . Dès le premier Conseil des
ministres, les deux chefs de l'exécutif ont partagé la même
approche de deux problèmes majeurs de politique internationale, la
Yougoslavie et le Rwanda. D'emblée, le président trouve au Premier
ministre « du poids et de la tenue 3 », il a le sentiment que
celui-ci est « plus équilibré que sa majorité ». Quand,
dès le mois de juin 1993, la rumeur d'une candidature Balladur à la
prochaine présidentielle s'est mise à enfler dans le Tout-Paris,
François Mitterrand feint de refuser d'y croire : « S'il
le pensait, il ne le dirait pas », même s'il pressent que, le
jour venu, l'hôte de Matignon se présentera contre le maire de
Paris. Mais, répète-t-il à ses collaborateurs, lui-même n'a
nullement l'intention de peser en faveur de l'un ou de l'autre.
Quant au patron du RPR, il a toujours autant de mal à imaginer que
son « ami de trente ans » puisse s'apprêter à le
trahir…
Nouvelle et grave alerte pour le clan chiraquien
de plus en plus inquiet : le 12 août, au « 20
heures » de France 2, à la question de savoir si Chirac est le
candidat « naturel » du RPR, Balladur ne répond pas.
Trois semaines plus tard, le Premier ministre ne se rend pas à
l'université d'été des jeunes du RPR pour qui Jacques Chirac est
bien entendu le candidat « naturel ». Les cris des jeunes
RPR : « Mitterrand à Latche ! Chirac à
l'Élysée ! » n'ont pas dissipé le malaise grandissant au
sein du parti néo-gaulliste. Commentant pour Le Monde ces journées, Olivier Biffaud termine
ainsi son article : « Placé dans une situation difficile
tant que M. Balladur est au zénith dans les sondages, M. Chirac ne
peut souhaiter que la cote du Premier ministre s'effondre, sous
peine de sombrer avec lui. Il ne peut en effet prétendre avoir, par
ces sondages, une concrétisation du bon choix qu'il a fait en
“créant”, dans l'opinion, cet homme nouveau qu'est
M. Balladur, et ne pas admettre la réciproque. Fort de cet
axiome, le maire de Paris va devoir faire beaucoup mieux qu'à
Strasbourg pour échapper à la tragédie. »
À Strasbourg, Jacques Chirac a enfin ouvert les
yeux et confié à François Baroin en détournant le regard :
« J'ai été naïf » ; lequel Baroin commente devant
Raphaëlle Bacqué 4 : « Finalement, cela m'a soulagé.
L'abcès était crevé. J'ai pensé qu'il avait enfin compris que
Balladur nous entraînait vers la division. »
Une explication entre les deux hommes s'impose. Le
11 septembre, ils se rencontrent en tête à tête pendant deux
heures à Matignon, officiellement pour procéder à « un large
tour d'horizon ». La presse est avisée de cette rencontre. Le
Premier ministre raccompagne le maire de Paris jusqu'au perron.
Invité par les journalistes à dire s'il s'est agi d'une visite de
« réconciliation », Balladur répond : « Pour se
réconcilier, il faut être fâché. » Personne n'est dupe.
Le président de la République se souvient fort
bien de cette rencontre, ou plutôt de la façon dont elle s'est
terminée.
« Après un tête-à-tête à Matignon – je crois
que c'était le dernier –, le Premier ministre me raccompagne
jusque sur le perron. Je lui dis “Au revoir”, je descends deux
marches et il me dit alors : “Jacques, je veux que vous
sachiez maintenant que je ne serai jamais votre Premier ministre.”
Il n'était pas encore candidat. Pour moi, il devait y avoir
continuité, c'est-à-dire qu'il devait être mon Premier ministre si
je gagnais les élections. C'était en réalité une manière de me dire
qu'il allait se présenter contre moi… Cette manière de le dire sur
les marches, au moment où je partais, alors qu'il me tournait déjà
le dos, c'est comme ça que j'ai appris qu'il serait candidat.
– Vous avez aussi confié qu'au fil du temps,
vous n'arriviez plus à accrocher son regard.
– C'est vrai, c'est vrai… »
J'essayai de le faire parler sur cette époque
douloureuse, de lui faire reconnaître à quel point il vécut mal ce
lâchage. De déballage de sentiments je n'obtins point. « Ça
m'a fait de la peine », m'a-t-il d'abord répondu, puis, se
« lâchant » un peu plus : « Nous avons été
intimes, et je n'avais jamais imaginé qu'il pourrait tirer un
avantage quelconque de notre relation. »
Chirac a peut-être compris, mais, au moins pendant
un certain temps, il doit se comporter comme si… Les deux hommes
sont encore condamnés à faire bonne figure. Leur entourage monte
une opération de communication à l'occasion des journées d'études
parlementaires du RPR à La Rochelle, le 26 septembre. Pour
« montrer à l'opinion que l'émulation, ce n'est pas forcément
la guerre […]. La consigne est claire : dédramatiser, rassurer
et baliser. En un mot, assumer », écrit encore Olivier
Biffaud. L'on vit donc Jacques Chirac et Édouard Balladur deviser
sur les quais du port de La Rochelle. Les nombreuses images prises
de l'événement furent loin de traduire une réconciliation entre
amis. Les deux hommes marchaient ensemble, certes, mais sans jamais
se regarder, et, attablés devant un café, ils ne se parlaient pas.
Jacques Chirac rejoignit quasiment seul son petit avion tandis que
Balladur entraînait derrière lui la meute des journalistes après
avoir réuni toute la journée autour de lui celle des
parlementaires…
Jacques Chirac continue à avaler des couleuvres et
prend conscience de son isolement au sein de son propre parti. La
pire défection est celle de Nicolas Sarkozy, qu'il considérait
comme de la « maison », qu'il avait aidé à prendre la
mairie de Neuilly, qui était un proche ami de sa fille, presque un
fils, intelligent, malin, débordant lui aussi d'énergie, gros
avaleur de dossiers, son disciple depuis la fin des années 70. Le
signe quasi officiel de cette défection est intervenu le 24 octobre
sur l'antenne de RTL-Le Monde. À la
question : « M. Sarkozy, pourquoi n'allez-vous plus
aux réunions des conseillers de Jacques Chirac ? », le
ministre du Budget a répondu.
« Parce que le Premier ministre a demandé aux
ministres de s'occuper de leur département ministériel et de ne pas
se préoccuper des élections présidentielles. C'est ce que je fais,
et chacun des ministres est bien inspiré de faire de même. C'est
pourquoi nous avons un gouvernement où il n'y a plus de bagarres,
pas de divisions et, jusqu'à présent, ni couacs ni
discordes. »
Jacques Chirac se montre plus loquace qu'à son
habitude pour parler du Sarkozy qui l'a lâché à l'automne 1993. Il
évoque d'abord « le jeune militant de Neuilly, qui s'est
politiquement engagé à plein pour moi ». « J'ai eu
l'occasion de lui rendre un premier service lorsque Achille
Peretti, maire de Neuilly, est mort. Sarkozy voulait lui succéder.
