CHAPITRE XV

Tapis contre la paroi d’une usine désaffectée, Jaina et Lowie cherchaient le meilleur moyen de combattre la force d’invasion du Soleil Noir.

Autour d’eux, les murs de pierre étaient glacés et l’air se raréfiait, mais ce serait encore pire s’ils gravissaient l’escalier aux marches rouillées conduisant à la surface de Kessel.

Si éprouvant que soit leur environnement, les jeunes Jedi n’avaient pas le choix : ils devaient faire quelque chose contre Czethros. L’avenir de la Nouvelle République dépendait d’eux.

Lowie regarda l’entrée du tunnel et scruta le puits qui montait jusqu’à la surface.

Collé à la paroi, le Wookie prit une profonde inspiration et grogna.

Bien que Jaina comprit un peu son langage, DTM traduisit.

— Maître Lowbacca suggère que nous nous attachions d’abord à neutraliser l’émetteur sophistiqué dont Czethros compte se servir.

— Ça paraît logique, dit la jeune fille. S’il ne peut pas envoyer son signal, nous aurons gagné.

— C’est bien beau en théorie, mais… maîtresse Jaina, comment comptez-vous vous y prendre ? Cet émetteur est énorme ! Il ne suffira pas de débrancher quelques fils…

La jeune fille haussa les épaules.

— D’abord, nous devons nous procurer des explosifs. Ensuite, tu nous aideras à les transporter à l’endroit où ils produiront un effet maximal.

Le gémissement électronique de DTM se répercuta dans tout le tunnel.

Toutes les salles de contrôle des mines d’épice étaient scellées par une porte munie d’un code électronique. Lowie fit appel à ses talents de programmeur pour pirater le système et accéder à un des stocks d’équipement.

Lowie découvrit des petits cylindres d’explosif.

Il en soupesa deux en jetant un coup d’œil aux micro-répulseurs de DTM.

— Tu t’en sortiras très bien, assura Jaina au petit droïde. Ils ne sont pas très lourds.

— Par le Grand Circuit. Je n’ai jamais transporté d’explosifs ! s’exclama-t-il.

— C’est la même chose qu’avec des pierres, sauf qu’ils te pulvériseront si jamais tu te cognes…

— J’apprécie votre soutien, maîtresse Jaina, mais je trouve votre optimisme plutôt… perturbant.

Jaina gloussa et tapota affectueusement le boîtier ovoïde argenté qui flottait dans les airs.

Les tunnels étaient déserts. Depuis que le Soleil Noir avait pris le contrôle du complexe, les hangars de chargement étaient fermés à tous les vaisseaux en provenance d’autres planètes.

Czethros ne pourrait pas donner le change longtemps, mais les incidents techniques survenus dans les mines justifiaient parfois un blocage temporaire de l’accès à Kessel. Les cargos stationnaient en orbite en attendant que le problème soit réglé. Aucun ne songerait à signaler l’événement aux autorités avant une bonne journée.

D’ici là, Czethros aurait sans doute émis son signal, et les jeunes Jedi devraient alors intervenir au plus vite.

Des gardes armés occupaient tous les points clés du complexe. Ils avaient enfermé Nien Nunb et les administrateurs qui lui étaient restés fidèles dans les baraquements à esclaves datant de l’époque où Kessel était encore une planète carcérale.

Beaucoup de mineurs, ainsi que quelques pilotes de cargo malchanceux, étaient retenus prisonniers par des champs de force : une situation tellement précaire qu’il ne faudrait pas grand-chose pour renverser l’équilibre.

D’abord, Jaina et ses amis devaient mettre l’émetteur hors d’usage. Ils franchirent des conduits d’aération, évitant les ascenseurs pour ne pas faire de mauvaise rencontre. Enfin, ils atteignirent la plate-forme de chargement supérieure. Ils savaient que ses portes seraient fermées mais pas verrouillées : aucune personne saine d’esprit ne serait partie se balader à la surface de Kessel.

