40

Annileen resta assise avec ses enfants jusqu’à minuit passé et compara leurs versions des événements impliquant Orrin. Une fois Kallie et Jabe au lit, épuisés, elle se protégea du froid en s’agrippant à son oreiller et tenta de faire la part des choses. Tant de nouvelles. Toutes insensées.

Jabe avait mal agi, certes, mais elle n’arrivait pas à comprendre le rôle exact qu’avait joué Orrin. À l’entendre, les ennuis de Jabe étaient bien plus graves qu’une farce ratée. Mais si Orrin avait besoin d’une telle somme d’argent en liquide, il ne l’aurait pas obtenue en cambriolant Wyle Ulbreck : le vieillard gardait sa fortune sous forme de lingots plaqués en aurodium, enterrés sous sa fosse septique.

Alors, que fabriquaient-ils chez lui ?

Elle consulta pour la septième fois le chrono près de son lit. C’était son anniversaire depuis trois heures et demie déjà, pendant lesquelles elle n’avait pas fermé l’œil autrement que pour pleurer. Sa chambre peu meublée se trouvait à plus d’un mètre sous la surface, avec une haute fenêtre entrebâillée. Les odeurs de bétail, aussi fortes fussent-elles parfois, lui rappelaient la maison de son enfance. Mais après les événements de cette nuit, elle avait seulement froid. Elle remonta l’étoffe marron sous laquelle elle s’était blottie pour se couvrir la tête.

— Mon manteau est-il confortable ?

Annileen hasarda un coup d’œil hors de sa couverture improvisée. Éclairé de dos par la lune. Ben était juché au bord de la fenêtre ouverte. Vêtu de la tenue qu’il portait devant chez lui, le jour de cette première visite, il arborait un air grave.

Elle n’en fut pas moins ravie de le voir, même ici, à cet instant. Compte tenu de son penchant pour les apparitions subites, cette arrivée à l’improviste paraissait presque normale.

— Bonjour, Ben, dit-elle en se redressant.

En se rendant compte qu’elle était à moitié nue sous son manteau, elle le remonta jusqu’à son menton en rougissant.

— Désolée, fit-elle. J’imagine qu’il faut vous le rendre.

— Non, non, ne le lâchez pas ! répondit Ben en tournant si vivement la tête qu’il faillit se cogner au plafond.

Annileen pouffa, pour la première fois depuis des heures. Elle lui demanda de regarder dehors le temps qu’elle trouve sa chemise de nuit.

— Catastrophe évitée, conclut-elle en lui tendant son manteau. Vous devez être épuisé, ajouta-t-elle lorsqu’elle le vit voûter les épaules en s’adossant au mur.

Elle avait presque oublié que cette journée avait commencé dans le désert, avant Mos Eisley.

— Fatigué, en effet. J’ai été très occupé, répondit-il tranquillement, à distance respectueuse de son lit. Il faut que vous m’écoutiez, car le temps presse. Je sais qu’Orrin est venu ici, déclara-t-il en levant les yeux vers elle.

Annileen s’agenouilla sur son lit et acquiesça.

— Il vous a parlé de l’argent qu’il devait à Jabba ? demanda Ben.

— Et de la banque, ajouta Annileen en hochant tristement la tête. Quelle somme ! J’ignore comment il en est arrivé là.

— C’est à cause de l’eau. Une eau magique, bien meilleure que toutes les autres. Et à cause des vaporateurs qui la produisaient.

— Vous parlez de ça, dit Annileen en lui tendant la flasque de sa table de nuit.

Ben ne refusa pas. Il but avidement, s’essuya la bouche puis poursuivit.

— Vous m’avez raconté que Dannar n’avait jamais exploité la formule à cause du coût. Mais qu’après sa mort, Orrin avait énormément investi.

— Il y a six ans, répondit-elle en opinant du chef. Dannar était mort. La femme d’Orrin était partie. Il avait touché le fond. Je crois qu’il s’agissait pour lui d’une façon de se réapproprier sa vie.

— Mais le succès n’est jamais arrivé. Ses dettes se sont accumulées. Et il a contracté un emprunt auprès d’un individu qui travaillait en réalité pour Mosep Binneed, un des gestionnaires de Jabba.

— Orrin me l’a raconté.

— Il a commencé à liquider ses biens, poursuivit Ben. Je le sais, car je reviens à l’instant de son bureau au ranch.

Elle écarquilla les yeux.

— Vraiment ?