Cela a été compliqué à organiser. Sarkozy est très ambitieux, et
comme il est très intelligent, il considère que tout doit être mis
au service de ses objectifs. À l'époque, j'étais maire de Paris.
J'ai dû rendre un arbitrage. À Pasqua j'ai dit : “Tu n'iras
pas, tu vas laisser la place à Sarkozy, il est jeune, et il faut
pousser les jeunes.” À peine élu, Sarkozy n'a cessé d'expliquer que
je n'y avais été pour rien. Je n'y ai pas prêté cas. Il continue
d'ailleurs de prétendre que je n'y ai été pour rien. Cela aurait dû
faire tilt… mais il a continué à me soutenir. »
Le président en vient au lâchage de Sarkozy, le 24
novembre 1993, à l'issue d'un bureau politique du RPR réuni à
Paris, rue de Lille : « On clôt la réunion, tout le monde
s'en va… J'étais le dernier, je m'apprête à m'en aller. Je passe un
coup de téléphone quand Sarkozy réapparaît et me dit : “Il
faut que je vous parle.” On s'est rassis tous les deux au milieu
des trente chaises vides.
– Je vais déclarer mon soutien à
Balladur.
– Écoute, c'est bien, mais pourquoi viens-tu
me dire cela ?
– Moi, je suis un politique, je fais de la
politique, et il est évident que Balladur sera élu. Donc je
soutiens Balladur.
« Je lui réponds.
– C'est très bien : tu fais ce que tu
veux.
« C'était tout à fait étonnant : ce
garçon qui m'a toujours soutenu vient me dire qu'il va soutenir
Balladur parce qu'il est un politique ! »
Nicolas Sarkozy expose évidemment une autre
version selon laquelle Chirac lui aurait demandé de ne pas mettre
tous ses œufs dans le même panier, lui-même devant se porter
candidat quoi qu'il arrive ; ce à quoi lui, Sarkozy, aurait
répondu qu'il resterait le porte-parole de Balladur, quoi qu'il
arrive. D'après François Baroin, Chirac lui aurait alors demandé de
revenir travailler avec lui 5 .
Durant cette période difficile, le maire de Paris
est sensible au petit signe que lui adresse le président de la
République, à la fin de novembre 1993, lors de l'inauguration du
Grand Louvre. Tout le monde peut voir François Mitterrand et
Jacques Chirac rire ensemble de bon cœur. Peu de jours après, le 17
décembre, intervient le premier accroc sérieux à cette exquise
cohabitation, provoqué par François Mitterrand à Céret
(Pyrénées-Orientales). Devant une délégation de parents et
d'enseignants de l'enseignement public, le président de la
République reproche vivement au gouvernement les conditions de
l'abrogation de la loi Falloux 6 . Il se dit « surpris, offusqué que
l'on puisse ainsi bousculer le Parlement 7 ». Philippe Séguin et Jacques
Chirac vont se livrer dès lors à un certain nombre de déclarations
sur la nécessaire laïcité de la République.
Le dimanche 19 décembre, deux ministres d'État,
Simone Veil, ministre des Affaires sociales, et François Léotard,
ministre de la Défense, lancent de
facto la campagne présidentielle en déclarant que le Premier
ministre a les « qualités requises » pour faire un bon
candidat. François Mitterrand s'étonne de cet effet d'annonce qu'il
estime prématuré : « Lancer une campagne aujourd'hui,
c'est un peu faire l'impasse sur les difficultés de demain »,
confie-t-il à Jean-Pierre Elkabbach. Le Premier ministre commence
un peu à l'énerver. Il adresse un nouveau signe au maire de Paris,
le 5 janvier 1994, à l'occasion des vœux au cours desquels
Jacques Chirac évoque la progression de la misère et des sans-abri
dans Paris : François Mitterrand l'approuve et le prend
quelques minutes en aparté dans un petit salon…
Durant les mois qui suivent, le maire de Paris se
livre à un exercice pour lui inhabituel : dans le plus grand
secret, il mène un travail de réflexion solitaire. S'il recherche
ses informations sur le terrain, au fil de ses tournées en
province, auprès de groupes de travail, mais aussi de certains
conseillers, il est en revanche seul à effectuer le travail de
synthèse. Il rencontre ainsi longuement Xavier Emmanuelli pour
parler de la misère qui sévit dans la capitale, visite les
quartiers défavorisés, consulte Sœur Emmanuelle. Il installe sa
table de travail dans une villa de Montfort-L'Amaury louée sous un
faux nom. Seuls Maurice Ulrich, Jean-Pierre Denis et Claude Chirac
sont dans la confidence. Quand le pensum du maire de Paris est
presque fin prêt, Nicole Lattès, l'éditrice, est mise dans le
secret. Le titre codé du livre est Une
nouvelle femme (en lieu et place du vrai titre qui sera
Une nouvelle France – réflexions 1), et
l'auteur se dissimule sous le prénom Justine… Le livre sort le 21 juin 1994, bénéficie
d'un très bon plan-médias et surprend à la fois par son ton et le
diagnostic qu'il porte. Chirac l'a dédié aux jeunes Français nés
après 1968, à « une génération qui observe une société hostile
sans pour autant en contester les fondements. Et pourtant… Dans
certaines banlieues où un jeune sur deux n'a pas de travail, on ne
peut plus parler de crise de l'emploi, mais d'une “désintégration
sociale”, comme le souligne Alain Touraine. Même angoisse dans un
pays dont la capitale est obligée, face à la montée de la détresse
et de la grande pauvreté, de créer un SAMU social pour effectuer
les gestes les plus élémentaires de la solidarité ! »
Toute l'introduction est de la même veine. Continuent à donner le
ton le premier chapitre intitulé « L'emploi avant toute
chose », ainsi que sa première ligne : « Le chômage
est notre tragédie. » L'auteur y propose un nouveau contrat
social. Il parle beaucoup de République, d'égalité des chances, et
formule ce terrible constat : « En vingt ans, les
Français ont peu à peu divorcé d'avec la France. Une crise
économique dont ils ne voient pas la fin a rompu pour beaucoup le
lien de confiance qui les unissait à la société. Anxiété devant le
chômage et risque d'exclusion. Vulnérabilité devant l'évolution des
techniques et l'ouverture des frontières… » Tous les thèmes de
sa future campagne sur la « fracture sociale » figurent
déjà dans cet opuscule de 141 pages qui devient instantanément un
best-seller, cependant que les élites font la fine bouche et ont
les yeux de Chimène pour un Balladur qui caracole en tête dans les
sondages.
