CHAPITRE IX

Une journée ordinaire dans les mines d’épice de Kessel… La procédure se déroulait comme d’habitude : les transporteurs arrivaient, les employés marquaient les caisses et les chargeaient à bord selon la réglementation en vigueur.

Nien Nunb avait établi un protocole très strict et une méthode comptable spécifique pour s’assurer que l’épice serait expédiée uniquement aux clients munis d’une autorisation. Bien sûr, personne n’était infaillible, et une erreur pouvait toujours se produire, mais son entreprise était parmi les plus efficaces du secteur.

Dans son centre de contrôle souterrain, le petit Sullustéen supervisait la gestion courante des mines. Il était entouré par plusieurs associés et administrateurs, ainsi que par les gardes du corps qu’il avait engagés.

Jusque-là, il avait réussi à conserver son sang-froid et à ne pas paniquer malgré l’attentat. Il se sentait rassuré par la présence des enfants de Yan Solo et de leurs amis Jedi, qui avaient promis d’enquêter sur l’« accident ». Mais combien d’employés à la solde de Torvon se cachaient parmi son personnel ? Et pour qui travaillaient-ils réellement ?

En ce moment, Jaina, Lowie et leur droïde traducteur cherchaient des indices sur toute activité suspecte dans les mines, afin de comprendre ce qui s’y tramait. Nien Nunb avait dû leur céder quelques pièces de rechange pour un moteur de vaisseau spatial. Son nouveau bras droit, le second administrateur Kymn, se dirigea vers la console de contrôle. Sur l’écran, un amas de points lumineux indiquait toutes les navettes dont l’arrivée était programmée de longue date, ainsi que les obstacles à la navigation entraînés par l’explosion de la lune de Kessel.

— Administrateur Nunb, le cargo en provenance d’Ord Mantell réclame l’autorisation de se poser, annonça Kymn. Il est pile à l’heure.

Nien Nunb cligna de ses grands yeux larmoyants et se pencha pour mieux voir le moniteur. Il ne se rappelait pas que l’arrivée d’un vaisseau aussi grand soit prévue. Kymn comprenant le sullustéen, il exprima son étonnement en quelques phrases rapides.

— Bien sûr que si. C’est programmé depuis des semaines, lui rappela Kymn. Ce cargo transporte du mobilier de bureau neuf, de la nourriture, des packs de soutien biologique et des générateurs d’atmosphère. Ne vous souvenez-vous pas d’avoir signé les autorisations ?

La réponse était négative. Pourtant, en observant l’écran de contrôle, Nien Nunb vit que tout semblait en ordre. Le cargo était déjà entré dans l’atmosphère de Kessel et s’approchait des portes du hangar principal.

En principe, les transports de matériel étaient dirigés vers une annexe spécialement conçue pour les recevoir. Mais le second administrateur désigna sur le bordereau de cargaison une liste d’équipement lourd.

— J’ai pensé qu’il serait plus efficace de le faire atterrir là où se trouvent les meilleures machines pour le déchargement, expliqua-t-il.

Nien Nunb eut un grognement approbateur, même si une vague inquiétude lui nouait l’estomac. Son instinct le poussait à ramper dans un tunnel obscur et à s’y tapir bien à l’abri.

Kymn porta la main à son oreillette, écouta un moment et déclara :

— Bien reçu.

Il se tourna vers Nien Nunb en souriant.

— Le capitaine aimerait que vous veniez l’accueillir. Comme il se passionne pour l’histoire, et notamment la période de la Rébellion contre l’Empire, il serait très honoré de vous rencontrer et d’obtenir un autographe.

Agréablement surpris, le Sullustéen se leva.

— Il veut serrer la main de l’homme qui fut le copilote de Lando Calrissian pendant le combat contre la seconde Étoile Noire…

Rayonnant de plaisir, Nien Nunb insista néanmoins pour emmener ses gardes du corps, juste au cas où. Kymn désigna trois mercenaires qui se tenaient dans un coin.

— Venez avec nous, ordonna-t-il.

Ensemble, ils se dirigèrent vers le hangar principal. Les portes s’étant ouvertes sur l’atmosphère raréfiée de Kessel, ils durent mettre des masques à oxygène.

Nien Nunb se tenait sur la droite du second administrateur. Deux gardes du corps les encadraient, tandis que le troisième protégeait leurs arrières.

Le transporteur se posa. Il arborait le logo d’une compagnie marchande d’Ord Mantell avec laquelle Nien Nunb pensait avoir déjà traité. Mais il n’en était pas sûr. Ce détail l’inquiéta, car en principe il avait une excellente mémoire. La tentative d’assassinat manquée l’avait sans doute perturbé davantage qu’il ne voulait l’admettre.

Le sas du cargo s’ouvrit et le capitaine apparut sur le seuil. Il avait des cheveux blonds ébouriffés, un visage couvert de taches de rousseur et des yeux bleus brillants qui se posèrent aussitôt sur l’administrateur en chef. Quand il sourit, ses dents étincelèrent comme des étoiles filantes.

— Nien Nunb ! Je suis vraiment enchanté de faire votre connaissance !

Ravi, le Sullustéen fit un pas en avant. Le capitaine du cargo descendit la rampe d’accès pour lui serrer la main. Puis il se tourna vers son vaisseau.

— Je savais que je devais venir et que j’aurais une chance de vous rencontrer. Je vous ai amené une petite surprise. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. Suivez-moi. Je veux que vous soyez là quand j’ouvrirai les portes de ma soute. Vous n’allez pas en croire vos yeux.

Il pianota sur le panneau de contrôle tandis que le second administrateur les rejoignait, poussé par la curiosité. Les trois gardes du corps en profitèrent pour se placer à des endroits stratégiques.

