CHAPITRE II
Seul dans un atelier, le long du mur extérieur du Grand Temple, Zekk écoutait la pluie tomber. Le vieux Peckhum était parti voir maître Skywalker, et le jeune homme en profitait pour passer un peu de temps à travailler. Ses narines frémissantes captaient l’odeur des gouttes d’eau qui venaient s’écraser sur la pierre de la pyramide et ruisselaient le long de ses flancs.
L’énorme soleil orange de Yavin s’était couché à l’horizon. Au-dessus de la cime des arbres, portées par le vent, des fleurs cerfs-volants fraîchement écloses piquetaient le ciel de leurs couleurs chatoyantes. Tout n’était que calme et sérénité, comme le Côté Lumineux de la Force.
Zekk s’attaqua à la fabrication de son nouveau sabre laser. Devant lui, des outils étaient éparpillés sur l’établi de pierre, éclairés par la vive lumière d’un unique panneau fluorescent.
Zekk avait préféré se réfugier là plutôt que de rester dans ses quartiers, car il avait besoin de se concentrer. La fabrication d’un sabre laser était réservée aux Jedi accomplis. Zekk avait l’intention de faire de son mieux.
Il en avait manié un au temps où il appartenait à l’Académie des Ombres. Mais il ne l’avait pas fabriqué. L’Académie des Ombres produisait des sabres laser à la douzaine, et les distribuait à ses étudiants pour qu’ils se familiarisent avec avant l’attaque contre la Nouvelle République. Zekk en avait reçu un, et jamais il n’avait ressenti un tel attachement pour une amie. Celle-là lui appartiendrait pour de bon.
Zekk ne commettrait plus l’erreur de s’abandonner au Côté Obscur de la Force. Il comprenait que tout ce qui concernait cette arme relevait de sa responsabilité. Fabriquer un sabre laser était une entreprise si… personnelle.
Quand il avait voulu travailler dans ses quartiers, Jaina lui avait tourné autour, l’air anxieux, faisant mille suggestions et tripotant les composants. Puis Jacen l’avait assommé avec son incessant bavardage et ses nombreuses blagues. Lowie, lui, avait grogné pour demander si Zekk avait besoin d’aide.
Ses amis étaient pleins de bonnes intentions. Mais le jeune homme avait besoin d’être tranquille.
L’arrivée de Peckhum lui avait rappelé sa jeunesse sur Coruscant, lorsqu’une amitié insouciante le liait aux jumeaux… À l’époque où il ne les avait pas encore trahis. Depuis, il avait réussi à surmonter sa culpabilité, mais il n’avait jamais oublié.
Zekk assembla les derniers composants, puis démonta le sabre laser afin de vérifier les connexions une dernière fois. Il saisit sa nouvelle arme, agrippa la poignée polie, examina les boutons qui la parsemaient, la fit tourner dans sa main pour tester son poids et son équilibre.
Il avait peur d’activer le sabre laser et de découvrir qu’il avait commis une erreur quelque part.
— Ça marche ou ça ne marche pas. Il n’y a pas de troisième solution.
Retenant son souffle, il appuya sur le bouton. Une lame d’énergie jaune orangé jaillit de la poignée, pareille à une flamme enfermée dans un long tube. Zekk effectua quelques passes prudentes.
Le jeune homme comprit que ce sabre laser était parfait pour lui. Une arme Jedi pour un Chevalier Jedi.
Zekk sourit de satisfaction tandis qu’il brandissait la lame vers le plafond. Sur son visage, le reflet dansait comme une flamme purificatrice.
Zekk avait traversé une longue épreuve et survécu. À partir de maintenant, tout irait bien.
Pour Anja, rien n’irait plus jamais bien.
À bout de nerfs, elle boxa le mur de pierre. La douleur la fit sursauter et réussit à la distraire un instant. Mais cela ne dura pas.