La promotion d'Une nouvelle
France donne l'occasion au maire de Paris de continuer à
labourer la France profonde avant d'aller travailler, loin de
Paris, ses magouilles et ses miasmes médiatico-politiques, dans un
« ryokan », hôtel typiquement japonais niché à mi-pente
d'une haute montagne, à deux heures de Tokyo. Jacques Chirac adore
coucher par terre sur un tatami, il est familier des cloisons en
papier, de la baignoire en sycomore, il apprécie la cuisine
kaiseki faite sur des pierres
chauffées, goûte le musée de sculptures en plein air tout proche…
« Je suis persuadée, c'est devenu chez moi comme une
superstition, que de ce séjour quasi monastique est née la victoire
de mon mari. Car il a beaucoup réfléchi, beaucoup écrit. Personne
là-bas ne lui a fait signe. Il a vraiment senti le poids de la
solitude. Et c'est là qu'il a bondi », se souvient Bernadette
Chirac 8 .
Pendant ce temps-là, Jacques Pilhan et son équipe,
conseillers en communication de François Mitterrand, se sentent
quelque peu désœuvrés et s'emploient à démonter la « machine
infernale » de Balladur, qu'ils n'aiment pas. Le coup monté
par TF1 avec le concours de la Sofres, le soir même des résultats
des élections européennes de juin 1994, a particulièrement irrité
Pilhan 9 . S'appuyant sur un sondage effectué à la
sortie des urnes, TF1 a annoncé que si les Français avaient voté
pour un président, Édouard Balladur aurait été élu. Une annonce
faite avant même la proclamation des mauvais résultats (26 %
pour la liste Dominique Baudis) de la droite. Il y a là
effectivement de quoi crier à la manipulation, mais ce n'est pas le
genre de Pilhan. Le « gourou », comme les mauvais esprits
l'appellent, a suffisamment d'antennes dans les médias pour savoir
ce qui s'y trame. Il a ainsi mis au jour les rôles imbriqués des
« déjeuneurs de Torcello » – l'éditorialiste Alain
Duhamel, Jean-Marie Colombani, du Monde, Jérôme Jaffré, le très médiatique patron de
la Sofres, mais aussi Nicolas Sarkozy et Alain Minc – ainsi que de
TF1 et du journal Le Monde, les deux
grands médias faiseurs d'opinion. « Si ce que tu vis est dans
le poste, et si tu vois Balladur interviewé par les journalistes
dans le poste, tu en conclus que Balladur est formidable. Les
sondages te disent également de leur côté que Balladur est
formidable. Dès lors, le système est bouclé : Balladur est
vraiment formidable 10 … » Pilhan n'est pas peu fier de cette
formule : « Le réel est dans l'écran de télévision, et
l'opinion est dans le sondage. »
Bernard Brigouleix, responsable de la
communication à Matignon, confirme l'analyse de Pilhan. Il a
observé le manège 11 : « Nicolas Sarkozy a vite
compris que le directeur de la Sofres serait un formidable vecteur
pour la popularité d'Édouard Balladur. Jaffré est reçu partout. Il
est très ami avec deux commentateurs particulièrement
influents : Alain Duhamel, qui cumule les commentaires sur
France 2, Europe 1, dans Libération, Le Point et
quelques journaux de province ; et Jean-Marie Colombani,
directeur du Monde, intervieweur avec
Duhamel dans l'émission télévisée L'Heure de
vérité. Jaffré, Colombani et Duhamel ont formé un groupe de
“déjeuneurs” et s'assoient régulièrement à la table des ministres.
Ils côtoient par ailleurs Alain Minc, administrateur du
Monde et inspirateur d'Édouard Balladur
[…]. Nicolas Sarkozy et Jérôme Jaffré s'entendent bien : à
Sciences-Po, le jeune Sarkozy était l'élève du jeune Jaffré. Quoi
d'étonnant à ce qu'au fil de leurs conversations l'un et l'autre
soient passés de l'analyse de sondages à la stratégie
électorale ? Ces deux-là sont convaincus que l'élection
d'Édouard Balladur à l'Élysée se fera sans coup férir, dérogeant à
toutes les règles vérifiées sous la Ve République. »
Pilhan est néanmoins persuadé qu'il ne faudrait
pas grand-chose pour dérégler cette belle machine. À la mi-1994, il
a déjà en tête divers moyens de la gripper. Il estime que Balladur
utilise les médias de manière excessive et ne pourra donc plus, le
moment venu, changer de posture, passer de celle de Premier
ministre à celle d'aspirant-Président. L'effet de surprise ne
fonctionnant plus, l'avantage reviendra alors à Chirac. Pilhan est
persuadé que Balladur n'a pas utilisé la bonne « syntaxe
médiatique », qu'il vit dans une « bulle » à
l'atmosphère raréfiée, comme sur les hauteurs du Mont-Blanc. Ayant
amélioré au fil des années sa grille d'analyse en croisant
plusieurs disciplines – sociologie, linguistique,
psychologie –, en multipliant entretiens non directifs et
analyses qualitatives pour ausculter le corps social sans pour
autant négliger les sondages (commandés surtout à Jean-Marc Lech),
Pilhan a très tôt discerné la faille du dispositif balladurien, et,
en serviteur loyal, a fait part de ses conclusions au président de
la République.
Le 19 juillet 1994, François Mitterrand subit une
deuxième intervention chirurgicale qui va bouleverser les plans des
stratèges de Matignon. Les collaborateurs du Premier ministre sont
parfaitement informés de l'évolution probable de son cancer et du
temps qui lui reste à vivre. Les ministres qui assistent au très
bref Conseil des ministres du 3 août sont impressionnés par
l'état de fatigue du président qui n'a pu prononcer que quelques
phrases d'une voix rauque et voilée. J'ai pu moi-même le constater
juste après ce Conseil, m'étant alors entretenu avec lui pendant
une cinquantaine de minutes. Un article du Monde publié le 2 août ainsi que diverses
indiscrétions avaient été interprétés à l'Élysée comme témoignant
de la volonté d'Édouard Balladur de mettre ses troupes en ordre de
marche en cas d'élections anticipées 12 . Le Monde
décrivit avec force détails la constitution de la « FAR »
(force d'action rapide) placée notamment sous les ordres de Nicolas
Bazire et Nicolas Sarkozy. Les balladuriens auraient déjà trouvé
des locaux rue de Grenelle.
Le président n'aurait alors pas supporté qu'on
puisse ainsi parier sur sa mort. Du côté de chez Chirac, on fut
également tenté de commander des affiches électorales pour le cas
où, mais le maire de Paris fit tout arrêter en disant que « ça
portait malheur ».
Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet
d'Édouard Balladur à Matignon, ne situe pas le déclenchement des
hostilités entre Mitterrand et son ancien patron ce 3 août, et nie
avoir pris des dispositions à l'issue du fameux Conseil des
ministres. Ce n'est, selon lui, qu'après une interview accordée par
le Premier ministre à Radio Monte-Carlo, la veille de l'Assomption,
à l'occasion de la célébration du cinquantenaire du débarquement
allié en Provence, que la guerre entre les deux hommes a débuté.
