CHAPITRE PREMIER
Sur la piste d’atterrissage de l’Académie Jedi, un vieux cargo scintillait sous le soleil matinal.
Beaucoup de gens auraient considéré le Bâton de Foudre comme un transporteur de déchets qui avait fait son temps – voire comme un déchet tout court, juste bon à envoyer à la casse. Mais il faisait la joie et la fierté de Zekk.
Le jeune Jedi aux cheveux noirs était en train de le contourner, évaluant du regard les récentes réparations.
— Tu es attaché à ce vieux débris, pas vrai ? lança Jaina.
Zekk haussa un sourcil.
— Jalouse ?
— Peut-être un peu, concéda la jeune fille. Je sais que c’est idiot, mais… Parfois, je me demande si tu n’as pas plus d’affection pour ton vaisseau que, hum… que la plupart des gens n’en auraient à ta place, acheva-t-elle piteusement.
Zekk haussa les épaules.
— Pourquoi pas ? C’est le vieux Peckhum qui m’en a fait cadeau, et tu sais très bien qu’il est ma seule famille. J’ai grandi à l’intérieur !
Jaina se mordit la lèvre inférieure.
— Bien sûr. Je comprends.
— Mais ce n’est pas la seule raison, avoua Zekk. Remettre le Bâton de Foudre en état a contribué à ma réhabilitation après que j’ai quitté l’Académie des Ombres. C’est à son bord que j’ai arpenté la galaxie pendant ma carrière de chasseur de primes, à l’époque où nous combattions l’Alliance de la Diversité.
Il planta son regard dans celui de Jaina.
— Et puis, ajouta-t-il, taquin, on dirait que chaque fois que j’ai besoin d’un coup de main pour le réparer, tes amis et toi apparaissez comme par enchantement.
Tendant la main, il écarta une mèche de cheveux du visage de Jaina. Le rose monta aux joues de la jeune fille.
— Quelqu’un nous a appelés ?
La tête de Jacen apparut soudain par-dessus le cockpit du vieux cargo. Le jumeau de Jaina fronça comiquement les sourcils tandis que Lowie et Tenel Ka le rejoignaient.
Les cheveux roux doré de Tenel Ka pendaient sur ses épaules et le long de la coque du Bâton de Foudre.
— Nous avons terminé les réparations extérieures comme tu nous l’avais demandé, Zekk, annonça la jeune fille.
Lowbacca, le Wookie dégingandé, grogna un commentaire. DTM, le droïde de traduction miniaturisé qui flottait au-dessus de sa tête, s’empressa d’approuver :
— Vous avez bien raison, maître Lowbacca ! C’est de la belle ouvrage, quasiment indétectable, si je puis me permettre… Sauf peut-être par un droïde.
Zekk sourit.
— C’est génial. Merci à vous tous. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous avez décidé que le Bâton de Foudre avait besoin d’une révision complète. Nous n’envisageons pas de partir en voyage…
— Eh bien, pas exactement… (Jaina hésita.) Mais…
— De toute façon, ça ne fait de mal à personne d’être sur son trente et un, coupa Jacen.
Il sauta du vaisseau pour rejoindre sa sœur et Zekk.
— C’est un fait, dit Tenel Ka en l’imitant.
Lowie scruta l’horizon puis, avec un rugissement de bonheur, il fourra DTM sous son bras et se laissa tomber à terre. Après avoir effectué un saut périlleux, il atterrit près de ses amis.
— Vraiment, maître Lowbacca ! le réprimanda le droïde tandis qu’il le remettait à sa ceinture en fibres de syren. De pareilles acrobaties pourraient causer des dommages permanents à mes circuits ! J’apprécierais que vous vous montriez un peu plus prudent.
Ignorant DTM, Zekk demanda :
— Vous savez où se trouve Anja Gallandro ? Je ne l’ai pas aperçue de la matinée.
— Oh, j’avais oublié de te dire ! s’exclama Jacen. Je suis allé la voir dans sa chambre parce qu’elle n’était pas venue au réfectoire. Je lui ai proposé de se joindre à nous, mais elle m’a répondu qu’elle ne se sentait pas très bien. Ça ne me surprend pas, vu qu’elle tremblait de la tête aux pieds.
Zekk fronça les sourcils.
— Elle est en manque d’épice ?
Jacen haussa les épaules.
— C’est ce que j’ai pensé. Mais quand je le lui ai demandé, elle a essayé de plaisanter, parlant du temps qu’il devait faire sur Kessel à cette période de l’année.
— Ah. Ah, ah, dit Tenel Ka en posant son unique main sur sa hanche. C’est donc bien le manque d’épice. Vous savez qu’on n’en trouve que sur les mines de Kessel.