Aveuglée par sa dépendance, elle n’avait plus qu’un seul mot en tête. Andris… Andris… Andris…
Czethros avait disparu après le désastre survenu dans la Cité des Nuages. Jamais il ne lui fournirait l’épice dont elle avait désespérément besoin. Anja ne pouvait pas compter sur lui, et elle ne survivrait pas longtemps sans une dose d’andris. Autrement dit, elle allait devoir s’en procurer par ses propres moyens.
Elle ne trouverait pas d’épice à l’Académie Jedi. Les étudiants semblaient tirer tout leur plaisir de la méditation ou de la contemplation des rochers. Anja avait essayé de les imiter, mais en vain. Elle avait toujours été indépendante. Quand un problème survenait, elle l’affrontait et trouvait un moyen de le régler.
La jeune femme se leva de son lit trempé de sueur, régla le panneau lumineux sur l’intensité minimale et s’habilla rapidement. La pluie avait cessé en fin d’après-midi, plongeant le Grand Temple dans une douce quiétude.
Anja rassembla ses affaires et hésita avant de glisser son antique sabre laser dans sa ceinture. Sans l’aide de l’épice, elle ignorait si elle pourrait le manier. Puis elle noua son bandeau de cuir sur le front, fourra ses bottes sous son bras et traversa la pièce, pieds nus.
Sortant de ses quartiers, elle se figea en apercevant la silhouette de R2-D2. Par chance, le droïde tourna sur la gauche sans la remarquer. Anja soupira de soulagement et se remit en route. Elle marcha d’un pas vif vers l’entrée du hangar. Immobile dans l’ombre, la jeune femme jeta un regard à la ronde, s’efforçant de faire un choix parmi les vaisseaux.
Anja était capable de les piloter tous : pendant des années, elle avait fait de la contrebande d’armes entre Ord Mantell et sa planète natale. Il lui fallait quelque chose de rapide et de pas trop repérable.
Le Bâton de Foudre.
Anja s’approcha de la baie vitrée derrière laquelle on apercevait le vieux cargo de Zekk. Un cadeau du vieux Peckhum, qui transportait des fournitures et de l’équipement pour le compte de la Nouvelle République.
La jeune femme n’avait pas le choix. Elle devait s’enfuir de Yavin 4 et trouver de l’épice avant que la douleur ne la réduise à l’impuissance.
Ses pieds nus ne firent aucun bruit sur l’herbe humide de rosée tandis qu’elle traversait la piste d’atterrissage. La rampe d’accès du Bâton de Foudre était toujours en place. Anja monta à bord, se glissa sur le siège du pilote, boucla le harnais de sécurité et activa les moteurs.
La sécurité n’était pas très stricte sur Yavin 4. Luke Skywalker disposait de tant de Jedi qu’il était sûr de pouvoir repousser toutes les attaques. De plus, une flotte de la Nouvelle République orbitait autour de la planète.
Elle n’empêcherait pas un vaisseau de quitter l’atmosphère. Anja aurait plongé dans l’hyperespace avant qu’on ne remarque sa disparition.
Quand elle activa les répulseurs, un garde ensommeillé arriva en courant, s’immobilisa sur le seuil du hangar et regarda d’un air surpris le vaisseau prêt à décoller. Il fit signe à Anja d’attendre, mais la jeune femme l’ignora.
Le Bâton de Foudre décolla à la verticale avant de filer vers la jungle.
Anja laissa la pyramide massassi derrière elle, rasant la cime des arbres pour ne pas se faire repérer.
Le Bâton de Foudre modifia sa trajectoire pour s’élancer vers le ciel. Des alarmes se déclenchèrent. Déterminée à ne pas se laisser distraire, Anja n’en tint pas compte : elle aurait quitté l’atmosphère de Yavin 4 bien avant que la flotte défensive ne puisse l’intercepter.
La jeune femme entra les coordonnées dans l’ordinateur du Bâton de Foudre. De l’épice… Il lui fallait de l’épice.
Elle allait remonter à la source. Destination les mines de Kessel.