Balladur s'y mettait pour la première fois en posture
présidentielle et empiétait sur le domaine réservé, parlant
longuement de politique étrangère – Rwanda, Bosnie, Europe, Algérie
– comme s'il en avait été le seul maître. Le Premier ministre
s'était également lancé dans une évocation de la période de la
guerre qui ne pouvait qu'irriter l'hôte de l'Élysée.
« C'était la plus grande et sans doute la
plus cruelle épreuve de notre histoire que nous avons vécue en
1940, et, quatre ans après, nous avons été libérés. Pourquoi ?
Bien entendu, l'évolution de la guerre nous y a aidés, mais ce qui
nous a aidés également, c'est l'unité de notre nation et l'unité
dont tous les Français ont su faire preuve dans la difficulté. La
première leçon à en tirer, c'est que, quand la France traverse des
épreuves, elle doit être unie. La seconde, c'est que, si nous avons
été libérés, c'était également – il est juste de le dire – grâce à
l'aide de nos Alliés […] : on a toujours avantage à faire
jouer la solidarité entre les nations qui sont éprises du même
idéal […] de liberté. »
Parler d'unité de tous les Français et ne pas
évoquer le rôle de la Résistance dans la libération de la France
relevait, pour le chef de l'État, de l'imposture. « Cette
interview a rendu François Mitterrand fou de rage », témoigne
Nicolas Bazire. Un autre entretien accordé au Figaro 13 et ayant pour titre « Ma politique
étrangère » était la preuve ultime que le Premier ministre se
prenait déjà pour le chef de l'État et n'avait même plus la
patience d'attendre sa mort.
Pilhan va donc pouvoir entrer en action,
s'employer à dérégler la machine – Sofres-TF1-Le Monde – qui, selon lui, intoxique les Français,
et « se payer » Balladur. Il obtient le feu vert du chef
de l'État pour « monter des coups » afin d'aider le maire
de Paris et d'enfoncer le Premier ministre. Une première
« fenêtre de tir » est proposée au président : le
50e anniversaire de la Libération
de Paris, à l'Hôtel de Ville. Accepté.
Tout a été minutieusement préparé. François
Mitterrand doit être accueilli par Édouard Balladur et Jacques
Chirac devant quatre mille invités. Il joue le premier rôle, non
seulement parce qu'il est chef de l'État, mais aussi parce qu'il a
été un des acteurs de ladite Libération en tant que membre du
Gouvernement provisoire. Il convient maintenant de gripper cette
machinerie bien huilée : il suffit de changer à la dernière
minute l'ordonnancement de la cérémonie.
Comme prévu, Jacques Chirac fait une courte et
brillante allocution. François Mitterrand, comme prévu, lui succède
et se lance dans une chaleureuse évocation de cette journée,
puisant avec bonheur dans ses souvenirs personnels :
« Oui, je me souviens, c'était après l'orage, une douce soirée
d'été […]. Avec le recul du temps, l'événement n'a rien perdu de sa
grandeur ni de sa signification… » Le président remercie au
passage le maire de Paris d'avoir organisé cette célébration. Ce
qu'ignorait Matignon, c'est que les deux hommes avaient prévu, pour
sacrifier à l'« usage républicain », de signer le livre
d'or de la Ville dans le bureau du maire sitôt après le discours du
président, laissant ainsi en plan devant les caméras de France
Télévisions un Balladur aussi impatient que privé de parole.
Précisons que le prétendu « usage républicain » était si
ancien que Claude Chirac avait été obligée d'aller au BHV acheter
un livre d'or, la Mairie de Paris n'en possédant pas ! Ces dix
minutes d'attente furent, pour le Premier ministre, un véritable
camouflet. La charge symbolique de l'incident n'échappa à
personne…
Jacques Chirac s'en souvient fort bien :
« François Mitterrand voulait que je le reçoive dans mon
bureau pour pouvoir prendre ses médicaments. C'était en réalité
pour emmerder Balladur. Le président n'a pas pris de médicaments.
Il a passé un moment avec moi dans mon bureau et semblait en bonne
forme. C'est là qu'il m'a dit : “Vous allez être élu.” A-t-il
déclaré la même chose à Balladur ? Je ne sais…
– François Mitterrand vous a adressé
plusieurs signes destinés à vous encourager, pensant que c'était
votre tour, parce que le peuple vous aimait…
– J'ai toujours eu de bonnes relations avec
lui. Ce n'était pas un personnage ordinaire… »
Depuis des mois, Jacques Pilhan, metteur en scène
de la « belle époque » mitterrandienne, l'homme qui joua
un rôle clé dans la création de SOS Racisme, qui inventa la
« Génération Mitterrand », transformée ensuite en
Tontonmania, puis en victoire éclatante
contre Jacques Chirac en 1988, n'a plus grand-chose à faire à
l'Élysée. Ce petit homme chauve aux yeux rieurs, qui réussit à
faire du président un type « chébran », dans une émission
à contre-emploi avec Yves Mourousi assis d'une fesse sur son bureau
pour l'interviewer, mais qui le fit aussi dialoguer avec les
Français dans le cadre solennel de la Sorbonne avec Guillaume
Durand en monsieur Loyal, ce grand communicateur est bien obligé de
constater qu'il n'est pas pour grand-chose, cette fois-ci, dans la
remontée de la cote du chef de l'État auprès des Français. Si
Mitterrand remonte, c'est qu'il sait « coller » à son
Premier ministre, devenu, lui, très populaire. Les Français se
mettent à adorer la cohabitation ; les deux têtes de
l'exécutif sont comme les deux hémisphères de leur
cerveau :
« François Mitterrand avait besoin de
retrouver une marge de manœuvre, sinon il était condamné à regarder
le Premier ministre, pendant neuf mois, se préparer à prendre sa
place. Tout semblait joué d'avance. La seule façon de le
contrecarrer, c'était de faire remonter Chirac », constate
sans amertume Nicolas Bazire qui a gardé de l'admiration pour
l'ancien président. Il continue : « Il ne manquait ni les
Conseils de défense, ni les Conseils des ministres. Il s'y montrait
brillant, forçant l'admiration des présents. J'ai approché de
nombreux grands dirigeants de ce monde ; aucun n'avait sa
culture ni sa dimension… Il était impressionnant. Il impressionnait
aussi Édouard Balladur, sans conteste. » L'ancien directeur de
cabinet du Premier ministre évoque une bourde – consciente ou
involontaire ? – de Balladur demandant des nouvelles de sa
santé au président.
– Comment voulez-vous que j'aille ? lui
répliqua, furibard, ce dernier.
« François Mitterrand a joué avec sa propre
mort, mais il ne supportait pas que d'autres puissent en jouer
», conclut Nicolas Bazire.