Quand les portes de la soute s’ouvrirent, Nien Nunb distingua un mouvement à l’intérieur. Étonné, il recula d’un pas.

Une seconde plus tard, des mercenaires bondirent dans le hangar en hurlant et en brandissant leurs armes. L’un d’eux colla le canon de son fusil laser entre les omoplates de l’administrateur en chef.

Nien Nunb émit un couinement effrayé et leva les mains. La soute du cargo continuait à vomir une armée de mercenaires qui dévalaient la rampe d’accès et envahissaient le hangar en tirant en l’air.

Le second administrateur Kymn dégaina son blaster et pivota pour mettre en joue un des gardes du corps, qui se tenait près de la console de communication. Surpris, l’homme n’eut pas le temps de se défendre ni de se mettre à couvert.

Les deux autres gardes du corps ouvrirent le feu. Nien Nunb crut d’abord qu’ils essayaient de repousser les envahisseurs. Puis il s’aperçut qu’ils leur prêtaient main-forte.

Des rayons ricochaient sur les parois métalliques, faisant vibrer le revêtement isolant. Se demandant combien de temps cet enfer allait durer, le Sullustéen chercha une cachette du regard. Ses grands yeux affolés balayèrent le hangar et se posèrent sur le capitaine blond, qui lui fit un sourire cruel.

Nien Nunb était tombé dans le piège tête la première. Il ne lui restait plus qu’à se rendre.

Continuant leurs investigations dans les tunnels, Jaina et Lowie suivaient le petit droïde qui oscillait dans les airs devant eux, se basant sur la carte des souterrains téléchargée un peu plus tôt dans sa mémoire.

— J’ai le pressentiment que quelque chose vient de se produire, dit la jeune fille, mais nous n’avons toujours rien trouvé.

Ils mobilisèrent leurs perceptions de Jedi pour tenter de localiser l’endroit où devait avoir lieu le problème.

Ils émergeaient d’un passage qui débouchait en haut des murs du hangar principal au moment où les tirs de blaster éclataient.

— Par le Grand Circuit ! s’exclama DTM. À couvert, vite ! Nous sommes perdus !

— Les Chevaliers Jedi ne se cachent pas quand il y a un problème, dit Jaina.

Lowie porta la main à son sabre laser, mais la jeune fille l’arrêta.

— On dirait que toute une armée vient de débarquer en bas. Nous ne sommes pas assez nombreux pour intervenir.

Lowie dut reconnaître qu’elle avait raison.

— Quelle admirable retenue, maîtresse Jaina ! la félicita DTM.

Impuissants, ils baissèrent les yeux pour observer la scène qui se déroulait dans le hangar. Il fallut quelques minutes aux mercenaires pour étouffer toute résistance avec un minimum d’effusion de sang.

— Ils ont bien exploité l’élément de surprise, dut concéder Jaina. Leur victoire est totale.

Plissant les yeux, elle observa les gardes du corps et le second administrateur Kymn. Elle se souvenait des membres de la Garde Ailée de la Cité des Nuages, qui avaient retourné leur veste et s’étaient laissé corrompre par le Soleil Noir. Décidément, un complot se tramait contre la Nouvelle République…

Un complot d’une sacrée envergure !

Kymn se précipita vers l’intercom mural, appuya sur le bouton de transmission et hurla :

— Signal Alpha ! Signal Alpha !

Puis il retourna se mettre en position, blaster brandi.

— Je pense que ça doit être un code, dit DTM.

Le second administrateur, qui affichait désormais un sourire suffisant, s’adressa à Nien Nunb :

— Nos alliés sont en place dans tous les endroits stratégiques de Kessel. Nous venons de prendre le contrôle du dernier. J’espère que les nôtres ont pu éviter un carnage, mais ils sont bien armés et prêts à faire le nécessaire. N’en doutez pas une seconde.

D’autres soldats continuaient à se déverser dans le hangar.

C’est une véritable force d’occupation, chuchota Jaina, alarmée.

Les envahisseurs avaient apporté du matériel lourd, des armes et de l’équipement. Ils se mirent en rang pour saluer l’apparition de la grande silhouette qui émergea de la soute.

Quand elle entra sous la lumière des panneaux phosphorescents, Jaina étouffa un cri de surprise. Elle connaissait bien cet humanoïde dont la peau pâle contrastait avec ses courts cheveux verts. Son œil cybernétique brillait d’une lueur rouge sur sa visière métallique.

— Seigneur Czethros, le salua Kymn. Bienvenue dans les mines d’épice de Kessel. L’opération a été un succès total. Tout le complexe vous appartient.

Czethros descendit la passerelle en bombant le torse.

— Bon travail. Kessel va devenir ma nouvelle base d’opérations. À partir d’ici, nous pourrons lancer nos attaques éclair : des prises de contrôle surprise comme celle-ci, mais sur une plus vaste échelle. Je suis ravi que tout se soit passé comme prévu. C’est un bon présage.

Il sourit et ses mercenaires se rengorgèrent. Jaina savait que Czethros était plutôt avare de compliments.

— Nos agents occupent des positions clés dans les systèmes majeurs de la galaxie. Ils frapperont dès que nous leur enverrons le signal convenu. Toutes les attaques se déclencheront en même temps. En quelques jours, nous mettrons la Nouvelle République à genoux. Le Soleil Noir vaincra !

Il brandit un poing et les mercenaires crièrent à l’unisson :

— Le Soleil Noir vaincra ! Le Soleil Noir vaincra !

— Par le Grand Circuit, qu’allons-nous faire ? l’émit DTM tandis que Jaina et Lowie battaient en retraite dans l’ombre du tunnel.

— Nous avons un avantage, répondit la jeune fille. Nous sommes des Chevaliers Jedi et Czethros ignore notre présence.