CHAPITRE XVIII

En une heure, la température avait dramatiquement baissé à bord du sous-marin prisonnier des murs de glace qui se refermaient autour de lui comme un poing.

La seule lumière qui pénétrait dans la cabine était la phosphorescence bleu-vert de la banquise. Zekk craignait que l’air ne vienne à leur manquer. Les réserves d’oxygène diminuaient, et l’atmosphère chargée de gaz carbonique allait peu à peu devenir irrespirable pour les cinq occupants de l’Elfa.

Le jeune homme disparaissait jusqu’à la taille dans le compartiment moteur.

En principe, les équipes d’entretien calamariennes mettaient les véhicules subaquatiques en cale sèche pour les réparations, ou travaillaient sous l’eau, de l’extérieur. Zekk n’avait pas cette possibilité, et il se débrouillait comme il le pouvait.

Le jeune homme manquait cruellement d’outils. La trousse du bord ne contenait qu’une seule clé à molette beaucoup trop petite pour ce qu’il devait faire. Il distinguait à grand-peine les leviers coincés, les câbles arrachés et les tuyaux pliés par l’attaque du Léviathan.

— J’aimerais que Jaina soit là, soupira Jacen derrière lui. Elle est tellement douée pour ce genre de trucs !

Zekk tapa sur un conduit avec sa clé et ne réussit qu’à s’écorcher les phalanges.

— Je ne suis pas si mauvais mécanicien, dit-il. Mais dans des conditions pareilles, n’importe qui bataillerait pour s’en sortir.

— Et puis, ajouta Anja, si Jaina était là, ça ferait une paire de poumons de plus pour consommer le peu d’oxygène qui nous reste.

Tenel Ka fronça les sourcils.

— Je suppose que tu as raison, soupira Zekk. De toute manière, je préfère la savoir en sécurité sur Kessel.

— Oui, elle est sans doute en train de se tourner les pouces et de s’ennuyer à mourir pendant que nous sommes coincés ici avec un tas d’ennuis.

Zekk rétablit les connexions du moteur du mieux qu’il put, travaillant à mains nues quand il ne pouvait pas accéder à une pièce avec sa clé.

— Essayez encore, Cilghal ! cria-t-il.

Il se dégagea du compartiment moteur, les vêtements et le visage couverts de lubrifiant.

L’ambassadrice activa les commandes. Les moteurs de l’Elfa crachèrent et toussèrent avant de se mettre à ronronner, mais les pales de l’hélice patinèrent en vain sur la glace qui les immobilisait.

— Ça a l’air de marcher, constata Jacen.

— Oui, mais nous ne pouvons toujours pas nous dégager, dit Tenel Ka.

— Si les icebergs se mettent en mouvement, nous risquons d’être écrasés, annonça Cilghal, l’air sombre.

— Génial, marmonna Jacen. Jusque-là, j’avais du mal à imaginer comment la situation pourrait être pire…

Tenel Ka se leva, une expression résolue sur le visage.

— Nous sommes prisonniers… mais ce n’est que de la glace.

Elle regarda les quatre passagers qui se pressaient dans la cabine de l’Elfa.

— Nous disposons de cinq sabres laser. Ça devrait suffire à nous libérer. À condition que nous soyons prêts à tenter une sortie…

Selon la réglementation édictée par l’Office du Tourisme et des Divertissements de Récif-Cristal, les sous-marins devaient transporter un nombre suffisant de combinaisons de plongée pour équiper tous leurs passagers en cas d’urgence.

— J’espère que vous vous rendez compte que c’est un suicide ? grogna Anja en enfilant le vêtement qui lui collait à la peau comme un organisme symbiotique.

Le tissu calamarien scintillant régulait la température du corps. Mais Jacen se demanda s’il parviendrait à les réchauffer à une telle profondeur sous la calotte polaire.

Cilghal avança et saisit la membrane qui pendait au cou de sa combinaison.

— Ça te permettra de respirer, expliqua-t-elle en la tirant sur son visage pour couvrir sa bouche et son nez.

Seuls les yeux du jeune garçon étaient encore visibles.

— Comment ça fonctionne ? demanda-t-il, un peu inquiet.

— Ça filtre les molécules d’oxygène contenues dans l’eau, répondit Cilghal. Au début, tâche de prendre des inspirations lentes et profondes. Tu t’habitueras, et au bout de quelques minutes, tu n’y feras plus attention.