Il ne lui avait pas échappé que Pilhan était à la
fois le metteur en scène et le souffleur d'une pièce dans laquelle
Édouard Balladur ne jouait plus le premier rôle. Nicolas Bazire
avait appris que Jacques Pilhan s'était mis au service de Jacques
Chirac, dès le mois d'août, par l'intermédiaire de Jean-Michel
Goudard, tout en continuant à travailler pour François Mitterrand
qui avait encore assez d'énergie pour « monter des
coups » et – contrairement à ce qu'il avait affirmé à
plusieurs de ses collaborateurs – peser sur le choix de son
successeur.
Dans l'entourage du défunt président, les
anecdotes ne manquent pas sur cet épisode peu connu. François
Mitterrand, si favorable à Balladur jusqu'à l'été, parlait
désormais de l'« étrangleur ottoman », disait ne pas
supporter le « regard de poule » de son Premier ministre
scrutant ses propres traits pour y lire quand il mourrait. Le
président parlait en revanche de Jacques Chirac avec
sympathie : « C'est son tour », assénait-il. Il
était sensible à sa nouvelle solitude : les sondages
l'enfonçaient, l'« ami de trente ans » l'avait lâché,
certains fidèles s'étaient détournés de lui pour suivre Balladur.
Le chef de l'État estimait sa persévérance et, à un moment donné,
il éprouva même à son endroit quelque chose proche de l'amitié.
Michel Charasse rapporte 14 ce tournant :
« Quand, courant 1994, le maire de Paris,
lâché par la plupart de ses amis, s'est retrouvé coupé de tout,
enfermé dans son Hôtel de Ville avec une poignée de fidèles, et
contraint de parcourir la province à la rencontre de petites
foules, ou de présenter ses livres à la sauvette au journal
télévisé, le président pensait souvent à sa triste situation. Elle
devait lui rappeler ce qu'il avait lui-même vécu après l'affaire de
l'Observatoire ou au lendemain de Mai 1968 et de l'échec de la
FGDS, lorsqu'il était désespérément seul, entouré d'une petite
équipe qui perdait chaque jour un peu plus espoir. Il avait fini
par admirer M. Chirac qui persistait dans ses intentions, en
dépit de tous, et à qui la presse n'était pas particulièrement
favorable. Le président a toujours eu de l'inclination pour ceux
qui, contre vents et marées, n'abdiquent pas et ont le ressort de
résister au gouffre qui menace de les engloutir. »
Jacques Pilhan et son équipe s'en donnent donc à
cœur joie, mobilisent leurs amis dans la presse pour
« démantibuler la machine ». Ils préparent une nouvelle
mise en scène destinée à rendre encore plus lisible le choix du
président. Ils choisissent à cette fin la clôture – le 17 novembre
– du congrès de l'Association des maires de France, où l'on voit
une nouvelle fois le maire de Paris et le président de la
République en conversation chaleureuse.
Michel Charasse raconte 15 à sa manière cet épisode où le
message présidentiel reste inchangé, même s'il n'est pas fait
mention des services de Pilhan.
Avant d'arriver au Palais des Congrès, le
président lui aurait dit : « Puisque le maire de Paris va
m'accueillir à l'entrée de la salle, débrouillez-vous pour lui
faire savoir qu'en ce qui concerne la présidentielle je ne lui veux
aucun mal. Je n'ai pas l'intention de lui nuire – ni de
l'aider… »
À la sortie du Palais, profitant de la cohue,
Michel Charasse a réussi à glisser le message présidentiel à
l'oreille de Jacques Chirac. Ce dernier sourit :
« J'avais en effet cru le remarquer. »
Peer de Jong, l'aide de camp du président, qui se
trouvait dans la même voiture que lui, se souvient d'un engagement
encore plus marqué de François Mitterrand en faveur de Jacques
Chirac.
Dans le courant de l'été, Pilhan rencontre de plus
en plus souvent Claude Chirac. Les sondages sont toujours aussi
mauvais pour le maire de Paris qui s'attelle à la rédaction de son
deuxième livre, dans le prolongement du premier. Habitués à ne voir
Chirac exister que dans l'ombre de gourous successifs, les
observateurs ne situeront qu'à l'automne son « virage à
gauche » et son intérêt pour la « fracture
sociale », virage pris, estiment-ils, sous les influences
croisées de Philippe Séguin et de l'essayiste Emmanuel Todd, alors
que sa propre réflexion, engagée depuis l'automne 1993, a déjà
trouvé, dans Une nouvelle France, sa
première expression publique. Avant d'intégrer l'analyse de Todd,
il tourne en effet depuis des mois autour des mêmes thèmes et n'a
pas cessé de rencontrer des personnalités qui ne sont pas vraiment
classées à droite ni à l'extrême droite, comme Régis Debray, Rony
Brauman, Martine Aubry, etc.
C'est le 4 octobre 1994 que Jacques Chirac, emmené
par l'écrivain Denis Tillinac, son ami corrézien, se rend à une
réunion du club Phares et Balises,
fondé par l'éditeur Jean-Claude Guillebaud et Régis Debray.
« Monsieur le Premier ministre, nous avons ici un de nos amis
qui vient de faire une analyse qui devrait vous plaire. »
Emmanuel Todd prend la parole. De son brillant exposé, il ressort
notamment que « les classes supérieures se reconnaissent dans
le Premier ministre et le président de la Commission de Bruxelles,
alors que les catégories populaires en déshérence pourraient aller
vers Chirac 16 ». Chirac, emballé, demande à
Tillinac de lui procurer la note d'Emmanuel Todd élaborée pour la
Fondation Saint-Simon. Cette note, il va la souligner avec ardeur
de ses feutres vert et rouge. « Il y a vu la validation de ce
qu'il pressentait : les élites sont coupées de la France
réelle », explique François Baroin 17 . La note de Todd va se retrouver
au-dessus de la pile de dossiers qu'il consulte pour rédiger son
nouveau livre.
Un mois après la réunion de « Phares et
Balises », Jacques Chirac annonce dans La
Voix du Nord qu'il sera candidat.
Jacques Pilhan, de plus en plus présent aux côtés
de Claude Chirac, suit de près l'élaboration du livre du maire de
Paris ainsi que son plan-médias, sans avoir pour autant quitté le
service de François Mitterrand. Tous les commentateurs sont
intrigués par le pommier figurant en couverture de La France pour tous 18 . Sur la première proposition de couverture
du graphiste des éditions Nil ne figurait que le titre du livre.
Jacques Chirac la trouve trop dépouillée et propose d'y faire
figurer un symbole. Et c'est lui qui suggère le pommier… L'idée est
travaillée, acceptée et mise en œuvre à la fois par Claude Chirac,
les éditions Nil et Jacques Pilhan. Sans être intégré
officiellement dans l'équipe de campagne et en se gardant de hanter
la mairie de Paris, ce dernier sera régulièrement consulté par
Claude Chirac jusqu'à la fin de la campagne. Sitôt élu, mais avant
d'être investi, Jacques Chirac propose à Jacques Pilhan de
travailler pour lui. Perturbé, Pilhan hésite et fait part de ses
hésitations à son ami Jean Glavany qui le rassure et le pousse à
accepter la proposition du nouveau président. Jacques Pilhan
accepte à condition que Claude Chirac reste à travailler aux côtés
de son père et devienne en quelque sorte son « bras
armé » à l'Élysée, lui-même ne souhaitant pas y avoir de
bureau.