Grâce aux cartes et aux diagrammes téléchargés par DTM, les jeunes Jedi avaient une assez bonne idée de l’endroit où ils trouveraient l’émetteur que les hommes de Czethros devaient être en train de régler.

C’était une antenne monstrueuse, puissante et certainement bien gardée. Deux intrus ne pourraient pas s’en approcher sans se faire voir. Un droïde miniaturisé avait une chance d’y parvenir.

Les vaisseaux stationnés dans le hangar étaient vides, tous systèmes éteints comme si leur équipage les avait abandonnés. Jaina reconnut l’un de leurs membres. Une petite créature travaillait sur ses moteurs.

— Lilmit est toujours là ! s’étonna-t-elle.

Les autres pilotes avaient été capturés. L’ancien contrebandier avait sans doute échappé à ce sort parce qu’il travaillait pour le Soleil Noir.

Lilmit leva la tête. Ses yeux s’écarquillèrent de surprise en découvrant le Wookie et la jeune fille. Paniqué, il leva les mains.

— Oh, non, gémit-il. Vous êtes partis. Votre vaisseau a redécollé, je l’ai vu dans les archives. Allez-vous-en ; je ne peux rien vous dire de plus !

— Super, marmonna Jaina. Maintenant, il va falloir le prendre en otage.

Lilmit s’affola.

— Je vous en prie, je n’ai rien à voir avec tout ça. Je voulais juste ficher le camp avant l’arrivée du Soleil Noir. Czethros sera fou de rage s’il s’aperçoit que je suis toujours là.

Jaina et Lowie se regardèrent, se demandant comment ils pourraient forcer le petit humanoïde à garder le silence. S’il trahissait leur présence, ils étaient cuits. Mais Lilmit battit en retraite dans son vaisseau et scella le sas derrière lui.

— Il me semble que notre ami a cédé à la panique, dit DTM.

— Espérons que ça l’occupera pendant un bon moment, répondit Jaina.

Lowie désigna les portes du hangar. S’ils réussissaient à mener leur mission à bien, ils retourneraient se cacher dans les tunnels et on ne les retrouverait jamais, même si Lilmit donnait l’alerte.

D’après Jaina, l’ancien contrebandier ne voudrait pas attirer l’attention sur sa présence. Mais il penserait peut-être que dénoncer les jeunes Jedi serait un bon moyen de se gagner les faveurs de son irascible patron…

Lowie grommela quelque chose :

— Bien dit, maître Lowbacca. « Qu’est-ce qu’on attend ? » traduisit DTM.

Ils se dirigèrent vers la sortie et se munirent de masques à oxygène afin de respirer dans l’atmosphère raréfiée de Kessel. Mais la sécheresse glaciale de l’air les épuiserait très vite. Ils n’auraient pas beaucoup de temps.

Ils franchirent le seuil du hangar.

— Charmant endroit, commenta Jaina d’une voix assourdie par son masque.

Les rochers étaient couverts de givre et de la vapeur montait des bouches d’aération des mines. Non loin de là, l’émetteur se dressait telle une gigantesque fleur de métal et de câbles.

La combinaison de vol de Jaina et la fourrure rousse de Lowie les rendaient repérables à des centaines de mètres.

Ils n’avaient pas d’autre choix que d’envoyer DTM.

Les doigts déjà engourdis par le froid, le Wookie s’accroupit pour manipuler les minuscules fils dont les nœuds seraient faciles à défaire. Il attacha les deux cylindres sous le boîtier du petit droïde.

— Tâche de rester le plus bas possible pour ne pas te faire repérer, dit Jaina, mais ne heurte rien au passage !

— Ne vous inquiétez pas pour ça, maîtresse Jaina : je ferai très attention.

Le jeune Wookie activa les charges et régla le compte à rebours.

