CHAPITRE VIII
Dès qu’ils eurent regagné le douillet bureau souterrain de l’administrateur en chef, Jaina s’assura que Lilmit recevrait les pièces de rechange dont il avait besoin. Ce problème réglé, Nien Nunb écouta avec attention le récit de leur entrevue avec l’ancien contrebandier.
Le Sullustéen se tapota les lèvres de l’index et murmura quelque chose d’un air pensif.
DTM traduisit fièrement :
— Maître Nien Nunb pense que l’empressement de Lilmit à quitter Kessel avant un mystérieux événement confirme sa théorie : un complot se trame autour de lui.
— Ça ressemble bien à une conspiration, dit Jaina. Mais nous ignorons en quoi elle consiste et contre qui elle est dirigée. L’anxiété de Lilmit pourrait avoir des causes beaucoup moins graves.
— Nous n’en savons rien, dit Tenel Ka. Donc, nous devons nous préparer au pire.
Lowie rugit.
— Vous avez raison, maître Lowbacca : nous ne pouvons pas abandonner maître Nien Nunb sans protection. Il sait qu’il peut nous faire confiance, mais il ignore comment distinguer ses amis de ses ennemis.
— Très bien. Il faut que quelqu’un reste ici avec lui pendant que les autres continueront à chercher Anja, dit Jaina. Zekk ?
Le jeune homme secoua vigoureusement la tête.
— Anja a le Bâton de Foudre. Pas question que je me tourne les pouces pendant que vous la poursuivrez.
Jaina fronça les sourcils, mais dut reconnaître que c’était logique. Elle savait mieux que quiconque qu’on ne s’interpose pas entre un vaisseau et son propriétaire.
— Et toi, Jacen ?
Son frère lui jeta un regard incrédule.
— Jaina, si Anja a confiance en quelqu’un, c’est bien en moi. Je ne la laisserai pas affronter ses problèmes toute seule.
Le cœur de la jeune fille se serra. Elle ne pouvait pas demander à Tenel Ka de rester en abandonnant les commandes du Dragon de Pierre aux deux garçons.
— Lowie ? fit-elle d’une toute petite voix.
Le Wookie lui donna une claque dans le dos et grogna quelques paroles réconfortantes.
— Excellente idée, maîtresse Jaina, dit DTM. Maître Lowbacca et moi serons ravis de rester ici avec vous pour… protéger les intérêts de maître Nien Nunb.
Jaina eut un faible sourire.
— Merci.
Elle n’avait aucune envie de demeurer sur Kessel, seule ou accompagnée, mais elle pouvait difficilement faire marche arrière à présent que le droïde l’avait mise au pied du mur.
Zekk passa un bras autour de ses épaules, se pencha vers elle et lui chuchota à l’oreille :
— Merci de me comprendre.
La jeune fille rit, mais le cœur n’y était pas.
Zekk l’embrassa et demanda :
— Au fait, est-ce mon tour de te sauver la vie, cette fois, ou le tien ?
Jaina fit mine de le foudroyer du regard jusqu’à ce qu’il l’embrasse sur l’autre joue.
— Ne t’en fais pas. Si tu as besoin de moi, j’accourrai… Ou plutôt, je volerai.
La jeune fille l’étreignit.
— Que la Force soit avec toi, murmura-t-elle avant de le lâcher.
Le Dragon de Pierre décolla avec Zekk aux commandes, Jacen dans le siège du copilote et Tenel Ka au poste du navigateur.
Jacen remarqua avec intérêt que son ami semblait bien plus détendu quand il pilotait un vaisseau. Il se servait inconsciemment de la Force pour évaluer les distances et réagir face aux obstacles imprévus.
Jacen était de très bonne humeur.
D’abord, parce qu’il aimait se rendre utile en vol, ensuite, parce que Tenel Ka était à ses côtés, et enfin, parce qu’ils avaient découvert la piste d’Anja.
— Jacen, mon ami, n’as-tu pas dit que tu connaissais quelqu’un qui pourrait nous aider sur Mon Calamari ? demanda Tenel Ka une fois qu’ils eurent plongé dans l’hyperespace.