— Oui. J’ai pensé qu’il y conserverait ce qu’il n’osait pas laisser traîner au bureau de la boutique. Que j’ai également fouillé, ajouta-t-il avec un air coupable.

— Mais comment êtes-vous entré ? demanda Annileen en plissant les paupières. Peu importe, dit-elle en soupirant, impatiente. Continuez.

Ben se leva et enchaîna calmement.

— Orrin était ruiné. Il s’est donc tourné vers une ressource qu’il contrôlait. Des fonds publics.

— La Caisse du tocsin ! s’exclama Annileen, sous le choc.

— Selon vous, la Caisse contenait autrefois assez d’argent pour défendre la moitié de la galaxie.

— Je plaisantais, dit Annileen en tendant le bras pour fermer la porte du couloir. Et il se servait légalement de cette somme pour acheter des armes et des landspeeders. Les garages contenaient un véritable arsenal !

— Mais il utilise aussi ces speeders pour son ranch. Et il s’en est servi pour garantir des emprunts. Quant aux armes, elles venaient de votre boutique. Il ne les payait donc pas vraiment le prix fort.

— Et mon nouveau landspeeder ?

— En location. Le vendeur n’était pas censé vous le dire.

— Évidemment.

Annileen fit la moue en roulant des yeux.

— Il a donc détourné des fonds. Ça ne devrait pas me surprendre.

Ben retourna devant la fenêtre et la lune projeta son ombre jusque sur le lit.

— Je crains qu’il n’y ait autre chose. Orrin ne pouvait compter sur le tocsin des Colons pour renflouer ses finances que quand la Caisse était pleine. À l’époque où les Tuskens ravageaient la région, ça ne posait aucun problème. Mais il y a trois ans environ… quelque chose s’est produit.

— Je me souviens, dit Annileen. Après l’attaque chez les Lars.

— Oui, fit Ben, nimbé d’une aura de mystère par les rayons de lune. J’en ai entendu parler. Après le raid, quelque chose est arrivé aux Tuskens… j’ignore quoi exactement. Mais les hommes des sables en ont été terrorisés. Et les attaques ont presque cessé. N’est-ce pas ?

Annileen resta assise, crispée et pensive.

— Les attaques ont cessé, répéta-t-il. Et en quelques mois l’argent s’est tari. La Caisse du tocsin s’est vidée.

— Les gens n’achetaient même plus autant d’armes ici, ajouta-t-elle.

— Orrin ne pouvait plus rembourser Jabba. Il ne lui restait plus rien pour garantir d’autres emprunts. Sa stratégie reposait sur la peur des Tuskens. Quand elle a disparu, il lui a fallu la faire renaître.

Annileen haussa les sourcils, stupéfaite.

— Je n’arrive pas à y croire !

— C’est pourtant vrai, dit Ben en joignant les mains. Orrin et ses enfants, sans doute assistés de quelques ouvriers, ont mis en scène de fausses attaques. Vous avez pu recommencer à vendre des armes, et la Caisse s’est renflouée.

Il regarda par la fenêtre.

— Ils ne choisissaient pas leurs cibles au hasard. Ils s’en prenaient à ceux qui refusaient de cotiser.

Elle en resta bouche bée.

— Comment le savez-vous ? Jabe vous en a parlé ?

Ben secoua la tête.

— Ils n’ont impliqué le gamin que maintenant, à la fin.

Annileen en fut soulagée.

— Non, mon premier indice m’est venu d’A’Yark, cette nuit. Elle m’a expliqué que les Tuskens des brèches de Roiya, qu’ils appellent les Piliers, ont été agressés par les Colons à neuf reprises durant cette saison. (Il compta sur ses doigts.) Ce qui correspond aux attaques mentionnées par la Caisse. Mais elle a ajouté que les Tuskens de la région n’ont pillé que quatre maisons pendant cette période.

Annileen se redressa.

— Vous la croyez ?

Ben la regarda droit dans les yeux.

— Pourquoi un Tusken mentirait-il ?

— Il pourrait s’agir d’autres bandes. Il y en a tellement !

En jetant un coup d’œil à la porte close, elle baissa la voix.

— Un Tusken ne peut pas savoir tout ce qui se passe dans le coin !

— Je crois que cette Tusken, si. Ou qu’elle en sait plus que les autres.

Il s’agenouilla devant elle.

