Un an s’est écoulé, jour à jour.
Max Lamar, dans sa chambre, apporte les derniers soins à sa toilette de voyage.
Avant de quitter son appartement, il relit attentivement une lettre qu’il a reçue la veille et qui est ainsi conçue :
Mon cher ami,
L’année d’épreuve est finie.
Après que, grâce à vous et à notre ami Gordon, j’eus été rendue à la liberté, j’ai voulu m’assurer que la terrible hérédité qui pesait sur moi était à jamais abolie. Pour acquérir cette certitude, j’avais besoin d’un important délai.
Quand je vous fis part de ma volonté irrévocable, vous avez, je le sais, infiniment souffert. J’ai souffert autant que vous.
Aujourd’hui, l’épreuve est terminée.
Venez ! Celle qui sera vôtre pour toujours vous attend avec impatience.
Je vous aime !
FLOSSIE
Max Lamar porta le cher billet à ses lèvres.
Son bonheur était immense.
Pendant douze mois, il était resté sans nouvelles de Florence. Il avait repris le cours de ses travaux et, pour oublier son chagrin, s’était jeté à corps perdu dans les études scientifiques.
Lorsqu’il vit approcher le terme dû délai fixé par Florence, il devint nerveux, triste, angoissé.
Il s’isola pendant les derniers jours et ne voulut voir personne.
L’incertitude le déchirait.
Aussi, c’est en tremblant, qu’il avait ouvert la lettre de Florence… Et sa joie fut si vive, si aiguë, si poignante, que cet homme si fort put à peine la supporter.
Il se domina et, fébrilement, se prépara au départ.
Quelques heures plus tard, dans le délicieux jardin d’une coquette villa, Max Lamar se trouva en présence de Florence auprès de laquelle se pressaient Mme Travis et Mary.
L’émotion de tous était profonde.
Max Lamar s’était arrêté à trois pas de Mlle Travis et la contemplait éperdument. Ce qui le frappait par-dessus tout, c’était l’extrême jeunesse de Florence. Il n’y avait plus sur son joli visage cette expression d’inquiétude, de trouble, ou bien de hardiesse insolite, qui parfois en altérait le charme. Il n’y avait plus que douceur apaisement, candeur de petite fille qui ne sait rien de l’existence. Et pourtant… pourtant !…
Max Lamar se souvint de la gracieuse image dont Gordon s’était servi dans son plaidoyer en évoquant la vision d’une bonne fée qui, par le moyen d’un talisman, appelé le Cercle rouge, récompensait les bons et punissait les méchants.
Oui, il en était ainsi. Une bonne fée…
La Fée au Cercle rouge ! Elle avait livré contre le monstre une bataille d’autant plus âpre que le monstre était en elle et qu’il lui avait fallu vaincre un ennemi en quelque sorte séculaire, qui la persécutait avant même qu’elle fût née, et qui disposait de toutes les forces de l’enfer, de toutes les puissances invisibles et sournoises du monde mystérieux, des instincts et des fatalités !
Et elle avait accompli tout cela en se jouant, avec son rire heureux.
Elle s’était servi d’armes empoisonnées, et ses propres blessures avaient guéri par le miracle de sa claire volonté et de son intelligence lucide.
– Flossie, chère Flossie, murmura-t-il, dois-je croire à mon bonheur ?
Elle répondit, en frissonnant de bonheur et d’amour :
– Croyez-y de toute votre âme. Vous tenez ma main dans la vôtre. Regardez-la bien. Elle est pure… Et elle est à vous… Le terrible Cercle rouge n’y reparaîtra plus…
Alors, il lui dit :
– Permettez-moi d’en placer un autre, Flossie… un cercle qui ne vous quittera jamais…
Elle s’abandonna, tout heureuse et toute rougissante, et, au doigt de la jeune fille, il passa un cercle d’or, la bague des épousées…