Jacques Chirac se souvient de cette fin d'année
1994 : « Je n'ai jamais douté à ce moment-là que je
gagnerais l'élection. Quelques jours avant la fin de l'année,
j'étais au plus bas dans les sondages, nous sommes allés dîner dans
un petit restaurant avec Juppé qui me dit : “Il y en a, ce
sont vraiment des salauds !” Je lui ai répondu posément que
nous allions remporter le scrutin. »
J'essaie encore une fois de lui demander ce qu'il
a ressenti à cette époque où il se retrouvait bien isolé après tant
de défections et de trahisons.
« Qu'est-ce que je vais faire ? Me
venger ?
– Vous devez trouver que la vie est
dure.
– Je ne suis pas un haineux. La haine est un
sentiment que je n'éprouve pas volontiers.
– Dans le dernier livre de Serge Raffy,
La Guerre des trois…
– Les trois, c'est qui ?
– Vous, Sarko et Villepin… Raffy affirme
qu'entre la fin 1994 et le début 1995 vous auriez envisagé de
laisser tomber ?
– Je n'ai jamais songé à laisser
tomber…
– Même à un moment où les sondages étaient au
plus bas ?
– Je ne suis pas porté sur la haine, je ne
suis pas enclin au découragement, je ne crois pas aux sondages,
qu'ils soient bons ou mauvais. J'ai là-dessus une opinion bien
arrêtée, à laquelle je reste accroché. Je ne suis pas sensible à
toutes ces estimations. Sondages ou pas sondages, j'étais déterminé
à me présenter. C'est une de mes différences avec Sarkozy. Je lui
dis souvent : “Arrête de scruter à tout bout de champ les
sondages, ça casse le moral et c'est en pure perte !”
– Toujours selon Serge Raffy, Villepin
prétend qu'à cette époque vous étiez si découragé que vous
envisagiez de tout plaquer et que vous auriez même commencé à
écrire un scénario de film…
– Absolument pas ! »
La manchette du Monde
daté du 12 janvier 1995 a de quoi choquer les chiraquiens – entre
autres. Le quotidien du soir a titré : « Les Français
considèrent l'élection d'Édouard Balladur à la présidence de la
République comme déjà faite ». Se fiant aux sondages, Jaffré
se fend d'un long commentaire qui semble disqualifier le scrutin
capital, sous la Ve République, en le
ravalant au rang d'une formalité.
Malgré ce soutien du Monde et de la plupart des médias, l'affaire
Schuller-Maréchal va néanmoins ternir l'image de Charles Pasqua,
donc, par contrecoup, d'Édouard Balladur, et insuffler un peu
d'oxygène au maire de Paris. Le ministre de l'Intérieur s'est en
effet pris les pieds dans le tapis en montant une opération
destinée à faire dessaisir le juge Halphen qui menaçait Didier
Schuller, élu RPR des Hauts-de-Seine, proche du maître de la place
Beauvau, dans une enquête sur les offices HLM. Des policiers ont
piégé Jean-Pierre Maréchal, beau-père du juge, dans le cadre d'une
tentative d'extorsion de fonds, notamment en recourant à des
écoutes illégales. Le beau-père du juge aurait promis d'intervenir
auprès de son gendre pour étouffer cette affaire embarrassante. Le
21 décembre, Maréchal père a été arrêté à Roissy alors qu'il venait
de recevoir un million de francs des mains de Didier
Schuller…
Le lendemain matin, François Mitterrand convoque
Michel Charasse et lui dit qu'il ne saurait accepter qu'on fasse
pression sur un juge ; il lui demande ce qu'il peut faire en
tant que garant de l'indépendance judiciaire 19 . Quelques heures plus tard, l'expert
en droit constitutionnel remet au président une brève note dans
laquelle il est notamment précisé qu'il peut faire diligenter une
enquête au niveau du Conseil supérieur de la Magistrature. Le
président décide sur-le-champ de s'adresser au Conseil présidé par
une vieille connaissance, l'ambassadeur Christian Graeff. Michel
Charasse attire néanmoins son attention sur la gravité d'une telle
démarche et lui conseille de s'en ouvrir au préalable au Premier
ministre et au garde des Sceaux. Le président demande à Michel
Charasse de convoquer les deux hommes pour le soir même à 18
heures. Balladur et Méhaignerie expliquent au président qu'ils
n'ont nulle intention de faire dessaisir le juge Halphen. Le chef
de l'État décide alors d'attendre le début de l'année pour saisir
éventuellement le CSM. Cependant que le Premier ministre fait route
vers Matignon, tombe une dépêche de l'AFP affirmant que la
procédure de dessaisissement du juge Halphen est bien en marche.
Fureur du président qui appelle le Premier ministre, encore dans sa
voiture :
« Je ne vous accuse pas, mais je constate. On
a menti au chef de l'État. Vous me placez dans une situation
inacceptable… »
Après avoir raccroché, le président dicte une
lettre sévère à Édouard Balladur, puis demande que l'on prépare
sur-le-champ la saisine du Conseil supérieur de la Magistrature.
Cette procédure solennelle change la nature de l'affaire
Schuller-Maréchal en fragilisant Charles Pasqua, « poids
lourd » du gouvernement. D'autant plus que le jour même de la
saisine, Paul Bouchet, président de la Commission nationale de
Contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), entame son enquête
sur les écoutes. Le 12 janvier, la Commission conclut ses
délibérations en constatant que ces écoutes étaient le
« premier acte d'une machination », et transmet ses
conclusions au Premier ministre. De son côté, le CSM apporte son
soutien total au juge Halphen.
Matignon est de plus en plus embarrassé par cette
affaire montée par le ministre de l'Intérieur et qu'il découvre
petit à petit. Les dégâts sont importants. La cote de popularité de
Balladur commence à fléchir.
