CHAPITRE VII
Les jeunes Jedi examinèrent les archives du spatioport de Kessel et n’y découvrirent pas trace du passage d’Anja.
Soit elle ne s’était pas identifiée auprès des autorités, soit elle n’avait jamais mis les pieds sur la planète minière.
Zekk consulta un diagramme de toutes les zones de stationnement – officielles ou non – de Kessel pendant que Tenel Ka étudiait la liste des autorisations d’atterrissage délivrées au cours de la semaine précédente. Assis à côté d’elle, Jacen allait lui demander ce qu’elle cherchait quand la jeune fille hocha la tête d’un air entendu.
— Ah.
— Ah ? répéta Jacen.
Zekk abandonna sa console pour s’approcher d’eux.
— Vous avez découvert la trace du Bâton de Foudre ? Ou un début de piste ? demanda-t-il, plein d’espoir.
— Non, juste quelque chose d’étonnant, dit Tenel Ka. Un vaisseau que nous avons déjà rencontré alors que nous faisions route vers Anobis, la planète natale d’Anja.
Zekk plissa les yeux en parcourant la liste du regard.
— Le Réveil en Sursaut ?
Jaina leva les yeux de son terminal et se gratta la tête.
— Ce nom me dit quelque chose, mais je n’arrive pas à le situer.
— N’est-ce pas le vaisseau que nous avons arraisonné pas très loin d’Ord Mantell ? dit Jacen.
Sa sœur fronça les sourcils.
— Tu veux parler de Lilmit ? Qu’est-ce qu’il ficherait sur Kessel ?
Lowie tapa quelque chose sur son clavier. Quelques instants plus tard, il lâcha un aboiement soupçonneux.
— En effet, maître Lowbacca : c’est très étrange, approuva DTM. Il semble que notre ami contrebandier ait l’autorisation de récupérer une cargaison ici. Étant donné les circonstances, je trouve curieux qu’il ne se soit pas posé dans une des aires de chargement.
— Selon le code indiqué, son autorisation émane de l’ancien bras droit de Nien Nunb, dit Jaina. Celui qui est mort dans l’accident.
— Alors, où s’est-il posé ? demanda Zekk.
Jaina se pencha par-dessus son épaule pour lui indiquer un point sur le diagramme.
— Dans ce hangar, près du nouveau filon d’andris et de l’unité de congélation. C’est parfaitement légal, mais pas très commode d’accès.
— Je trouve ça louche, dit Jacen. Même si je doute qu’Anja le connaisse, c’est une drôle de coïncidence que nous tombions de nouveau sur lui, si loin du système d’Anobis.
Tenel Ka hocha la tête.
— La théorie de Nien Nunb a peut-être des bases plus solides que nous ne le pensions.
— Dans un cas comme dans l’autre, dit Jacen, il est temps de rendre une petite visite à notre ami Lilmit. Je suis persuadé qu’il sera enchanté de nous revoir !
Jacen s’approcha de Lilmit sur la pointe des pieds et lui abattit la main sur l’épaule. Le petit humanoïde, dont la tête et le cou disparaissaient dans le compartiment moteur du Réveil en Sursaut, sursauta et se cogna le front.
— Pouvons-nous te donner un coup de main, Lilmit ? susurra Jaina.
— Qu’est-ce qui vous prend ? Vous m’avez fichu une de ces trouilles ! cria le contrebandier.
Lowie grogna. Lilmit fit demi-tour et écarquilla les yeux en découvrant les jeunes Jedi. Surpris, il recula d’un pas et se cogna de nouveau la tête – contre la coque du vaisseau, cette fois-ci.
— Non, c’est impossible, gémit-il en regardant les jeunes gens qu’il n’avait pas revus depuis sa mission désastreuse sur Anobis. Pas vous ! Je suis perdu ! Pourquoi ne pouvez-vous pas me ficher la paix ? Laissez-moi tranquille, je vous en prie. J’allais partir…
Jaina et Lowie passèrent la tête dans le compartiment pour voir quel était le problème. La jeune fille se dégagea et lança un regard sceptique à Lilmit.
— À en juger par l’état de tes moteurs, je doute que tu puisses aller où que ce soit avant un bon bout de temps, dit-elle.
Le grognement de Lowie résonna dans le compartiment.
— Maître Lowbacca confirme ce diagnostic, traduisit DTM.
Jaina posa les mains sur ses hanches.
— Même si tu réussis à te procurer les pièces détachées dont tu as besoin, il faudra quatre jours à un bon mécanicien pour effectuer les réparations.
Lilmit devint livide.
— Quatre jours ? Je n’ai pas quatre jours devant moi ! Et je n’ai pas de crédits non plus, d’ailleurs. Je dois absolument déguerpir avant que Kessel ne soit…
Il s’interrompit.
— Je… je dois repartir aujourd’hui. Y a-t-il un moyen de vous persuader de m’aider ?