— L’ambassadrice Cilghal… Je devrais lui envoyer un message pour voir si elle a un peu de temps à nous consacrer.
— Cilghal ? répéta Zekk. N’a-t-elle pas été une des premières étudiantes de maître Skywalker ?
— Elle est Jedi et ambassadrice ? demanda Tenel Ka.
— Et guérisseuse, compléta Jacen. Je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui ait autant de pouvoir. Pourtant, c’est difficile à croire quand on lui parle : elle est tellement douce et gentille !
Le jeune garçon envoya aussitôt un communiqué expliquant la situation et requérant l’aide de Cilghal. Dès que le Dragon de Pierre sortit de l’hyperespace dans le système de Mon Calamari, il reçut la réponse de l’ambassadrice.
Cilghal serait ravie d’accueillir les jeunes Jedi et de les assister. Elle commençait à se renseigner sur les récentes arrivées de vaisseaux spatiaux pour localiser le Bâton de Foudre.
Elle avait également fait le nécessaire afin qu’on attribue au Dragon de Pierre une place dans le hangar réservé aux invités de marque, tout près de ses bureaux de Mousserrante.
Tenel Ka eut l’air très impressionnée.
— Il semble que l’ambassadrice Cilghal soit quelqu’un d’efficace…
— Oui, elle pense toujours à tout, dit Jacen.
— Parfait. Tu crois qu’elle aura retrouvé le Bâton de Foudre et qu’il nous attendra à l’atterrissage ? demanda Zekk, qui ne plaisantait qu’à moitié.
Jacen leva les yeux au ciel.
— Malgré mon optimisme légendaire, je n’irais peut-être pas jusque-là.
Tenel Ka tapota l’épaule de Zekk.
— Il est important de garder espoir.
Une heure plus tard, le Dragon de Pierre se posa dans la splendide métropole flottante de Mousserrante.
L’ambassadrice accueillit les jeunes Jedi lorsqu’ils débarquèrent de la navette hapienne. Jacen fit les présentations ; la Calamarienne salua les trois Jedi avec autant de fierté que si elle avait été leur tante.
Cilghal appartenait à la même race que le célèbre amiral Ackbar. Elle portait une robe d’un bleu liquide qui semblait onduler et changer de couleur comme les vagues de l’océan au gré des marées.
Elle leva une main palmée en signe de bienvenue.
Les formalités une fois terminées, Cilghal conduisit les jeunes Jedi jusqu’à une magnifique salle à manger privée. Elle leur tendit à chacun un bloc-notes électronique où elle avait fait télécharger la liste des arrivées de la semaine. Puis elle les pria de l’excuser et leur commanda un somptueux repas : rouleaux d’algues, poisson mariné et coquillages fondants.
Les jeunes Jedi n’avaient pas encore terminé leur festin quand ils repérèrent l’heure d’arrivée d’Anja et sa destination.
Une île au nord de la planète, dans les eaux glaciales du cercle arctique.
— Récif-Cristal ! s’exclama Cilghal, surprise, quand les compagnons lui montrèrent leur découverte. Une station balnéaire réservée aux riches. Si vous comptez vous rendre là-bas, je ferais mieux de me mettre au travail. Tout le monde veut aller sur Récif-Cristal. Même une ambassadrice de la Nouvelle République n’y obtient pas forcément un traitement de laveur.
Trois heures plus tard, les jeunes Jedi arrivèrent sur les quais maritimes de Mousserrante, où ils suivirent Cilghal jusqu’à son rase-flots.
— Génial ! dit Tenel Ka, admirative.
Cilghal traversa la passerelle, sauta dans la petite embarcation et lança aussitôt les vérifications d’usage.
— Comment fait-elle tout ça ? demanda Jacen.
— Elle est épatante, dit Zekk, conquis, en montant à bord.
Jacen imita son ami. La mer était agitée, et le rase-flots tanguait sous ses pieds. Le jeune homme distingua des formes sombres qui ondulaient dans l’eau à la limite de son champ de vision.
Il se retourna pour tendre la main à Tenel Ka. Mais elle lui adressa un sourire malicieux et, ignorant la passerelle, bondit par-dessus le bastingage pour retomber souplement à côté de lui.