— Orrin s’en prenait aux réfractaires. Ses opérations ne faisaient pas de morts. Mais elles terrorisaient et blessaient ses contradicteurs, les poussant à céder. Et pour parfaire l’illusion, il envoyait ses miliciens effectuer des frappes punitives contre les Tuskens… sans se soucier de tuer, cette fois. Orrin avait besoin d’un cycle de violence pour prospérer. Il en a donc créé un. J’ai déjà vu ça, conclut-il d’un air sombre en détournant les yeux.

Elle le regarda, inquiète.

— Mais les attaques des Tuskens existent ! Nous en avons essuyé une !

— Oui. Mais pensez-vous que de vrais Tuskens s’en prendraient souvent à des fermiers isolés en les laissant en vie ?

Ben se frotta la barbe.

— Connaissez-vous Lotho Pelhane ?

Bien sûr qu’elle le connaissait.

— Le père de Tyla Bezzard. Il travaillait au ranch d’Orrin il y a des années. Les Tuskens l’ont tué le jour où nous nous sommes rencontrés, vous et moi !

— Lotho était un réfractaire. Des semaines plus tôt, il avait été molesté par des pillards, de nuit. Il avait déménagé chez ses enfants, qui avaient fini par souscrire à la Caisse.

Ben se tourna vers elle.

— Tout ceci figure dans les journaux d’Orrin… ainsi qu’une mention problème résolu la nuit où Lotho a subi la première attaque de soi-disant Tuskens. (Il soupira.) Il y en a eu d’autres. Orrin ne se contentait pas de détourner les fonds de la Caisse. Il l’a transformée en une entreprise compréhensible par Jabba : un racket de protection.

Annileen scruta les ténèbres.

— Alors, il a trahi tous les habitants de l’oasis.

— Et du désert, ajouta Ben. Ne l’oubliez pas. Des hommes des sables sont morts parce que le service offert par Orrin consistait à les tuer.

— Vous n’arriverez pas à me faire compatir au sort des Tuskens, rétorqua Annileen d’un ton indigné.

— Chaque vie est sacrée. Même si elle emprunte des formes qui nous échappent. Vous le savez, n’est-ce pas ? dit-il en levant les yeux vers elle.

Elle ferma les paupières, reprit son souffle et hocha la tête.

— Mais tout a changé aujourd’hui, poursuivit-il. Mosep voulait son argent. Ce qui explique ce voyage à Mos Eisley.

— Alors, vous l’avez vraiment espionné !

Sans la quitter des yeux, Ben répondit avec tact.

— Oui. Je… crains que cette proposition de mariage n’ait plus à voir avec l’argent qu’avec l’amour. Navré d’avoir à vous le dire.

— Je m’en suis rendu compte il y a deux heures. Je m’en fiche. J’aurais juste préféré que vous m’en fassiez part sur le chemin du retour aujourd’hui !

Ben respira à fond.

— Je n’aime pas me mêler des affaires d’autrui. Mais quand Mosep a évoqué les « autres ressources » d’Orrin, j’ai repensé au tocsin des Colons et à Ulbreck, son principal obstacle. Sur une intuition, je me suis rendu chez lui et j’y ai surpris Orrin déguisé. Et lui-même m’a vu. Ce qui change tout. En ce moment même, si je l’ai bien cerné, Orrin envisage de me faire assassiner, conclut-il gravement.

— Assassiner ! s’exclama-t-elle en riant. Orrin peut se costumer, mais il n’a rien d’un tueur !

Ben n’était pas d’accord.

— Il ne viendra pas seul. Ce n’est pas la façon de faire de ceux de son genre. Mais je peux m’en tirer. J’ai un plan.

Annileen se rapprocha du bord du lit et tenta de le raisonner.

— Ben, non. Sérieusement. Vous avez dit vous-même qu’il n’avait tué aucun Colon. Il ne s’agit pas d’une sorte de crapule galactique qui…

— Tous les milieux produisent des monstres, rétorqua-t-il. Pas besoin de pouvoir illimité pour faire des victimes. Il suffit d’être poussé par le désespoir.

— Il y a encore du bon en lui, dit Annileen en repensant à l’homme souriant qu’elle connaissait depuis des années. J’admets qu’il s’agit d’un vaurien menteur, tricheur et incontrôlable et qu’on a du mal à…

— Peut-être qu’il y a en effet du bon en lui, dit Ben en se levant. Comme chez la plupart des gens. Mais regardez ce qu’il a fait. Ce qu’il est prêt à faire. Jusqu’où devra-t-il aller ?