— Pour que tu puisses aller livrer d’autres armes a de pauvres gens ? grogna Jacen.
Lilmit se redressa de toute sa petite taille.
— Je ne fais plus dans le trafic d’armes, rectifia-t-il. Mes activités sont parfaitement légales, à présent.
Tenel Ka haussa un sourcil.
— Et en quoi consistent-elles ? Le transport d’épice, peut-être ?
— Oui. J’ai à bord une cargaison pour laquelle j’ai reçu toutes les autorisations nécessaires, et dont mes clients ont un besoin urgent.
— Ah, dit Jacen.
— Ah, ah, renchérit Tenel Ka.
Elle hocha la tête.
— Vous voyez bien que vous n’avez aucune raison de me mettre des bâtons dans les roues, insista Lilmit. J’accomplis une mission… humanitaire.
— Nous ne sommes pas là pour toi, le rassura Zekk. Nous cherchons une amie qui a… emprunté mon vaisseau, le Bâton de Foudre.
Jacen sentit que le jeune homme luttait pour inventer une explication qui ne l’oblige pas à mentir.
— Nous comptions la retrouver ici, mais elle est arrivée la première et ne nous a pas attendus.
— Je ne les ai pas vus, affirma Lilmit. Ni elle ni le tas de boue qu’elle pilote.
Comment savait-il que le Bâton de Foudre était un tas de boue ? Ainsi, Anja était bien passée par là. Les jeunes Jedi avaient de la chance que Lilmit soit un si piètre menteur… et si pressé de se débarrasser d’eux.
Jacen ne doutait plus que l’ancien contrebandier avait vu la jeune femme. Il le sentait grâce à la Force.
Il se rapprocha de Lilmit pour chuchoter :
— Écoute, nous savons qu’Anja est venue ici à bord du Bâton de Foudre. (Il en avait la certitude depuis quelques secondes seulement, mais son interlocuteur n’avait pas besoin de l’apprendre.) Elle a besoin de notre aide…
Jacen était persuadé qu’Anja voulait se libérer de sa dépendance. D’après ce que lui avait dit Lando et ce qu’il avait constaté de ses propres yeux, la jeune femme n’y arriverait pas seule.
Donc, ce n’était pas non plus un mensonge.
Jaina prit le relais.
— On nous a envoyés ici pour la secourir, dit-elle. Mais si tu ne sais rien, tu ne peux pas l’inventer pour nous faire plaisir. C’est vraiment dommage, parce que l’administrateur en chef des mines d’épice nous doit une faveur, et il aurait sans doute été ravi de fournir les pièces de rechange dont tu as besoin pour réparer ton moteur.
Jacen haussa les épaules et fit mine de se détourner.
— Bonne chance tout de même, Lilmit. Comme tu peux l’imaginer, nous n’avons pas de temps à perdre. (À tout hasard, il lança :) Espérons que nous la rattraperons avant qu’il ne soit trop tard.
Lilmit déglutit mais ne dit rien.
— Tu as bien compris qu’on nous a envoyés aider Anja Gallandro à se libérer de l’épice, j’espère ? insista Tenel Ka.
Le petit humanoïde écarquilla les yeux. Ne sachant pas que le « on » en question désignait maître Skywalker, comment interpréterait-il cette dernière question ? se demanda Jacen.
Jaina décida d’ajouter une dernière touche au tableau.
— Allons, nous n’avons pas de temps à perdre. Mieux vaut nous mettre en route tout de suite dans l’espoir que nous la rattraperons sur Ord Mantell…
Jacen ne vit aucune lueur dans le regard de Lilmit.
— Ou sur Coruscant…, continua sa sœur.
— Non ! glapit l’ex-contrebandier. Calamari ! Elle est partie pour Mon Calamari ! (Il baissa la voix.) La mission de Coruscant est à moi !
Jacen tenta de remettre de l’ordre dans ses idées. Ils obtenaient enfin des réponses, mais il n’avait aucune idée de ce qu’ils pourraient en faire. Il espéra que ses compagnons y verraient plus clair.
Lilmit se détendit.
— J’étais en train de vous mettre à l’épreuve, bien sûr. À propos d’Anja. On n’est jamais trop prudent avec ces choses-là. Surtout que vous m’avez déjà nui en détruisant ma cargaison dans le système d’Anobis.
— Nous avions nos raisons, dit Zekk. Mais nous aimerions te dédommager.
Lilmit sourit.
— Vous êtes certains de pouvoir obtenir les pièces de rechange dont j’ai besoin ?
— Bien sûr. Rien de plus simple, affirma Jaina.
Lowie grogna une suggestion.
— Maître Lowbacca vous conseille de parler d’abord, traduisit DTM. Ensuite, nous nous occuperons de vos pièces de rechange.
— Mais tu devras faire les réparations tout seul, prévint Jaina. Notre mission ne peut pas attendre.
— Marché conclu. Du moment que j’arrive à filer d’ici à temps…