Alors que brûle déjà la mèche allumée par François
Mitterrand, ce dernier a fait le 5 janvier, à l'occasion des vœux
de la municipalité de Paris, une nouvelle bonne manière à son
successeur. Dans le salon Pompadour – qui fut aussi la chambre à
coucher de Napoléon –, après l'échange des formules rituelles,
Jacques Chirac et François Mitterrand se sont entretenus pendant
quarante minutes, sans aucun protocole. Laure Adler, témoin de la
scène, raconte 20 :
« Il n'y a pas de soleil ce jour-là. Il ne
manque pas, la chaleur entre les deux hommes suffit à réchauffer
l'atmosphère. De mémoire élyséenne cohabitationniste, on n'a jamais
vu cela ! Chirac trouve les mots justes pour parler de la
santé de François Mitterrand. Ce dernier est touché. Le temps de la
trêve est-il arrivé ? Quatorze ans, en effet, c'est long, lui
répond le président, mais cela m'a permis de vous connaître. Et
l'évolution des combats politiques, qui nous ont si souvent
opposés, n'empêche pas, entre les personnes, une certaine capacité
de compréhension. Les vœux de bonne santé ? Je les accepte
bien volontiers. Nul ne possède l'assurance de traverser un peu
plus le temps… »
Infatigable malgré des sondages toujours en berne,
Jacques Chirac organise des débats en province, multiplie les
meetings, lance La France pour tous,
argumente sur la « fracture sociale ». Le 17 février
1995, il prononce son grand discours de campagne pendant deux
heures d'horloge. Il pèse chaque mot : « La machine
France ne fonctionne plus […]. Je suis venu vous dire qu'il est
temps de renoncer au renoncement ! » Quatre jours plus
tard, les courbes des sondages se croisent. Quelques jours encore,
et Chirac le ringard, le politicien usé, devient la coqueluche d'un
Tout-Paris saisi de chiracomania. Beaucoup gardent quand même
certains épisodes de sa carrière en travers de la gorge et se
demandent une fois de plus qui est ce diable d'homme.
Le Nouvel Observateur
du 2 mars le représente en couverture en mineur de Germinal, avec ce titre : « A-t-il
vraiment changé ? » L'auteur de l'article principal
laisse d'abord la parole à ceux qui le connaissent bien et qui
répondent en chœur qu'il n'a certes pas changé, mais qu'il est
enfin redevenu lui-même : « Un nouveau Chirac ?
Réponse d'un chiraquien transi, Jacques Toubon : “Non, il n'a
pas changé. Il a toujours été comme ça. Mais on n'était que
quelques-uns à savoir.” Réponse d'un chiraquien à l'amour vache,
Philippe Séguin : “Oui, il a changé. Mais il n'y a pas
plusieurs Chirac. Aujourd'hui, c'est le vrai : il s'est libéré
des conservateurs du RPR.” Réponse du chiraquien de service,
François Baroin, porte-parole de la campagne : “Le fait
d'avoir été largué par ses plus proches amis l'a changé : il a
trouvé son identité propre.” Réponse d'une chiraquienne de choc,
Claude Chirac, la fille cadette, qui s'occupe de la communication
de son père : “Il s'est rejoint : il exprime ce qu'il
est.” Réponse d'une chiraquienne au regard médical, le docteur
Élisabeth Hubert, secrétaire général adjoint du RPR : “Sa tête
et son corps sont réconciliés : il est enfin lui-même.”
Réponse de Jacques Chirac : “C'est vrai, je me sens mieux dans
ma peau. Je puise mon assurance dans la conviction que mon regard
sur la société française est juste.” »
Bien des années plus tard, Michel Junot, adjoint
au maire de Paris, confirmera à sa façon que Chirac s'était bel et
bien « rejoint » à gauche 21 : « Ce n'est que quelques années
plus tard, après 1995, que je me rendis à l'évidence : Jacques
Chirac non seulement n'était pas un homme de droite, mais il ne
voulait rien devoir aux “réactionnaires” et aux conservateurs. Dans
une certaine mesure, l'extravagante situation qui lui valut en 2002
d'être réélu par 82 % des Français, dont 60 % d'électeurs
de gauche, contre Le Pen, dut lui apporter, plutôt que la gêne
qu'ont cru déceler certains commentateurs, une intime
satisfaction. »
Déballadurisé, Chirac est donc devenu lui-même.
Son incroyable énergie, sa proximité d'avec les gens, son charisme
ont fait le reste. Il est désormais en empathie avec les Français,
par-dessus la tête des élites. Les ultimes coups portés contre lui
ne freineront plus sa marche vers l'Élysée.
Le 22 mars, un mois pile avant le premier tour de
l'élection présidentielle, Le Monde se
livre à une dernière manœuvre contre le maire de Paris. Montée par
qui ? Comme l'affaire dont il est question n'a donné lieu à
aucune plainte ni à aucune instruction, la seule source possible
est le fisc, placé sous les ordres du ministre du Budget qui n'est
autre que Nicolas Sarkozy. En une du journal, un titre conçu pour
tuer : « M. et Mme Chirac ont tiré profit d'une
vente de terrains au Port de Paris ». La maison Falguière
22 ne fait pas dans la
dentelle… Le lecteur comprend à l'évidence que le candidat Chirac a
profité de sa situation de maire de Paris pour s'enrichir
personnellement, même si les trois phrases qui condensent l'article
annoncé en page 7 peuvent nuancer quelque peu son premier
jugement :
« Propriétaire de 247 hectares de terrains
situés en bord de Seine à Vigneux, dans l'Essonne, la belle-famille
de Jacques Chirac a vendu une parcelle de 103 hectares à un
promoteur immobilier qui les a revendus le même jour,
20 janvier 1993, au Port autonome de Paris, établissement
public placé sous la tutelle de l'État. Cette transaction a
rapporté à Mme Chirac, détentrice de 1/27e de l'héritage, une plus-value de 1,4 million de
francs figurant dans la déclaration de revenus de M. et Mme Chirac
pour 1993 (Le Monde du 21 mars).
Achetés 63 millions de francs par le promoteur, ces terrains ont
été revendus au Port autonome pour 83 millions de
francs. »
Le soir de cette publication, Alain Juppé qualifie
non sans raison de « grossière manipulation » l'article
du Monde. « Comme on n'a rien à
reprocher à Jacques Chirac, on a trouvé la combine : on va
s'attaquer à la famille de sa femme ! » Évoquant les
explications de l'« entourage de Jacques Chirac »
publiées le même jour par le journal, le président du RPR par
intérim affirme : « On dit d'ailleurs, noir sur blanc,
que les explications fournies sont limpides ; mais le titre
entretient la confusion. » Effectivement, le titre assassin a
été conçu alors que les journalistes du Monde savaient pertinemment que cette
« affaire » n'en était pas une…
La veille de la parution de l'article, vers 22
heures, dans le bureau de Bernadette Chirac, au premier étage de
l'hôtel de ville de Paris, quelques personnes de confiance sont
réunies autour de la femme du maire de Paris pour plancher sur le
questionnaire envoyé par Laurent Mauduit et Olivier Biffaud, les
deux journalistes qui ont mené l'« enquête ». Il y a là
le frère de Bernadette Chirac, Dominique de Villepin, Me Francis Szpiner et Roger Romani. Nul ne
connaît les tenants et aboutissants de ce qui ressemble à une
machine infernale. Le temps presse. Qui pourrait les aider ?