La question donna le vertige à Annileen.

— Je vous croyais amis tous les deux.

Ben fixa un coin sombre.

— Je ne pense pas, dit-il doucement. Mais même si nous étions amis depuis des années, ça ne changerait rien. Quand vos amis tournent mal, vous n’avez pas le choix, il faut agir.

— On dirait… que vous en savez quelque chose.

— Plus que je n’aurais souhaité, murmura-t-il.

Il détourna le regard. Annileen se leva. Il fallait ramener Ben à la raison. Certes, les crimes d’Orrin nuiraient aux Calwell si on le démasquait publiquement, même si le rôle qu’avait joué Jabe dans l’attaque des Ulbreck n’était jamais révélé. Les deux familles étaient liées aux yeux de toute l’oasis, et elle-même avait prospéré grâce aux ventes d’armes pour la Caisse. Tout risquait d’être perdu, pour elle autant que pour Orrin. Mais elle ne pouvait prendre le risque qu’une autre vie soit ruinée.

Elle tendit le bras vers lui.

— Vous n’avez pas à l’affronter. Ben. Ce n’est pas votre responsabilité.

— Non, fit Ben en lui tournant le dos. Il est trop tard. Il fera appel à ses alliés pour me réduire au silence, et je ferai appel aux miens.

Il n’expliqua pas de qui il parlait, ou de quoi.

— Mais peu importe. Votre voie est toute tracée, ajouta-t-il.

— Ma voie ?

Ben se retourna pour poser doucement ses mains sur les épaules d’Annileen.

— Annileen, me faites-vous confiance ?

— Quoi ?

— Me faites-vous confiance ? Quant à ce qu’il convient de faire désormais ?

— Oui, murmura-t-elle aussitôt. Absolument.

Comme à personne d’autre depuis Dannar, faillit-elle ajouter.

Il la regarda droit dans les yeux.

— À quoi renonceriez-vous pour sauver votre avenir ?

Elle prit une profonde inspiration.

— Il y a quelques heures, j’aurais renoncé à n’importe quoi pour sauver mon fils.

— C’est tout ce que j’avais besoin d’entendre, dit Ben. Demain, reprit-il d’un ton urgent, je veux que vous vidiez les lieux. Vous et votre famille. Prenez tout ce qu’il vous faut, mais aussi tout ce que vous ne souhaitez pas perdre. Parce que vous ne reviendrez pas.

Le cœur d’Annileen lui remonta dans la gorge.

— C’est si grave ? souffla-t-elle.

Le regard de Ben la transperça.

— Oui, et je crois que vous le savez. J’ai dit que je pouvais m’occuper d’Orrin et je le ferai. Mais si nous suivons la voie de la justice, vous et vos enfants compterez parmi les dégâts collatéraux. Navré. (Il baissa les yeux.) J’arrêterais si je pouvais. Il n’y a rien de pire que de perdre un foyer que l’on connaît depuis des années. Mais je ne vois aucune manière de l’éviter.

Les larmes d’Annileen s’étaient mises à couler. Elle ne savait pas quoi dire, hormis qu’il avait raison. Elle ne survivait que grâce à la confiance de ses voisins. Quand la vérité éclaterait au grand jour, vingt ans d’efforts disparaîtraient en un claquement de doigts, quelle qu’ait pu être l’opinion de ses proches auparavant.

Il lui caressa doucement les joues du dos de la main.

— Ce n’est pas juste, je le sais. L’ordre qui règne dans nos vies peut s’écrouler en un instant. Parfois par manque de diligence de notre part. Parfois, ce n’est la faute de personne…

Elle leva les yeux vers lui en reniflant.

— Non, dit-elle en essuyant ses larmes. Je n’ai pas fait preuve de diligence.

Une détermination nouvelle l’envahissait. Un second souffle… comme ce vent qui avait apporté Ben dans son monde ? Peu importe. Elle avait connu des hauts et des bas. La faiblesse ne faisait pas partie de son tempérament. Elle redressa les épaules.

— Très bien, dit-elle. Arrangeons ça. Je suis prête.

Ben s’illumina.

— Entendu, alors.

Il se retourna pour se hisser sur le rebord de la fenêtre.

— Faites vos bagages. Procédez aux préparatifs nécessaires, mais n’en parlez à personne. Rejoignez-moi juste avant le coucher des soleils. J’en aurai sans doute terminé, alors.

Elle lui tendit son manteau.

— Où irai-je ?