— Six minutes ? fit DTM, alarmé. Vous croyez que ça suffira ?

Lowie haussa les épaules.

— Je pense que c’est le maximum qu’on puisse programmer, dit Jaina. Ces explosifs sont conçus pour du travail de précision, pas pour de la démolition en gros.

— Très bien, je ferai de mon mieux.

Le petit droïde survola la surface poudreuse de Kessel. Il se faufila entre les rochers sans jamais prendre trop d’altitude.

Une escouade de gardes devait être postée dans une guérite, attendant que Czethros donne l’ordre d’envoyer le signal.

Le droïde devait atteindre l’émetteur avant qu’ils ne le repèrent.

DTM accéléra autant qu’il le put, car il n’avait aucune envie que les cylindres heurtent un caillou. Son horloge interne comptait les secondes qui restaient avant la détonation. Malgré le danger, il poussa encore la puissance de ses micro-répulseurs. Enfin, il atteignit son but.

Il posa les deux cylindres au pied de l’antenne puis se secoua pour défaire le nœud de Lowie. Finalement, il s’éleva dans les airs. Il n’avait plus aucune raison de traîner et il poussa ses micro-répulseurs à fond.

Deux gardes sortirent de la guérite qui se dressait au pied de l’émetteur. Ils se contentèrent d’abord de jeter un regard curieux, puis poussèrent des cris de stupeur. L’un d’eux se dirigea vers la station de contrôle comme s’il venait de réaliser que quelque chose clochait. L’autre empoigna son arme, mais n’eut pas l’air de savoir sur quoi tirer. Sans lui laisser le temps de se décider, DTM fila au ras du sol accidenté et disparut.

Jaina et Lowie firent signe au droïde de les rejoindre près des portes du hangar. DTM n’était plus qu’à une centaine de mètres de ses amis quand l’antenne explosa.

Des sections de la parabole se détachèrent. Quelques secondes plus tard, l’onde de choc atteignit les portes du hangar.

— Filons ! s’exclama Jaina. Ce coup-ci, ils vont se lancer à nos trousses, c’est sûr !

Les jeunes Jedi replongèrent dans les mines où ils espéraient trouver une cachette.

Quand Czethros eut vent du désastre qui venait de se produire, son rugissement de fureur fit presque autant de bruit que l’explosion. Son œil cybernétique rouge s’affola derrière sa visière, comme s’il cherchait désespérément quelqu’un à blâmer.

— La précision est vitale ! cria-t-il, fou de colère. Si je n’envoie pas mon signal, le soulèvement n’aura pas lieu.

Un garde hocha la tête.

— Je comprends, seigneur Czethros.

— Évidemment que tu comprends ! N’importe quel idiot en serait capable !

Czethros savait que ses supérieurs comptaient sur lui, et qu’ils n’étaient guère enclins à l’indulgence quand quelque chose clochait.

— Je croyais que vous aviez emprisonné tous ceux capables de nous causer des ennuis. Qu’avez-vous oublié ? Qui manque encore à l’appel ?

— Je l’ignore, seigneur.

— Bien sûr que tu l’ignores, sinon, nous aurions déjà repris le contrôle de la situation !

Czethros foudroya l’homme du regard. Les autres mercenaires se pressaient dans le couloir, où ils attendaient leur tour de se faire passer un savon. Chacun espérait survivre à la colère de Czethros.

— Il est clair que de la vermine traîne encore dans les tunnels. De la vermine qui n’apparaît pas sur nos listes ! Les saboteurs savent ce qu’ils font.

« Assurez-vous que les prisonniers sont toujours enfermés. Je veux que des équipes armées fouillent les souterrains. Nous devons mettre la main sur les responsables. Ramenez-les-moi morts ou vifs, peu m’importe.

Il se détourna, puis jeta un regard en coin au garde.

— Si vous en êtes incapables, je serai obligé de passer ma frustration sur vous.