— Vous êtes sûre que nos sabres laser fonctionneront dans l’eau ? demanda Zekk.

— Oui. Si vous n’avez pas commis d’erreur de fabrication…

Tenel Ka regarda Jacen. Zekk devina qu’elle repensait au jour où son sabre laser défectueux lui avait coûté un bras. Depuis, la jeune fille en avait façonné un autre en prenant toutes les précautions nécessaires.

Zekk songea au mal qu’il s’était donné pour fabriquer son arme de Jedi. Maître Skywalker en personne avait déclaré que c’était du bon travail.

Le jeune homme prit une profonde inspiration.

— Dans ce cas, tout ira bien.

Ils finirent de s’équiper, puis se placèrent en file devant le sas d’accès protégé par un champ de force.

Les lames des sabres laser brillaient dans l’eau comme des torches multicolores.

Des stalactites entouraient les jeunes Jedi à la manière de dents gigantesques et menaçantes. Le mini-submersible était prisonnier sous un iceberg, une véritable montagne où ils allaient devoir se frayer un passage à la force du poignet.

Tenel Ka maniait son arme de son bras unique. Elle abattit son sabre laser, coupant un pan de glace. Il se détacha et s’enfonça lentement, libérant un des ailerons de l’Elfa.

Mieux adaptée à un environnement aquatique – même polaire – que ses jeunes compagnons, Cilghal avait pris la tête du groupe et avançait sous l’iceberg à coups de sabre laser.

Zekk se chargeait d’élargir le passage ouvert par la Calamarienne. Jacen, Tenel Ka et Anja s’affairaient autour de l’Elfa.

Quand la dernière stalactite fut enfin découpée, le submersible retrouva une certaine liberté de mouvement et dériva sous l’iceberg. Jacen sentait le froid augmenter autour de lui. Ses bras et ses jambes lui semblaient si lourds… Trop lourds.

Tenel Ka observait son ami d’un air inquiet. Ils étaient tous deux de bons nageurs. Sur Yavin 4, combien d’après-midi avaient-ils passés à s’ébattre dans le fleuve ! Mais la température n’était pas la même, loin s’en fallait.

Jacen se força à lever le pouce pour indiquer à la jeune fille que tout allait bien. Ils revinrent ensemble vers le sas du sous-marin. Jacen agita la main en direction d’Anja. La jeune femme fit signe qu’elle les rejoindrait bientôt.

Rassurés, Jacen et Tenel Ka franchirent le champ de force. De l’autre côté les attendait une chaleur bienveillante…

Cilghal et Zekk avaient fini d’ouvrir un passage à l’Elfa.

Anja avait travaillé aussi dur qu’elle le pouvait. Elle ne savait pas utiliser la Force. Jusque-là, seule l’andris lui avait permis de manier un sabre laser. Mais elle était libérée de sa dépendance. Jamais plus elle ne consommerait d’épice…

La jeune femme se sentait comme une usurpatrice avec son sabre laser acheté à un colporteur. Elle savait combien Zekk avait travaillé dur pour fabriquer son arme.

Pourtant le jeune homme avait gagné le droit de porter son sabre laser. La Force le guidait. Anja ne possédait pas vraiment le sien. C’était une arme de Jedi, et elle n’en deviendrait jamais un.

Au fond, c’était un symbole de sa dépendance. L’habitude de se reposer sur quelque chose qui ne faisait pas partie d’elle.

Absorbée par ses pensées maussades, Anja se dirigea vers le sous-marin. En contournant un aileron, elle aperçut un minuscule objet coincé dans le système d’arrimage : une ampoule d’andris préservée par la température glaciale de l’océan polaire.

Anja tendit la main vers l’ampoule. De l’épice ! Elle pouvait s’offrir une dernière dose…

Non. Plus jamais.

La jeune femme lâcha l’ampoule qui continua à flotter devant elle comme pour la mettre au défi de changer d’avis.

Anja activa son sabre laser et abattit la lame sur la fiole. Elle fixa l’arme qu’elle tenait et réalisa qu’elle venait de s’en servir pour la dernière fois. Curieusement, cette pensée l’apaisa.

Elle lâcha le sabre laser et le regarda sombrer. Puis elle s’en retourna vers la tiédeur et la camaraderie qui l’attendaient dans le sous-marin.