— Chez moi, dit Ben. Mais ce ne sera qu’une étape.

 

Méditation

Je vais y mettre un terme.

Vous voyez, où j’en suis, Qui-Gon. Assis seul dans le froid, à flanc de colline, attendant le lever des soleils. Vous voyez ce que j’ai fait, tous mes préparatifs.

En outre, vous en connaissez la cause. J’espère que vous ne méjugerez pas trop sévèrement.

« Il y a encore du bon en lui. » Exactement ce que Padmé m’avait dit d’Anakin. J’ignore si j’y croyais vraiment. Si j’avais prêté plus d’attention à ses premières transgressions, peut-être aurais-je vu sur quelle voie elles le poussaient. Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’Orrin Gault n’a pas basculé à cause d’un acte unique : il a accumulé les petits crimes toute sa vie. Il sourit, il ment et les gens l’apprécient. Mais il est temps pour lui de payer l’addition. Et sa peur le pousse à des actes de plus en plus graves.

Je crois qu’il reste une chance à Jabe Calwell, s’il peut s’éloigner d’Orrin. Je sais, je sais… Palpatine n’a pas corrompu Anakin à lui seul. Anakin avait ses propres défauts. Des défauts que je n’ai pas vus, et que je n’ai pu l’aider à surmonter. Mais l’empereur a joué un rôle. J’ignore s’il aurait été possible d’isoler Anakin de son influence. J’ai essayé… mais trop tard. Jabe est différent, à mon avis.

Une autre chance de bien faire.

Je comprends. Je ne suis pas venu ici pour chercher la rédemption ni pour aider les premiers adolescents que je rencontre à échapper à la destruction. Ni même pour me racheter, comme Annileen l’a suggéré plus tôt. Je sais que je suis venu pour une raison.

Pour protéger Luke Skywalker.

Et pour être prêt lorsque Luke, ou Bail Organa, ou quiconque entretient l’espoir dans la galaxie, aura besoin de moi. Si j’y trouve l’absolution, très bien. Mais elle passe en second.

Comme tout ce qui m’entoure, je le crains. Annileen. L’oasis. Ces gens. Ils passent tous en second. Le seul moyen d’agir à l’échelle galactique consiste pour moi à ne rien faire à l’échelon local. Rien du tout.

Quoi que ma raison ou mon cœur puisse me dire.

Vous m’avez entendu ces dernières semaines. Du moins je l’espère. Vous ne m’avez pas répondu, mais j’espère que vous m’entendiez. Vous savez que j’ai de nouveau échoué… cette fois en tant qu’ermite. Obi-Wan fait sans cesse irruption dans la vie de Ben Kenobi. Nous ne faisons qu’un, évidemment. Mais ce qui reste d’Obi-Wan en moi souhaite aider les gens, faire le bien. Être un Jedi ! C’est la condition pour sentir que je peux vivre en paix tandis que d’autres souffrent.

Cela m’a coûté tant d’efforts, de concilier tous ces aspects. Comment Ben peut-il exister si Obi-Wan l’en empêche ?

Mais la Force me montre le chemin.

Ce sera difficile, mais il y a un sentier que je peux arpenter, au milieu de toutes ces influences. Il permettra à la justice de triompher tout en m’accordant l’intimité nécessaire pour faire mon travail. Il dépend de nombreux éléments et de la boîte aux lettres secrète dont j’ai parlé il y a quelques semaines.

Et puis, il y a mes « alliés ». Impossible de prévoir ce que feront les Tuskens. Ils sont capables d’actes effroyables. Je sais ce que certains d’entre eux ont fait à la mère d’Anakin, il y a quelques années : Padmé m’en a fait part. J’ai toujours eu l’impression qu’elle me cachait quelque chose… sans doute en rapport avec le sort d’Anakin. Je ne pense pas dévoiler ce secret. Mais A’Yark, au moins, se sent manifestement responsable des siens. Je persiste à espérer qu’Orrin admette sa culpabilité et rebrousse chemin… mais dans le cas contraire, je dois empêcher que les catastrophes se poursuivent.

Tant de facteurs à envisager.

Mais quand les soleils se lèveront, je crois que tout fonctionnera. Je le pense.

Cela dit… il reste un écueil potentiel.

Annileen. Elle tient à moi… et à juste titre ou non, j’y ai puisé ma force. Je viens de déclencher mon plan la concernant dans l’heure. Mais si elle ne veut pas s’y plier ?

Que faire alors ?