— Peu importe. Ce n’est pas d’Anja qu’il était question, coupa Jaina. Regardez par là.
Le visage de Zekk s’illumina quand il reconnut l’énorme transporteur moderne qui venait de se poser sur la piste d’atterrissage.
— L’Éclair ! C’est Peckhum ! s’écria-t-il.
Il s’élança sur l’herbe en agitant les bras au-dessus de sa tête.
— Il voulait te faire une surprise, dit Jaina, haussant la voix pour couvrir le gémissement des moteurs.
— Alors, c’est pour ça que vous vouliez que le Bâton de Foudre soit sur son trente et un !
Zekk éclata de rire.
— Ça nous a aussi permis de te faire sortir de la pyramide et de rester dans les parages sans éveiller tes soupçons, ajouta Jacen.
Zekk se précipita vers la rampe d’accès de l’Éclair en braillant d’incompréhensibles paroles de bienvenue. Le sas s’ouvrit. Le vieux pilote à la barbe grise apparut et ouvrit les bras.
Les jeunes gens attendirent la fin des effusions entre le jeune homme et son ami.
— On dirait bien que nous avons réussi à le surprendre, constata Peckhum.
— C’est un fait, confirma Tenel Ka.
Le vieil homme éclata de rire.
— Je savais que je pouvais compter sur vous. Maintenant, où est la jeune dame dont Zekk me parle dans tous ses messages depuis quelque temps… Anja, c’est bien ça ?
Son protégé sursauta et jeta un regard coupable à Jaina. Mais la jeune fille semblait très absorbée par la contemplation de l’herbe.
Zekk regarda Peckhum.
— Euh, elle ne se sent pas très bien. Tu feras sa connaissance plus tard. Accompagne-nous donc à l’intérieur ! J’ai un tas de choses à te raconter !
Anja Gallandro faisait les cent pas dans ses appartements du Grand Temple.
Depuis son réveil, elle avait mis deux fois sa chambre à sac, fouillé chaque poche de ses vêtements, examiné chaque étagère de chaque placard, retourné ses sacs de voyage. Il était temps d’admettre la vérité. Elle était à court d’andris ; il ne lui en restait pas un grain.
Anja avait souvent affirmé aux Chevaliers Jedi qu’elle n’était pas accro à l’andris : elle en consommait uniquement par plaisir, parce qu’elle aimait les sensations que l’épice lui procurait, la façon dont elle augmentait ses réflexes, décuplait ses perceptions et clarifiait ses pensées.
— C’est un stimulant, pas une drogue, avait-elle insisté.
Dans ce cas, pourquoi ses mains tremblaient-elles ? Pourquoi était-elle au bord du malaise ? Elle avait tellement besoin d’une dose…
Anja secoua la tête. Ses cheveux noirs striés de mèches blondes ondulèrent dans son dos.
De toute façon, que fichait-elle sur Yavin 4 ? Seule sa haine de Yan Solo l’avait poussée à se lier avec les jumeaux et leurs amis : elle comptait se venger de lui à travers ses enfants. Maintenant qu’elle connaissait bien ces derniers, elle savait qu’elle ne pourrait jamais leur faire de mal. Ils ne méritaient pas de souffrir même si elle méprisait leur père.
Czethros avait tenté de les éliminer à deux reprises : d’abord sur la planète Anobis, ravagée par une guerre civile qui durait depuis des dizaines d’années, puis sur la Cité des Nuages.
Anja n’avait plus confiance en son ancien maître. Pourtant, elle aurait aimé le contacter ! Lui seul était capable de lui fournir de l’andris.
La jeune femme se jeta sur son lit et essaya en vain de calmer les battements désordonnés de son cœur. Czethros lui avait commandité l’assassinat de ses amis. Et s’il avait tout inventé à propos de la mort de son père ?
Pour Anja, c’était l’idée la plus difficile à admettre. Depuis sa plus tendre enfance, la haine était le centre de sa vie. Elle lui avait fourni un objectif, quelqu’un à blâmer pour tout ce qui allait de travers. La jeune femme aurait du mal à renoncer à cette haine… presque autant qu’à l’épice. Alors, même si elle appréciait les jumeaux et leurs amis, elle continuait à les rabrouer et à se moquer d’eux.
Incapable de demeurer immobile plus longtemps, Anja se releva et se remit à faire les cent pas dans sa chambre.
— Je peux me contrôler, grinça-t-elle entre ses dents. Je vais m’en sortir.
Elle dénoua le bandeau de cuir qui retenait ses cheveux. Bien qu’elle n’eût fait aucun exercice physique depuis son réveil, de la sueur dégoulinait dans sa nuque.
— Je vais m’en sortir, répéta-t-elle.
Mais elle savait qu’elle se mentait à elle-même.