Romani pense à Jean-François Legaret, RPR, vice-président du Port
autonome de Paris. Peu avant minuit, Legaret rejoint la cellule de
crise. Il appert que non seulement Bernadette Chirac, pas plus que
son mari, n'est intervenue dans cette affaire, mais que ses frères
n'ont pas tiré le meilleur parti des terrains et ont probablement
vendu en dessous du prix du marché. À cinq heures du matin, la
réunion se termine : Dominique de Villepin téléphone à
Jean-Marie Colombani pour lui annoncer l'envoi d'un communiqué qui
se retrouvera dans le journal sourcé « de l'entourage de
Jacques Chirac ».
L'« affaire » fait long feu. Trois jours
après avoir fait exploser la bombe qui avait pour but de blesser à
mort le candidat Chirac, Le Monde
publie les lettres des deux présidents du Port autonome de Paris
qui ont eu à connaître de la question des terrains. Daniel Maquart
précise d'emblée : « Ayant été limogé par l'actuel
gouvernement, je n'en suis que plus à l'aise pour m'exprimer. À
aucun moment je n'ai subi une quelconque pression de Jacques
Trorial, président du conseil d'administration, ou de membres de
celui-ci, pour influer sur ma décision de proposer cette
acquisition […]. J'ajoute que, ni de près ni de loin, Jacques
Chirac, sa famille ou ses proches, les représentants de la Ville au
conseil ou l'administration de celle-ci, ne sont intervenus en
faveur de cette opération auprès de moi.
« Cette acquisition n'était nullement
improvisée. Elle s'inscrivait dans le cadre du schéma directeur
d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France […].
Contrairement aux assertions de votre journal, l'opération menée
par le [Port] a été parfaitement régulière. Elle a été approuvée
par le conseil d'administration du 28 octobre 1992 avant toute
conclusion d'actes ; elle était conforme à l'estimation
financière du service des Domaines. »
On comprend la colère de Bernadette Chirac qui,
quelque temps plus tard, évoquera de nouveau cette affaire avec
Jean-François Legaret : « Ce fut un épisode dramatique.
On sait qui en a été à l'origine. Je ne le lui pardonnerai jamais.
Ma mère a failli en mourir 23 … »
L'armada médiatico-politique qui a tout fait pour
porter Balladur vers la victoire et écraser le maire de Paris de
son mépris va mordre la poussière devant le peuple souverain,
narquois, ravi de « jouer à Guignol » à l'occasion de
l'élection présidentielle. Jacques Chirac accède enfin à
l'Élysée ; il est heureux de la façon dont François Mitterrand
l'accueille et l'installe dans le bureau qu'il a pris soin de
réaménager pour son successeur. Bernadette Chirac est lyrique quand
elle évoque cette passation des pouvoirs républicaine et
apaisée : « François Mitterrand lui a passé le flambeau.
C'est une belle histoire. »
Jacques Chirac parle maintenant de son
prédécesseur avec respect et affection. Jusqu'à sa mort, il lui a
téléphoné pour prendre de ses nouvelles, parler du parc et de ses
canards, et il ne s'est manifestement pas forcé pour écrire
l'allocution qu'il prononcera quelques heures après le décès de
François Mitterrand, rendant non seulement hommage à l'homme
d'État, mais aussi à « l'homme, dans sa richesse et sa
complexité », avant de terminer par l'évocation de ses
rapports avec lui.
« Ma situation est singulière, car j'ai été
l'adversaire du président François Mitterrand. Mais j'ai été aussi
son Premier ministre, et je suis aujourd'hui son successeur. Tout
cela tisse un lien particulier où il entre du respect pour l'homme
d'État et de l'admiration pour l'homme privé qui s'est battu contre
la maladie avec un courage remarquable, la toisant en quelque
sorte, et ne cessant de remporter des victoires contre elle. De
cette relation avec lui, contrastée mais ancienne, je retiens la
force du courage quand il est soutenu par une volonté, la nécessité
de replacer l'homme au cœur de tout projet, le poids de
l'expérience. Seul compte, finalement, ce que l'on est dans sa
vérité et ce que l'on peut faire pour la France. »
Jacques Chirac président garda Jacques Pilhan à
ses côtés pour remplir les fonctions que celui-ci avait occupées
auprès de François Mitterrand. Pilhan mourra à son tour trois ans
plus tard. Le 3 juillet 1998, devant les trois Chirac réunis –
le président, Bernadette et leur fille Claude –, très
affectés, Jean Glavany, l'ami du défunt, déclarera.
« Monsieur le président, quand vous avez
sollicité la collaboration de Jacques, il s'en est longuement
entretenu avec quelques-uns d'entre nous, ses amis. Il devinait
qu'ici et là certains ne comprendraient pas cette continuité peu
ordinaire. Parce que nous l'aimions, nous lui avons dit :
“Fais le métier que tu aimes.” Au-delà du magnifique discours que
vous avez prononcé à la mort de François Mitterrand, et dont
Jacques nous a toujours dit – encore la discrétion ! – qu'il
n'y était pour rien, nous savons, nous, que si vous avez choisi
Jacques, et que vous êtes là aujourd'hui, c'est que la qualité
humaine n'est pas chose dérisoire pour vous. »
1 Le 10 décembre 2006.
2 Institution catholique située à
Paris au 104, rue de Vaugirard dans le VIe arrondissement.
3 Conversations
avec un Président, film en cinq épisodes de Jean-Pierre
Elkabbach, diffusé par France 2.
4 Voir l'excellent ouvrage de
Raphaëlle Bacqué et Denis Saverot, Chirac
Président. Les Coulisses d'une victoire, Éditions du Rocher
et Éditions DBW, 1995.
6 La loi Falloux interdisait ou
limitait l'affectation de fonds publics à l'enseignement privé. La
majorité sénatoriale abolit cette loi par surprise le 15
décembre.
7 Conversation, op. cit.
Sauf indications contraires, les paroles de François Mitterrand
figurant entre guillemets dans ce chapitre en sont extraites.
9 Je me suis servi dans ce chapitre
de deux précédentes enquêtes, Pierre Péan, Dernières volontés, derniers combats, dernières
souffrances, op. cit., et
La Face cachée du Monde, op. cit.
10 Entretien avec l'auteur. Ce
chapitre utilise des confidences faites à plusieurs reprises par
Jacques Pilhan et un entretien réalisé par Le
Débat et publié dans le n? 87 de la revue de
novembre-décembre 1995.
11 Bernard Brigouleix, L'Histoire indiscrète des années Balladur, Albin
Michel, 1995.
13 En août 1994. Précisons que le
Premier ministre n'était pour rien dans le titre donné par la
rédaction du journal à cette interview, et qui avait tant irrité le
président.
15 Ibid.
17 Nouvel
Observateur du 2 mars 1995.
18 Jacques Chirac, La France pour tous, Nil Éditions, 1994.
20 Laure Adler, L'Année des adieux, Flammarion, 1995.
22 Du nom de la rue où se trouve à
l'époque le siège du Monde.
23 Entretien avec Jean-François
Legaret.